Adwa – partie VII

Par Luvi

J’eus l’amère sensation de ne pas être à ma place. Une furieuse impatience s’emparait de mon esprit. Cette gronde qui l’embrasait, perdu dans les limbes d’un sommeil qui se refusait à être éternel, me berçait. C’était une cajolerie troublante, entrecoupée de soubresauts, semblable aux bras d’une mère en proie à l’angoisse. Et cette angoisse était contagieuse.

Tout n’était que ténèbres. Et les ténèbres dansaient, mouvante, presque vivante. Leurs obscurs scintillements engendraient des vagues noirâtres, laissant se déposer sur moi, une fine couche de poussière funèbre. Leurs tentacules jaillissaient, caressant ma peau dans une salve bouillante de magie noire.

Tout n’était que noirceur. Et cette noirceur reflétait mes pensées les plus intimes. Elle obligeait mon esprit à répéter inlassablement la même mélodie. La mort des miens. L’abandon de leurs actes face à la guerre. L’aveuglement des dieux. Moi, qui devenait l’ennemi à abattre.

Mais étais-je la seule à voir, par-delà l’hypocrisie des maisons divines, le chaos qui s’était installé ? Ce déséquilibre où ombre et lumière, pourtant si capitale pour l’équilibre de l’énergie créatrice, abdiquaient face aux forces humanoïdes ?

Cependant, l’oubli s’imposa. Je ne voulais guère me soucier de tout cela. Je n’étais plus qu’un être se complaisant dans la chaleureuse étreinte des ténèbres. L’effroyable et délicieuse perception d'être en symbiose, me gagnait. Ses chuchotements à mes oreilles devenaient douces mélodie. Et moi, je tenais le rythme de son chant suave et lancinant. Je me laissais attirer irrésistiblement vers ses abysses. Les ombres dansaient autour de moi. Leurs murmures s’intensifiaient. Je plongeais corps et âme dans leur océan. Elles me promettaient le pouvoir et la liberté. Remplaçaient mes doutes et mes peurs de leur exquis bon vouloir. L’obscurité était réconfortante. C’en était grisant. Elle m’envahissait. Je tremblais d’un désir unique : les posséder entièrement. Je voulais ces ténèbres pleines et entières. Me tenir à leur bord comme on se tient devant un précipice. Que ma raison disparaisse pour laisser éclater ma folie. Qu’elles se confondent. Ressentir leurs chaleurs. Que les feux qui brûlaient en moi éclatent. Me sentir apaisé, comme si, je trouvais enfin ma place au sein de l’univers.

Tout bascula. Une lumière éclatante me projeta hors des ténèbres. Glaciale, froide comme la mort, elle m’encercla. Je baignais dans une calme sérénité. Elle chassait toutes les ombres, et remplissait chaque recoin de mon être de son halo fougueux. Elle embrasait ma peau, faisant clore mes paupières par sa perfide luminosité. Des rayons lumineux, tels des milliers d’aiguilles, perçaient mon corps de part et d’autre. Ses murmures agressifs et fielleux, accentuaient mon sentiment de malaise. La lumière était pure, éclatante. Elle était une source infinie d’inconfort et de damnation.

Je tentais de fuir cette extatique et douce perception de symbiose. Elle chuchotait à mon oreille. Mot acrimonieux, et venin acide, sa litanie emplissait ma tête de murmures acides et piquants. Chaque syllabe, chaque intonation distillait un poison subtil dans mes pensées.

La lumière me rejetait. Elle me refusait son étreinte. Comment en étais-je arrivé là ? Pourquoi cette force, celle qui faisait mon être, pouvait à ce point rejeté sa propre engeance ? La réponse était limpide : je m’étais laissé séduire par la noirceur omniprésente de mon être. Et j’en payais le prix. Mon âme, perdue dans les plaisirs intenses d’un feu ardent qui la consumait. Puis tout s’arrêta.

La violence de l’arrachement m’arracha un cri muet. C’en fut si violent que des pics d’énergie vinrent enserrer ma tête dans de douloureuses céphalées. Mon cœur n’était plus que tambour de guerre. Ses pulsations sonores à m’en crever les tympans, rythmaient ma respiration saccadée. Cette brume cotonneuse, irradiante, tels les effluves mordorés d’un lever de soleil, m’abandonnait. J’ouvris les yeux, lentement.

Le monde autour de moi était si flou. Une obscure luminosité tachée d’éclat lumineux peinait à me guider. Des tâches pataudes face à moi me donnaient l’impression que mon regard avait sombré de force dans la cécité il y a peu. Mes doigts, totalement figés jusqu’à présent, se réveillaient de leur engourdissement. Je retrouvais lentement ma mobilité. Le velours du sol se désagrégeait à mon toucher. L’air, quoique respirable, portât l’odeur âcre de l’enfermement. Rassemblait mes forces de mon corps tremblant, je me redressais. Tandis que mes yeux s’habituaient à la lumière ambiante, je scrutais les alentours. La recherche de flux magiques et autres énergies pouvant m’aider à comprendre l’endroit où je me trouvais me fut difficile. Je pris une grande inspiration et canalisais mon énergie devenue latente par cette amère expérience.

Finalement, les tâches se matérialisèrent en torches. Le sol devient sable et le froid dans mon dos, des barreaux. Un long couloir, des cellules. Où étais-je donc tombé, emporté par la fumisterie de l’énergie de l’Isis noir qui sautillait joyeusement autour de moi ? C’était elle qui s’était emparée de mon corps, me laissant devenir spectatrice de ses desseins. Elle avait tissé une trame de mystère autour de mes sens. L’impossible pari d’unir son aura ténébreuse à mon énergie divine. Une danse envoûtante. Un mélange de force que tut semblait opposer. Une union inattendue. Mais aussi étrange que cela puisse paraître, la voir tourbillonner autour de moi me troubla. Sentir ses caresses exaltantes au plus profond de mon sein, m’apporta subitement l’harmonie. Le chaos de son énergie sombre et la pureté de ma lumière trouvaient un terrain d’entente. Un moyen d’exister.

Mais à quel prix ? Son étrange ballet s’imprimait en moi. Elle bousculait mes certitudes. Elle redéfinissait la frontière de mon âme. Alliance temporaire ou prélude à une transformation plus profonde, les échos de ses arcanes n’étaient pour moi qu’un équilibre précaire. Une fragilité qui pouvait s’effondrer à tout moment. L’énergie de l’Isis noir, pourtant, n’avait pas l’air de douter. Ses volutes acérées m’enveloppaient, me susurrant des vérités que je ne voulais entendre. Des promesses de puissance et de connaissance. Et moi, je me laissais gagner par la colère. La colère d’avoir, d’un battement de cils, laissé mon esprit lui faire confiance. Elle avait encore pris la décision d’envoûter mon corps, moi qui me refusais à répondre à ses appels depuis mon arrivée sur ce monde. Par sa grande éloquence, elle m’avait enfermée dans mon ignorance. Je m’étais refusée à lui laissait la moindre liberté. Elle avait agi. Et tandis que j’incantais pour sceller cette force bien trop dangereuse pour moi, un cri retenti. Déchirant, venu des profondeurs de cet endroit, il fit vaciller ma détermination.

À suivre.

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JFC
Posté le 03/04/2025
Hello,
L'oscillation entre l'obscurité et la lumière ajoute une belle profondeur à l'exploration de son psychisme.

Pour affiner encore le récit, envisage de clarifier certaines métaphores (je ne suis pas sûr d’avoir tout compris lol) pour améliorer l'impact émotionnel. Ça pourrait rendre les transitions d'état plus nettes

Beau travail, c'est captivant ! comme être hypnotisé devant l'oscillation d'un d'un pendule... de droite à gauche... de l'obscurité à la lumière...
Luvi
Posté le 03/04/2025
Hello à toi !
Sa descente va bientôt prendre fin dans les prochains chapitres. Je ne sais pas encore comment je vais aborder
Luvi
Posté le 03/04/2025
Lol j'ai cliquer sur publier 😅.
Donc je disais, je ne sais pas encore comment je vais travailler la fin de sa descente vers les ténèbres et son état psychologique après son erreur, mais promis je simplifierais au maximum ses sentiments
A bientôt
JFC
Posté le 10/04/2025
Hello Luvi,
Ce n'est pas simplifier, mais clarifier. Expliquer sans complexifier...
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