Je regarde ce porche avec curiosité. Ma première venue dans cette salle désertée par toute présence, ne m’avait pas livré tous ses secrets. Plongée dans une totale obscurité dont les aspérités évoquent bien plus un néant total qu’une simple absence de lumière, une cavité se dresse. Je m’en approche, lentement, comme l’on s’avance vers une vérité qui se doit de rester cachée.
Quelle surprise. Subitement, de pâles lueurs tâchent l’intérieure de la structure. Toute la paroi est gravée de glyphes. La roche aurait-elle été sculptée jadis par un maître runique ? Les symboles palpitent d’une lueur imperceptible mais présente. Ils ne brillent pas à proprement parler. C’est une réaction énergétique à ma présence.
Je tends la main, sans savoir si je souhaite les toucher ou en repousser l’enchantement. Lorsque mes doigts en frôlent le rebord, un frisson me traverse. Non pas de peur, mais de surprise. Cette cavité semble vivante, elle pulse tels les battements de milliers d’âmes.
Je ferme les yeux, et laisse mon corps absorber les milliers de flux qui s’en dégagent. Ils tressaillent et de nombreuses failles apparaissent dans leurs trames magiques. J’appose ma main sur la surface. Ces runes ne sont pas un quelconque interdit ou mise en garde, il s’agit de banals sceaux venus du tréfonds des âges. Ils s’entrelacent en un réseau complexe, dans un agencement ne répondant à aucune logique défensive. Des sceaux de confinement qui n’en sont pas ?
J’ouvre les yeux et contemple ce savoir oublié. Je n’ai pour le moment, peu de notions en matière de magie runique. Leur déchiffrage est donc pour moi impossible. De plus, ils ne sont ni lumineux, ni ténèbres, juste ancien. Un langage perdu qui ne perdure que dans ce lieu de perdition ? Une visite au sein de la bibliothèque interdite me semble plus que nécessaire. D’autant plus, que maintenant, je sais m’infiltrer dans le domaine sacré du conseil des dieux sans alerter ces idiots de ma présence.
Mais revenons-en à ces étranges inscriptions. À mesure que je les scrute et tente de les traduire, une certitude me gagne. Ces lueurs ne sont que reflet et illusion. Ce que je perçois, en concentrant une nouvelle fois mon pouvoir pour en déceler les mystères, est une manifestation qui me happe et me révulse à la fois.
Cet élément s’échappe lentement d’une brèche, comme une vapeur invisible. Une vitalité étrangère, à mi-chemin entre la vie et la mort. Est-ce seulement humanoïde ?
Je recule d’un pas, mue par un sentiment d’alerte et une hésitation soudaine. Ce n’est pas une porte. Cette entaille dans la paroi est un aller vers les enfers. Ce qui en suinte n’est pas de la magie, c’est une essence, une mémoire, un cri. Ces inscriptions ne sont là que pour éviter que ces émanations malsaines ne s’échappent.
Un concerto de voix me parvient subitement. À moins qu’il ne s’agisse de hurlements. Je sursaute. Mon cœur rate un battement. J’en ai la chair de poule. Tout mon être se braque, ma paume droite trouve naturellement sa place sur la hampe de mon sabre. Je tends l’oreille. Le bruit est confus, étouffé, comme filtré par des parois trop épaisses.
Cela me rappelle un récit que j’ai lu, quand le confinement de ma personne au sein de mon sanctuaire était ma seule vie.
Le texte relatait l’histoire d’un monde cultivant le paroxysme de l’horreur. Les Murs de la Lamentation sur Timoria dans le troisième Méros. Planète dont le nom même signifie punition. Les malheureux bougres capturés dans la galaxie y étaient emmurés vivants, sans échappatoire.
La pierre utilisée pour ériger cette damnation à quelque chose de follement excitant. Le supplice est un poison subtil, absorbant force magique et vitale, en administrant par voie respiratoire, une fine poussière empêchant les victimes de mourir. Ils suffoquent sans fin, condamnés à une lente et longue agonie.
Tourmenter son prochain, paraît être le fort des créatures humanoïdes. Je ne sais pas vraiment si la cruauté les définit, ou si le besoin de se prouver vivants en contemplant la souffrance des autres, est un art de vivre.
Mais à bien y réfléchir, cela existe-t-il seulement ? Peut-être n’est-ce qu’un mythe parmi tant d’autres. À force de confronter mes découvertes à mes lectures, je doute. Je ne sais pas vraiment ou s’arrêtent les réalités et ou commence l’imaginaire.
Un courant d’air chaud rance et vicié m’asperge brusquement. La violence du jet me sort de mes pensées. Un déferlement de miasmes envahit l’espace. Que l’odeur est irrespirable. J’appose un mouchoir aux notes parfumé d’agrume sur mon visage afin d’en masquer les effluves nauséabonds.
C’est curieux, les cris se sont tus. Ils sont remplacés par les embruns néfastes d’un sortilège, les effluves de la peur, du sang et d’un parfum que je ne connais pas. Sainte Lumière ! Que se passe-t-il donc au-delà de cette ouverture que je n’ai su voir ?
Je m’aventure donc dans ce passage, la poitrine en feu et l’Énergie de l’Isis qui danse dans mes entrailles. Quelque chose ou quelqu’un la séduit irrémédiablement et s’avère lui procurer la force occulte dont elle raffole tant. Je fais apparaître une sphère luminescente dans ma main et suis la voie de ces émanations malsaines. Que vais-je découvrir ?
A suivre.