C'est la musique qui lui a fait lever la tête de son livre. Il lit toujours en marchant coupé du monde et du bruit, sauf de celui des voitures. Personne ne sait comment il fait ça, et lui il s'en fout : ça lui permet d'évoluer dans la rue en évitant les obstacles et en continuant de bouquiner sa dernière aventure.
Alors quand la musique a franchit ses barrières mentales, il a levé la tête. Il s'est arrêté. Sans se soucier du flux de gens pressés derrière lui, du flot qui s'est péniblement ouvert pour passer et de part et d'autre de l'île en laquelle il s'était soudainement transformé.
Les mesures étaient douces, veloutées, titillant sa mémoire comme une fin de chapitre qu'on est confusément certain d'avoir lut alors qu'on est sûr de n'avoir jamais ouvert le livre. Elle venait de l'autre côté de la rue, de l'autre côté de la marée humaine. Prs d'un café. Il entend le piano comme s'il n'y avait plus que ce bruit là, une inspiration, une respiration, le rythme de ses pas et de ses battements de cœur à mesure qu'il approche, bousculant les gens, ignorant les regards, les mots.
Là, à la terrasse, il y a un homme mais pas d'instrument, une silhouette vaguement familière mais totalement inconnue. Des épaules un peu large, un sourire en biais, d'incroyables yeux verts.
Et sous ses doigts le même livre que le sien.
- Euh... salut ?
Leurs regards se croisent. Ils se reconnaissent. Ils ne sait pas comment mais son cœur chante dans sa poitrine. Il sait, il sent, qu'il est au bon endroit, au bon moment, avec la bonne personne. Il tend la main.
- Moi c'est Nathanaël.
L'autre la saisie. Le contact de ses doigts est agréablement chaud sur ses phalanges toujours froides.
- Dans cette vie je m'appelle Vincent.
Et ils se sourient.