Le prince était vraiment en mauvaise posture. Son corps ne lui répondait à présent plus du tout. Seul son bras droit résistait encore à la paralysie ainsi que quelques doigts. Sa vision devenait floue et ses oreilles bourdonnaient. Sa gorge lui faisait atrocement mal, et l’air ne se frayait quasiment plus de passage jusqu’à ses poumons. Sa joue frottait sur le sol rugueux et sale, imbibait d’un liquide douteux à l’odeur d’urine. Réfléchit… malgré le manque de compassion flagrant de Mère, elle ne t’aurait quand même pas envoyé mourir gratuitement de la sorte. Elle n’aurait aucun profit à en tirer. Elle savait forcément ce qui se passerait… Elle sait tout… La dernière goulée d’oxygène franchit ses lèvres alors que son larynx enflé le condamnait définitivement. Elle m’aurait prévenue, donnée quelque chose… Un éclair de lucidité lui traversa l’esprit. Dans le mouvement désespéré de l’être luttant pour sa survie, il glissa sa main encore valide dans sa poche en tremblant. D’un effort surhumain, il sortit la petite pochette et l’ouvrit de deux doigts, à demi conscient. L’odeur agressive des petites feuilles noires lui redonna un petit élan de vitalité, et dans un râle d’agonie, il les porta à sa bouche… Puis il mourut… Où du moins en eut-il l’impression lorsque le goût abject se répandit dans sa bouche ; une saveur de chair décomposée lui brutalisa les papilles. Quelques secondes passèrent, les plus longues de son existence… puis la première bouffée d’oxygène salvatrice traversa ses muqueuses meurtries jusqu’à ses poumons. Ses yeux le faisaient toujours affreusement souffrir mais il recouvra la vue, et distingua son tortionnaire qui le couvait d’un sourire bienveillant. Finalement, il vomit ses tripes.
— Comprenez mon prince, qu’il me faut me méfier de tout le monde ici, on ne fait pas de vieux os en tant qu’espion sans prendre quelques précautions !
— Et vous n’avez rien trouvé de mieux que d’empoisonner froidement toute personne franchissant le pas de votre échoppe miteuse ? maugréa Kaelon d’une voix poussive.
Cela faisait dix minutes qu’il reprenait sa respiration et il n’arrivait toujours pas à se lever sans vaciller.
— Non, uniquement ceux qui prononcent mon nom. J’ai tout de même un commerce à faire tourner pour conserver ma couverture, se défendit le vieillard en se frottant les mains nerveusement. Il s’agit d’un test, imaginé pas la Dame du Bras.
— Evidemment qu’elle l’a inventé. Ma vie, mon éducation n’est qu’une succession d’épreuves, sorties tout droit de son esprit malade, soupira le jeune homme. Enfin, j’imagine que vous savez pourquoi je suis là ?
— Certes mon prince, certes ! réagit l’herboriste en farfouillant fébrilement dans son bazar.
Visiblement, le régicide n’est pas une idée d’hier, mais depuis quand planifiez-vous tout cela mère ?
— Ah! s’exclama le vieil homme d’un ton triomphant en sortant une bague d’un tiroir.
— Qu’est-ce que c’est ? demanda Kaelon en observant l’anneau pourvu d’une petite pointe fine comme un dard d’abeille.
— Attention seigneur ! Une piqûre et aucune feuille de félognite –la petite plante noire à l’odeur rance– ne vous sauvera. Je ne saurais trop vous conseiller de la conserver dans un pan de tissu épais.
— Et je suis censé assassiner le Roi avec ça ?
— Chut !!! s’alarma Exequiev en jetant des regards paniqués aux alentours. Le Cloaque a des oreilles partout ! Il est fourbe, il entend tout ! Mais… (L’herboriste adopta des airs de conspirateur) pour répondre à votre question : oui. Une éraflure avec, une seule ! Et votre cible succombera en moins d’une minute. Plus efficace qu’un coup d’ongle.
— Bon, Je vais prendre congé, la soirée n’est pas terminée pour moi. Ah ! Une dernière chose, il me faudrait une paire de chaussures…
Kaelon avait une soirée, encore fallait-il pouvoir rejoindre le palais. S’extraire du Cloaque pour s’immiscer dans les quartiers riches d’Elhyst n’était pas chose aisée. Il fallait traverser le pont des Amants, puis emprunter un des passages bien gardés menant à la partie haute de la ville. Le gamin manchot prostré dans la poussière à l’entrée de l’échoppe s’avéra finalement être au service de Exequiev, et lui servit de guide. Je le savais, pensa le prince en observant le galopin avec méfiance. N’existe-t-il donc plus d’enfant innocent, dont la seule préoccupation serait de s’amuser ?
Ils prirent les chemins de traverse pour se retrouver sur les quais, où le marmot débusqua une petite barque fatiguée au milieu des fougères. La traversée se passa sans encombre, et le mioche fit preuve d’une dextérité époustouflante à manœuvrer l’embarcation avec ses deux doigts valides. Ils se retrouvèrent sur un chemin étroit, le long de la falaise, frontière naturelle entre les deux parties de la ville.
— Et maintenant ? demanda Kaelon avec humeur. Je me transforme en cabri ?
Le petit manchot dévoila une rangée de chicots gâtés face à ce qui semblait être pour lui le paroxysme de l’humour. Il bougea quelques grosses pierres, et dévoila l’accès à une grotte aussi sombre que l’anus d’un Arguelas. Le prince lui jeta un regard interrogateur, auquel le petiot répondit par de grands signes dirigés vers l’entrée. Kaelon entra dans l’excavation en jurant. Plusieurs fois, il buta contre le plafond, et il se retrouva bientôt à quatre pattes, à avancer à tâtons. Ses repères étaient mis à rude épreuve, il lui semblait néanmoins qu’il se dirigeait vers le haut. Il déboucha finalement dans une petite niche en pierres, les pieds dans l’eau. Un puits… je suis au fond d’un fichu puits ! Une exploration attentive de la paroi lui indiqua une série de blocs de roche en relief. Il finit par sortir de la cavité pour se retrouver à l’air libre. Il était éreinté, trempé et une odeur tenace de crottin lui collait à la peau. En arrivant à proximité du palais, il reconnut aussitôt ses carapaces qui guettaient son arrivée. Jaénir soit loué ! Elles se précipitèrent vers lui dès qu’elles le virent.
— Kaelon ! Mais où diable étais-tu ? l’admonesta Hélane.
— Pas le temps d’expliquer, tiens moi ça toi, répliqua le jeune homme en jetant son manteau à bordur.
Le colosse regarda l’habit avec suspicion.
— Le prince sent comme le pot de chambre de ma vieille tante au lendemain d’une colique aigüe…
— Suivez-moi, j’ai besoin de vous pour passer, ils vous connaissent, ils ne me laisseront jamais entrer seul, ordonna-t-il en s’enfonçant un bonnet de laine noire sur la tête et en passant une cape sombre autour du cou.
Ils se dirigèrent vers l’entrée du palais, où veillaient une dizaine de gardes.
— Halte ! Qui êtes-vous ! mugit un soldat, l’air méfiant.
— Vous ne nous reconnaissez pas bandes de corniauds ! répliqua Hélane du tac au tac. Nous sommes les émissaires de la glorieuse Kler Betöm ! Et nous escortons notre prince ! Nous sommes arrivés tantôt !
— Laisse-les passer, confirma l’un des hommes. Elle dit vrai, ils accompagnaient ce gredin que le Roi a fait mettre aux fers plus tôt.
— Très bien, mais juste votre maître alors, les larbins, vous restez dehors ! bougonna le premier avant de rajouter pour lui-même : Une femme avec une épée, on aura tout vu…
Kaelon s’avança, le visage enfoncé dans sa cape. Le garde s’approcha de lui. Il avait un œil complètement fermé à cause d’un orgelet infecté, et un liquide jaunâtre lui coulait le long de la joue. Il le scruta avec insistance.
— Je ne te connais pas toi ? Fait moi voir ta face un peu ? le tança-t-il en l’attrapant par le collet.
Avec la grâce d’un félin, Hélane se propulsa vers la sentinelle, et une lame se matérialisa à la base de sa gorge.
— Manque encore de respect à l’héritier du royaume de Kler Betöm, et je t’assure que le mot carapace prendra tout son sens pour toi, siffla-t-elle d’une voix farouche.
— Très bien, maugréa le garde en fixant la guerrière avec appréhension. Pardonnez-moi Seigneur, allez-y.
Kaelon pénétra dans la salle de réception et fût immédiatement saisi par la magnificence du lieu. On était à des années-lumière de l’austérité estrienne. Le vin coulait à flot, les convives mangeaient comme des pourceaux et des restes de nourriture jonchaient le sol, lamentable gâchis quand le Cloaque crevait de faim. Le prince sentit une violente indignation bouillonner au creux de son estomac. Comment peuvent-ils vivre dans une telle indécence quand la famine et la maladie décanille toute une partie de leur population ? Peut-être mère a-t-elle raison finalement, songea-t-il en observant le responsable des maux d’Eryon. Le Roi était en conversation avec un vieillard en soutane. Probablement une délégation de Candala. Et ce jeune arrogant là-bas, avec le laideron, doit être le prince Ethyer. Son attention se fixa sur un homme au visage clairsemé de tatouages, une chaîne en or lui barrant le visage, puant le luxe et la dépravation, en grande discussion avec deux jeunes femmes. L’une d’elle se tourna vers lui, et intercepta son regard. D’un pas alerte, elle se dirigea vers lui en délaissant les deux autres individus.
— Eljane merci, vous me sauvez la vie ! lui lança-t-elle en guise de présentations.
— Je… pardon ? Je ne vous suis pas…
— Ma sœur, expliqua-t-elle en pointant le couple du menton. Elle doit être fiancée à l’heure qu’il est.
— J’ai peur de ne toujours pas saisir…
— Ce sinistre pantin présomptueux voulait absolument épouser l’une d’entre nous, peu importe laquelle. Me comprenez vous mieux à présent ? demanda-t-elle en articulant volontairement de façon exagérée.
— Je … pense que oui, bredouilla Kaelon sans en être vraiment convaincu.
La jeune fille prit un instant pour le détailler des yeux, ce qui eut pour effet de le mettre terriblement mal à l’aise.
— Et moi qui pensait trouver la soirée ennuyeuse, murmura-t-elle comme pour elle-même. Seriez-vous également un de ces artistes d’Abysses ?
— …
— De la branche éphémère n’est-ce-pas ? Non, ne dites rien, laissez-moi deviner…
Son interlocutrice s’approcha de lui et le huma en fermant les yeux.
Mais, foutre de bonne femme, que fait-elle ? s’agaça le prince.
— Que…
— Je sais ! s’exclama-t-elle. Votre art est olfactif n’est-ce-pas ? J’intitulerais celui-ci… moiteur et excréments printaniers. Pas mal non ? J’ai rencontré l’homme pissenlit un peu plus tôt. Et quel est votre petit nom de scène?
— Je… Kaelon, répondit le jeune homme, fortement vexé.
— Kaelon ? Non…, vraiment, je ne vois pas le lien, commenta-t-elle, déçue.
— Prince Kaelon, Fils du Bras d’Eryon et héritier de Kler Betöm plus précisément, assena-t-il d’un ton acide.
— Je vois, reprit la jeune fille sans se démonter. Pardonnez ma méprise, je suis Eyanna, la benjamine des Estelon.
La fille du Roi? De mieux en mieux…
— Il n’y a pas de mal princesse Eyanna, dit il en s’inclinant.
— Comment ? Oh non, surtout pas ! Non, juste Eyanna, ça suffira ! Vous vous adresseriez à ma sœur, je ne dis pas, mais là, ce n’est que moi…
— Très bien, laissons donc de côté le protocole dans ce cas, cela me convient parfaitement, je dois avouer que je suis moi-même un peu allergique à toutes ces… convenances.
— Vous prince, un héritier en bonne et due forme ? Qui l’eut crût ?
Les deux jeunes gens se fixèrent un moment sans rien dire.
— Et donc, reprit Kaleon, vous sembliez insinuer que ma princière odeur vous incommodait ?
Ce fût au tour de la princesse d’être interloquée.
— Je… suis désolé, j’ai eu ce soir une expérience assez… particulière avec un Abyssal. Toutes les personnes que je rencontre sont toutes plus imbues les unes que les autres. Tous ces arrogants arrivent ici en terrain conquis, et pensent qu’il suffit d’exhiber leurs richesses ou leur titre pour obtenir ce qu’ils désirent.
— Je ne vous suis de nouveau plus…
— La vérité est que tous ces fanfarons souhaitent s’attirer les bonnes grâces de mon père, et qu’épouser l’une de ses filles leur semblent un bon moyen d’y parvenir. Ils me voient comme un simple trophée. Vous n’êtes pas venue me demander ma main j’espère ?
— Absolument pas Princesse, je vous rappelle que c’est vous qui m’avez abordée.
— Touchée. De toutes façons, mieux vaut pour tous ces prétentieux qu’ils charment ma sœur. Elle est nait pour ça.
Kaelon la regarda en souriant.
— Et moi qui pensais que tous les estriens étaient des rustres sans raffinement, continua-t-elle.
— Comment ça ?
Eyanna parut mal à l’aise.
— Eh bien, vous savez bien… toutes ces choses que l’on raconte sur « les guerriers de Kler Betöm » et leurs légendes…
— Leurs légendes ?
— Oui, ces histoires de monstres, de pacte. Je reconnais qu’elles alimentent le folklore local, mais de là à y accorder crédit.
— Mais les Arguelas existent bel et bien, la menace est réelle, on voit bien que vous n’avez jamais mis les pieds dans le goulet ! répliqua Kaelon, un peu agacé.
— Allons, des créatures mythiques immortelles ? Envoyées par l’Innommable lui-même pour détruire Eryon ? Cela me parait un tantinet apocalyptique. De plus, pardonnez-moi de vous le dire ainsi, mais vous manquez cruellement d’imagination, c’est assez ridicule, on y croit pas un instant, reconnaissez-le !
Cette fois Kaelon sentit une colère sourde gronder en lui.
— Et que pensez-vous que nous faisions là-bas dans ce cas ! s’emporta-t-il. Nous risquons nos vies pour votre survie ! Pendant que quoi ? Vous festoyez et buvez à vous en rompre la panse !
— Pardonnez moi Prince, je ne voulais en aucun cas vous manquez de respect…
Mais le mal était fait, Kaelon était blessé dans son amour propre et il ne put s’empêcher d’enchaîner :
— Chez nous, les femmes savent se tenir, elles respectent les hommes et ne se pavanent pas indécemment ! Vous auriez beaucoup à apprendre de notre culture !
La réflexion percuta la princesse de plein fouet, son visage se durcit et elle le fixa d’un regard meurtrier.
— Savez-vous ce que je pense Messire ? Vous inventez tout ça, vous profitez de la crédulité des gens et d’un conte pour enfants pour asseoir votre position de dictateur. Vous oppressez votre peuple, et plus particulièrement vos femmes pour flatter votre virilité et votre égo gargantuesque.
— De quoi parlez-vous foutue femelle !? cracha-t-il. Nos compagnes sont parfaitement heureuses, elles sont fières de panser les plaies des guerriers qui risquent leur vie à chaque lune !
Eyanna ricana.
— « Foutue femelle » ? Le respect mutuel est à la base de votre culture, c’est évident ! Et de quoi qualifieriez-vous un homme qui épouse sa propre fille afin de préserver une lignée pure ? N’est-ce pas votre ancêtre Elhon Derbeniss qui insuffla cette honorable tradition après avoir occis son plus jeune fils ?
Ne perd pas de vue la raison de ta présence ici, maitrise-toi, ce n’est pas le moment de créer un incident diplomatique. Tu es là pour assassiner son père. Ne gâche pas tout avec une vulgaire querelle.
— Vous… parlez de choses qui vous dépassent, que vous ne pouvez comprendre… opposa le prince d’une voix blanche, les dents serrées et cherchant à garder son calme.
— Il est allé jusqu’à engrosser sa petite fille ! La fille de sa fille ! Et votre père est le même animal que votre aïeul ! Comment pouvez-vous supporter que votre mère soit également votre sœur ? Comment la Dame du Bras appelle-t-elle son mari dans l’intimité ? Chéri ? Père !?
— Et selon vous, la gouvernance des Estelon est parfaite ? se défendit-il. Vous vous empressez de condamner ma culture, mais regardez-vous dans votre propre contrée ce qu’il s’y passe, Princesse ? Je constate à vos atours que vous n’avez probablement jamais manqué de rien ! Vous êtes-vous seulement demandé un jour si vous alliez manger le soir ? Si vous seriez encore en vie à ce moment-là ? J’ai vu comment était traité votre peuple, et ce n’est pas la marque d’un souverain bienveillant. La vie à Kler Betöm est rude, mais elle est juste ! Les rues ne sont pas emplies de crève-la-faim ! Et je trouve profondément injuste que l’on me reproche les choix de mes ascendants ! Pensez-vous que je cautionne chacune de leurs décisions ? Qu’il est facile pour moi de vivre avec le poids de leurs erreurs ? Qu’être le fruit d’un inceste m’emplisse de fierté !?
Kaelon ne se contenait plus, il cria davantage qu’il ne dit ces derniers mots, le regard furibond.
— Eyanna ?
Une magnifique jeune femme à la chevelure auburn et au regard émeraude s’était approchée.
— La représentation va débuter, continua-t-elle d’une voix douce en jetant un regard curieux au prince.
La princesse le foudroya du regard et suivit sa sœur sans un mot.
Kaelon regarda les deux jeunes filles se fondre dans la foule, pour réapparaître quelques instants plus tard au côté du monarque. Le prince Ethyer et sa future femme s’il en croyait les rumeurs, les avaient également rejoints. Pour ce qui est de garder son calme, c’est loupé, je suis un idiot. Un jeune homme aux cheveux broussailleux se tenait aussi près du roi. Une musique énergique retentit, rythmée par la percussion des timbales, qui n’était pas sans rappeler l’ambiance d’un champ de bataille. Un homme maquillé, dans une longue robe rouge carmin, s’avança sur scène.
— En ces temps obscurs, entonna-t-il d’une voie forte. L’Innommable régnait sur nos terres ! De sa caresse diabolique, il infligeait famine, maladie, obscurantisme et souffrance au peuple d’Eryon ! Les amants, épaulés de leurs valeureux soldats de la foi, peinaient à contrer le perfide… Mais alors que le ciel s’assombrissait, que les adorateurs du maléfique exultaient, que la terrible menace de l’est prenait vie, un espoir naissait sur les rivages du Cœur. Une lueur transperça les ténèbres. Jyléter le Juste redressa le buste pour s’opposer à l’obscur, et c’est d’un grand NON qu’il clama sa volonté de justice et son refus de soumission. Il partit en croisade, soutenu par les courageux prêtres de Jaénir et Eljane, et entreprit de rassembler les peuples disparates d’Eryon sous une bannière unique !
Un homme apparut, arborant un masque doré orné d’une feuille de chêne, symbole du héros libérateur. A ses pieds était prosterné un individu, dans une position de soumission.
— Relève la tête mon frère ! Même si nous ne partageons pas la même mère, un sang commun coule dans nos veines. Tu es né batard, mais aujourd’hui, tu as fait preuve de bien plus de courage que beaucoup de sang pur ! Debout Elhon Derbeniss ! Tu ne peux mourir ici, ton rôle ne fait que commencer !
Kaelon remua, mal à l’aise. Il connaissait cette fable prétendant que son aïeul aurait été le frère illégitime du conquérant, et que loin de le reconnaître, leur père commun l’aurait affublé du nom de la putain qu’il avait entremise. Visiblement, pour le royaume central, cette histoire n’avait pas que des airs de légende.
— Tu partiras dans l’est ! continua le comédien. De ta vie tu défendras le passage de la corruption, de ton corps tu feras barrage et de ta volonté tu annihileras ces infâmes suppôts de l’Innommable !
Le pseudo Elhon se releva et répondit d’une voix que Kaelon estima grotesque.
— Je te fais le serment mon frère, mon Roi, que de mon sang je protègerai Eryon ! Et j’engage ma descendance à honorer ce pacte aussi longtemps que le nom des Derbeniss existera ! Nulle créature ne franchira nos frontières, je le jure sur…
Un hurlement strident clôtura la représentation.
*
Nemyssïa était totalement immergée dans le spectacle quand un cri aigu la fit bondir de son siège. Elle mit un temps à réaliser que l’auteure n’était autre que Corelle Akaran. La pauvrette gémissait, le regard horrifié.
— Enlevez-le…, enlever-le…, enlever-le…
Sur ses genoux gisait Andrev, l’aîné des Justé. Le pauvre garçon était parcouru de spasmes musculaires, de l’écume blanchâtre s’échappait de sa bouche à chaque claquement de dents, et il avait visiblement beaucoup de difficultés à respirer.
— Appelez un guérisseur ! tonna le monarque en recouvrant ses esprits.
Un petit homme en robe noire apparut et s’approcha du corps convulsant. Il ramassa le petit godet renversé au pied du jeune homme et le porta à ses narines.
— Cigüe… grogna-t-il en grimaçant.
Le visage du mourant avait tourné au violacé, il fixait Nemyssïa de ses yeux vitreux. Il essaya d’articuler quelques mots, mais aucun son ne sortit de sa gorge. Peu à peu, les tremblements s’atténuèrent, jusqu’à se stopper complètement.
— C’est fini sire, commenta le guérisseur en secouant la tête.
La soirée avorta prématurément. Les invités furent évacués, et seuls quelques gardes et serviteurs restèrent dans les parages.
— Que faisait-il ici Père ? demanda Ethyer.
Le monarque répondit avec amertume.
— Il souhaitait réconcilier nos familles. Je crois qu’il t’aimait bien Nemyssïa.
— Il m’aimait bien ? répéta la princesse sans comprendre, toujours abasourdie.
— Oui ma fille. Visiblement, il n’aurait pas été contre un rapprochement entre vous.
— Tu t’en doutais bien non ? murmura doucement sa sœur en lui prenant la main. Ses regards langoureux n’avaient quand même pas pu t’échapper…
— Je… n’y avais jamais prêté attention…
— Jaénir tout puissant, soupira leur père. Le fils Justé mort empoisonné, ici, au palais… comment vont réagir Sergue et Mary ?
— Et qui pouvait bien souhaiter la mort d’Andrev ? Et pourquoi le faire ici ?
— Tu es naïf mon fils, il n’était sûrement pas la cible, et le hasard seul aura décidé d’emporter ce pauvre bougre à ma place.
Ethyer ouvrit de grands yeux, comprenant l’allusion. Il tenait toujours dans ses bras la pauvre Corelle qui peinait à se remettre de ses émotions. Emri Akaran, resté silencieux jusqu’à présent, prit la parole d’une voix déterminée :
— Sire ! Il faut réagir vite, Sergue va réclamer justice, et quoi qu’il m’en coûte de le reconnaître, je serai d’accord avec lui. Un attentat sur votre personne ne peut rester impuni. Il faut commencer par purifier le Cloaque ! Qui sait si ces ignobles chimères ne sont pas derrière tout ça ?
— J’entends mon brave Emri, mais que devrais-je faire ? Mettre à feu et à sang Elhyst sur de simples suppositions ?
— Oui mon Roi, si cela peut empêcher que pareille chose ne se reproduise, alors il faut le faire, si difficile en soit la décision.
— Allons, demain commence la célébration de la Matriarche, toute la noblesse d’Eryon sera présente, ça ne me semble pas le moment adéquat pour déclencher une guerre civile. D’autant plus que nous n’avons aucune certitude quant à l’identité des coupables.
— Vous faites une grosse erreur Déleber, lâcha le vautour sans en démordre. Sergue va exiger que vous châtiiez les responsables. Il retournera ciel et terre jusqu’à ce qu’il ait obtenu gain de cause. Et si vous faites preuve de laxisme, il vous tiendra pour responsable de son malheur. Mais vous êtes mon roi, et je me rangerai à votre avis quelle que soit mon opinion.
— Bien, le sujet est donc clos. Du moins pour l’instant, je ne laisserai bien évidemment pas les coupables s’en tirer à si bon compte. Une enquête sera menée, mais avec discernement et finesse, sans pour cela incendier le Cloaque. Et à présent, même si je doute que ce soit possible, nous devrions essayer de nous reposer un peu avant la célébration de demain.
Le découpage du chapitre ne me gêne pas particulièrement, même si une astérisque après le passage avec Exequiev pourrait être envisageable.
J'aurais bien aimé que tu développes un peu plus la première partie du chapitre. A quoi Exequiev et son établi ressemblent ? A-t-il un caractère particulier ? ...
La dispute entre la princesse et Kaelon m'a surpris, je m'attendais à ce qu'ils se rapprochent. C'est sympa de continuer à jouer sur le décalage entre les différentes cultures.
L'empoisonnement m'intrigue, est-il dû au poison de Kaelon ou quelqu'un d'autre avait-il le même projet ? Des soupçons vont-ils porter sur le prince à présent ?
Encore une fois le titre spoile le chapitre, un peu dommage.
Quelques remarques :
"Elle m’aurait prévenue, donnée quelque chose…" -> prévenu donné
"N’existe-t-il donc plus d’enfant innocent, dont la seule préoccupation serait de s’amuser ?" j'aime bien cette phrase ^^
"Elle est nait pour ça." -> née
"Tu es né batard," -> bâtard
"De ta vie tu défendras le passage de la corruption, de ton corps tu feras barrage et de ta volonté" je mettrais des virgules après vie corps et volonté
Un plaisir,
A bientôt !
Je ne suis pas encore convaincu par le passage chez Exequiev, tu me confirmes ça en le pointant du doigt. (surtout que c'est exactement ce que je t'ai reproché dans ton histoire, j'ai voulu aller trop vite^^)
En ce qui concerne le titre, à la base, aucun chapitre n'en avait. J'ai en ai uniquement mis sur PA. Sans forcément les choisir très judicieusement.
En ce qui concerne l'empoisonnement…
A suivre^^
Pour les chapitres, rien ne t'interdit de mettre juste chapitre 1, 2, 3...
Pourquoi Kaelon ne prend-t-il pas pas le temps de se changer avant d'aller à la réception? Pourquoi ne fait-il aucune remarque lorsqu'il apprend l'emprisonnement de Mandler?
Kaelon est-il le fruit d'un inceste ou bien le fils de l'amant de sa mère? (ce qui serait horrible!)
Et puis j'ai relevé deux petites choses:
" toutes plus imbues (DE LEUR PERSONNE) les unes que les autres."
"Elle est nait (Née) pour ça.)
En ce qui concerne Kaelon, je ne me suis pas trop posé la question du rhabillage, pour moi, il est juste pressé parce qu'en retard. Dans ce chapitre, personne ne lui a encore parlé de Mandler, mais c'est vrai qu'il pourrait se poser la question.
J'ai vraiment écrit "Elle est nait" ? Oh là là...
Kaelon est effectivement le fruit d'un inceste, mais il y a une explication (pas forcément défendable) à ça. J'en parlerai plus tard.