Pour ce qui a suivi, impossible de savoir si mon cerveau a fabriqué mon pire cauchemar ou si j’ai vraiment croisé une telle terreur vivante. Car au fond la pièce une silhouette s’est avancée vers nous. Quand elle s’est trouvée dans la lumière blafarde, mon hurlement est resté coincé dans ma gorge. J’ai fermé les yeux. Trop tard ! L’image du cadavre ambulant s’est imprimé sur ma rétine. Un cadavre en putréfaction, tenant debout. Les portions visibles son squelette suintent. Les os semblent humides, voire recouvert d’une fine couche de gelée. Des vêtements en lambeau le couvre partiellement. Le pire pour moi reste la prolifération d’asticots installés en grappe sur certaines parties de son corps : au niveau cœur, sur la joue gauche et dans la cuisse droite. Sur cette dernière, l’agglomérat d’asticots donne l’impression que c’est un bandage mouvant. Impossible d’ignorer ces taches blanches qui grouillent. Je suis incapable de maîtriser mes frissons devant ce spectacle. Ils dévalent mon dos par vague successive. Je n’ai jamais demandé à Holly si elle l’avait vu la même abomination, pas envie d’entendre sa description, ni son éventuelle explication rationnelle.
Je me suis retournée, les yeux toujours fermement clos, pour vomir. De peur et de dégoût. J’ai enfin réussi à me relever. Holly a saisi l’occasion pour prendre ma main afin de m’entraîner vers la sortie. Le rire et les pleurs résonnent encore à mes oreilles. Sortie de la morgue et à quelques pas de la porte, je me suis arrêtée, pas pour regarder derrière moi, mais prise d’un doute. Est ce que je laissais Vicky et mon bébé aux griffes de ce démon ? Est-ce qu’il n’allait pas nous suivre ? Je ne savais pas quoi faire. Holly vient à ma rescousse une fois de plus :
« − Gwen partons. Nous analyserons la situation, une fois rentrer, à l’abri et bien au chaud.
− Mais si part ma faute, elle continue à souffrir par-delà la mort ? Je ne peux pas les laisser seuls. »
Des larmes, encore des larmes malgré ma sensation d’être totalement asséchée.
« − Je souffre aussi de l’absence de Vicky. On va se concocter le rituel que tu veux pour saluer sa mémoire. Je te le promets. Dans l’immédiat, partons. »
Main dans la main, nous avons quitté ce lieu traumatisant. Le retour à la voiture s’est fait au pas de course. Ce rire malsain coincé dans ma tête.
Je n’ai qu’un conseil pour vous : chérissez vos défunts, acceptez aussi les souvenirs douloureux pour tenir l’ectophage, qui rode dans les lieux abandonnés et marqués par les morts douloureuses, à distance.