Avachi sur le parapet de ma chambre, je contemplais une scène magnifique s’étendre devant moi. La splendeur du jour frappa. Caressant doucement la cité de sable qui s’éveillait sous ses bienfaits, sa lueur flamboyante ravivait son éclat majestueux. La ville, ses rues et ses bâtiments prirent vie sous la lumière du matin. Une lueur dorée baignait les toits et les rues. Les ombres s'allongeaient, dessinant des motifs délicats sur les murs anciens, tandis que les oiseaux chantaient leur mélodie matinale. Les marchés commencèrent à s'animer. Les marchands installaient leurs étals et les habitants sortaient de leurs maisons pour entamer une nouvelle journée. Des odeurs de pain frais et d'épices flottaient dans l'air, tandis que les rires et les conversations remplissaient les ruelles étroites. La vie sous toutes ses formes reprenait son cours dans une vision enchanteresse. La renaissance de l’astre solaire révélait à nouveau la lumière aux habitants de ce monde.
Bien que la beauté de ce spectacle me rappelât combien la vie pouvait être douce et pleine de promesses, même au milieu des tumultes et des incertitudes, je portais mon verre à mes lèvres. L’amertume de l’alcool termina son œuvre. Ma gorge me brûlait, mais je n’en avais cure. Plus qu’un châtiment que je m’infligeais volontairement, j’avais espéré que le reste de cette nuit de dépravation, m’aide à étouffer la douleur qui me rongeait intérieurement. L’apprentissage de la vie que le Seigneur Alkan m’imposait, se faisait bien trop douloureux pour que je puisse l’affronter avec toute la clarté de mon esprit.
Aujourd’hui je ne sais que trop bien que mon attitude à cette époque fût des plus lâche. Mon esprit bâtit par ceux qui avaient fait de moi leur obligé, se refusait toujours à accepter l’irascible vérité qui était mienne. Chaque instant, chaque moment de ces épreuves ravivait cette blessure que je ne pensais jamais ne pouvoir guérir. Même si cinq mille ans plus tard, la douleur de la perte des miens est moins virulente en mon cœur, leurs souvenirs bien qu’estomper ne sont dorénavant plus qu’une piqûre d’insecte. Mais revenons-en à cette aube qui se dresse pour apporter sa bénédiction sur les créatures humanoïdes de Adwar.
Un coup, deux coups, trois, puis une voix rauque s’éleva. Je sursautais. Une imprévisible visite se profilait et je dus faire un effroyable effort pour masquer la vérité de mon être. Je vidais le contenu de mon verre d’une traite. Mes yeux se posèrent sur ma main tremblante. J’aperçus mes veines qui brillaient d’une douce aura lumineuse, entraînant une légère chaleur dans tout mon organisme. Mes pensées tanguaient encore entre les souvenirs de la douleur et le réconfort du liquide qui coulait dans mon sein. Mon esprit encore cotonneux, se détachait. Il voguait loin de la réalité, vers les images de mes semblables. Comme si je me réveillais d’un mauvais rêve, mes paupières encore lourdes ne demandaient qu’à se refermer. J’abattis mon verre sur la table dans un retentissant tintement, tandis que mon hôte s’acharnait sur la porte. Je me levais et titubant, renversais ce que mes bras ballant rencontraient.
Mon reflet me fit subitement face. Dans le miroir qui officiait son mauvais augure, je me vis. Lumineuse, éthérée, flottant légèrement au-dessus du sol, mes contours flous et changeants se réincarnèrent en être de chair et de sang. Perdue dans les infâmes affres de ma propre folie, je n’avais pas remarqué que mon pouvoir divin luttait contre les ténèbres de l’immortalité. Mon corps d’être de lumière avait irradié ma chambre toute la nuit. Je me lançais un sortilège de soin, espérant faire disparaître de mon corps les charmes ravageurs de l’alcool. J’ouvris la porte.
Il se tenait là, dans un habit d’apparat aux couleurs chatoyantes d’un vert poudré. Ses yeux, deux orbes incandescents, me fixaient avec une intensité presque insoutenable.
Sans aucune gêne, je le laissais sonder la mélancolique aura qui émanait de mon regard éteint. Il s'avança lentement. Ses pas résonnaient comme un écho dans le silence de la pièce. La douce lumière du soleil se reflétait sur son habit. Des éclats scintillants dansaient autour de lui. Il me tendit la main, et sans un mot, je la pris. Je sentis une chaleur réconfortante se diffuser à travers moi.
Nous restâmes ainsi, immobiles. En cet instant, il y avait une étrange sérénité entre nous. Une compréhension silencieuse qui n’avait pas besoin de mots. Une confiance se renforçait, même si les appels de l’énergie divine du Seigneur Judal se réveillaient. Chaque jour, je laissais Khaor, car tel était le nom de ce jeune éphèbe, gagner en assurance à mes côtés. Je laissais son influence grandissante s’emparer de mon esprit, malgré les murmures et les craintes qui persistaient. Je n’avais pas su voir le piège se renfermer sur moi. Il m’invita à le suivre aux travers de son palais, vers les luxuriants jardins d’Éden qui s’épanouissait sous la lumière de ce monde.
A suivre.
Ce chapitre est une exploration poignante de la solitude et des démons intérieurs, et montre une nouvelle fois ton habileté à mêler descriptions et introspections profondes.
Hâte de voir comment tu vas développer les interactions avec Khaor, ce jeune éphèbe, dans les prochaines parties
Je te souhaite une belle journée