Les cris, tels des fouets, cinglent mes tympans. Ils fendent le silence avec fracas. Morsures brûlantes sur mon esprit, l’écho douloureux de ces stridentes vocalises me déchire. Mugissements d’âmes à l’agonie, vacarme infernal d’une avalanche de souffrance, ils envahissent chaque recoin de ce lieu maudit. Un linceul de désespoir résonne dans tout le couloir.
Je reste là, totalement figée par la peur. Sans raison, les notes funèbres pulsent dans ma tête. Elles réveillent mon affliction. Cette amie depuis cette nuit cauchemardesque, ou l’immortalité me fut imposée, s’impose. Éternelle compagne dans la solitude de mes pensées, son effervescence et son entichement qui possède mon enveloppe physique se déchaîne. Cette complainte qui m’accompagne inlassablement depuis des années s’insinue en moi. Tel un torrent impétueux, elle se diffuse, entraînant mon existence de lumière vers ses salutaires arcanes.
La douleur nous fait sentir vivant, m’a-t-on dit un jour. Elle révèle nos émotions les plus intenses. L’attachement à ce que nous chérissons. Il est de ces moments, ou ses épreuves forcent notre humanité. Résilience et transformation, elle ne nous épargne aucunement ses tourments. Physique, émotionnelle, spirituelle, elle porte en elle l’opportunité de renaître. D’apprendre et de redécouvrir notre puissance intérieure.
Puis tout se mélangea. Le sang, les larmes, la folie. Sainte trinité. Tout n’est qu’un vertige de néfaste sensation. Maux éternels de la vie, ivresse des êtres esseulés, chaos charnel dans un organisme de chair. Elle me happe, m’enveloppe, s’accroche. Distille son infâme poison dans tout mon être. Mon corps frémit, vacille et s’abandonne au supplice.
Une main surgit du désordre de mon aliénation. Je la saisis. Elle m’attire hors de ces ténèbres aveuglantes. Au bout de ses doigts, une frêle lueur vacille. Elle est fragile, incertaine. Un dernier espoir refusant de s’éteindre. Est-ce mon salut ou ma perte ? Ne suis-je déjà pas perdu dans cet océan de peine, ou seule la détresse repeint mon existence ? J’affronte alors mes propres ombres, et m’oblige à reparaître par-delà le fatras.
Elle est là. Elle se tient victorieuse devant moi. L’énergie de l’Isis noir ne semble pas se formaliser de ce qui advint. Au contraire, témoin silencieuse de cette calamiteuse clameur, elle saute joyeusement. Mue par un sentiment d’allégresse qui accapare sa conscience, elle laisse éclater son plaisir dans une myriade d’étincelle d’un noir ardent. Je perçois sa consistance se désagréger sur le rythme des hurlements.
Pourquoi se joue-t-elle de moi, maintenant que je ne suis plus qu’un amas infertile de lumière ? Que les ombres me happent, m’arrachant une vive peine dans l’obscurité de ma conscience ? Que mes derniers éclats s’éteignent ? Que m’emporte le souffle glacé du néant ? Que reste-t-il d’un être lorsqu’il n’est plus qu’un écho silencieux perdu entre deux mondes ? Entre souvenir et oubli ? Peut-être tente-t-elle de m’extirper de la plus violente des manières de cette fin désolée qui m’attend ? Peut-être réside dans ses actions, une fragile promesse, une renaissance improbable, une lumière différente, subtile, mais inextinguible ?
Je ne sais pas, je ne sais plus. Tant de désespérance semble vouloir m’éprouver sans relâche, comme des vagues qui s’écrasent sur mon existence. À chaque avancée, une force invisible me tire en arrière. Je la laisse faire. Elle cherche à éroder la moindre parcelle de courage que je tente de construire. Mais je suis faible. Comment pourrais-je continuer sur cette voie alors que mon passé ne me le permet pas ? J’ai tellement de choses à apprendre sur la vie, sur ces mondes. Mais je suis faible, alors je m’égare dans ces sombres méandres, incapable de saisir le fil qui me ramènerait à la lumière.
Et je me souviens. Là, sous les branches bienfaitrices du saule de mon sanctuaire. Je me remémore sa chaleur, son odeur, ses bras. Cette sensation de sécurité. Ma mère. Ou plutôt Freya, grande reine, qui dans ses mensonges éhontés, son hypocrite bienveillance, me parle. M’invective de cesser de rêver aux mondes.
« Le monde extérieur est un endroit bien trop dangereux pour un être tel que toi… Tu es notre lumière. Dans tes pas, tu nous guides. Sans toi, nous serions perdus dans les ténèbres. Les mondes son chaos, sombre et emplis de terreur. Les cœurs incroyants sont partout, étendant leurs noirceurs pour étouffer ce feu précieux qui brûle en toi. Ce sanctuaire protège notre lumière, te protège. Tu es spéciale. Ta place est ici, ou ta lumière brille sans entrave. Ou tu es en sécurité. »
Avait-elle tort ? Avait-elle raison ? Que m’avait apporté cette illusoire liberté ? Je m’étais accroché à un rêve et voilà que ce rêve n’avait eu cesse de s’appeler cauchemar depuis ma fuite des Neuf Royaumes. Pourtant, sous les aspérités de mes voyages vers la liberté, les vastes étendues des mondes que j’ai explorés, ont révélé bien des splendeurs à la divinité de lumière que je suis. Certes, les ténèbres sont une part de cet univers, tout comme les épreuves et la douleur. Mais, n’étant qu’une facette parmi tant d’autres, dois-je abdiquer ? Dois-je laisser cette complexe existence me dicter ses lois ou dois-je me relever et continuer la lutte ?
Trop de questions m’assaillent, et l’énergie de l’Isis noir, loin de s’enquérir de mon état, fait étalage de son impatience. Je ne sais quoi faire. Fuir en prenant soin de ne pas alerter quiconque de ma présence, ou accepter la main qu’elle me tend et plonger avec elle vers l’odieuse vérité qui émane de cet endroit ?
A suivre.
Tu vas bien j’espère.
Tu arrives à rendre tangible un chaos intérieur très abstrait. En l’allégeant par endroits, tu gagnerais en puissance. Autre petite suggestion. La métaphore « le velours du sol se désagrégeait à mon toucher » est belle, mais un peu floue. Peut-être pourrais-tu préciser la sensation.
0 bientôt
Pourrais-tu me donner un exemple?
Pour le velours du sol, elle sors d'une crise, donc ses sens sont perturbés. Le sol est sableux donc elle s'imagine sentir la douceur du sol se désagrèger, alors que ce n'est que la sable qui coule entre ses doigts.
J'espère que ça répond à ta question.
A bientôt