Août

Notes de l’auteur : La magnifique image est d'Agnès Dumas (https://agnesdumas.fr).
Je change l'image de couverture pour qu'elle corresponde au mois en cours - l'image est donc toujours celle du dernier texte.

Elle suffoquait, piégée dans son intérieur de femme moderne. Elle tâchait ce soir-là de préparer une sauce nouvelle mais étouffait dans le feu de cuisson des casseroles.

Elle était cernée de formes mortes et d’angles droits : tables, tiroirs et placards au design parfait, tous ces rectangles ajustés composaient sa perspective quotidienne. Le plan de cuisine était son seul horizon.

Ce soir les murs menaçaient plus que jamais. Ils s’étrécissaient au risque de l’écrabouiller. Gardiens de sa cellule, ils la contraignaient à se faire mince et menue, pour circuler à petits pas entre les meubles immaculés.

Mais quoi, encore ? Elle avait une grande âme et des ambitions cosmiques. Tant pis pour la béchamel. Elle lâcha le manche et la cuillère, monta à fond les feux et arracha son tablier.

Se cognant à tous les coins tranchants, elle se glissa jusqu’à l’entrée. La porte avait rétréci, ou peut-être était-elle devenue géante, elle dût se pencher pour passer dans ce trou de souris.

Enfin elle sortit à l’air libre.

Elle courut, pieds nus sur la pelouse, laissant derrière elle la petite maison d’un blanc blafard sous le clair de lune. La fumée du feu s’échappait par la cheminée et se perdait dans l’espace infini. Elle accéléra.

Elle l’avait rêvé tant de fois, ce ciel constellé, cette grande mare bleu profond où planètes, lunes et soleils tournoyaient comme de paresseux poissons. Elle irait pêcher ces perles à mains nues. Elle prit son élan et s’appuya sur un peuplier qui ploya sous son poids. Elle agrippa la branche d’une étoile, s’y cramponna et entama sa périlleuse ascension, à l’assaut du ciel. Elle arpenterait la Voie lactée et les champs de météorites. Et si la gravité la rattrapait, tirait sur sa queue de cheval pour la ramener sur terre, elle saurait bien lâcher prise et s’écraser de tout son poids sur la maison-prison, espérant la broyer sans se casser les os.

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