La bâtisse se dresse au milieu de la ville, étonnamment proche de son centre vital, de son école, de ses administrations et de ses parcs riches en essences, et pourtant elle donne l’impression d’être isolée comme un phare lointain au sommet d’une colline rocailleuse et perdue en pleine mer. A la Mairie, on sait que le choix du lieu a été soigneusement étudié et décidé il y a de nombreuses années, et que seules quelques personnes en ville sont au courant de ce qu’il se passe à l’intérieur – à moins que ça ne soit la moitié des citoyens, maintenant que le temps a passé.
Ou du moins pensent être au courant.
Les hautes fenêtres ne sont jamais ouvertes, en dehors de celle de la tour gauche, tout en haut. Le parc verdoyant n’accueille jamais personne, pas même des jardiniers, ou alors, ils sont tellement discrets qu’on ne les as jamais vus. De temps en temps, une voiture s’arrête devant les grilles, mais personne n’en descend. Du moins, c’est ce qu’on pense. Après tout, aucunes des petites maisons construites autour de la propriété, pas même l’école pourtant bâtie tout à côté, ne possèdent de fenêtre donnant directement ou indirectement sur le terrain, sur les grilles, ou même sur la bâtisse.
On ne peut la voir que de loin.
Ce qui fait que personne n’y est vraiment allé. Non. Personne. Pourtant ils savent qu’il y a des fantômes là bas. Ils peuvent les entendre. Parfois ce n’est qu’un murmure distant dans la brise, parfois ce sont des hurlements tellement fort qu’ils en font trembler les vitres, d’autre fois c’est un chuintement, discret, tout près de votre oreille, ou encore un poids subit sur le lit, alors que vous êtes seul. Et à chaque fois il y a les rêves… les rêves qui hantent discrètement les habitants de la ville, s’effaçant au matin pour laisser la place au jour et à l’inquiétude.
Pourtant personne ne songe à quitter la cité.
Ils attendent.
Ils attentent juste.
Eux aussi comme des fantômes.
En suspend.
Le jour où les grilles vont s’ouvrir.