Son regard sondait mon âme, s’infiltrant dans les recoins les plus reculés de mon esprit, en quête d’une quelconque obédience à ses paroles. Les traits tirés de son visage et la lueur de ses prunelles, irradiaient d’un pénible courage. Tiraillé entre la douleur de sa décision et l’espoir de faire de moi l’une des siens, il leva son doigt griffu et, sans un mot, pointa la direction opposée.
Le sable qui s’étendait à perte de vue, n’offrait aucunement un insignifiant point de repère. Et pourtant, fixant l’horizon noirâtre, un détail infime se dessina. Debout sur ce rivage mystique, mes pieds s’enfonçant dans l’étreinte glacée du sable, je le vis. Autrefois plat et uniforme, le sable noir se métamorphosa sous mes yeux. De cette vaste étendue, naissaient de majestueuses dunes. Comme si une ombre venue souffler sa brise se rendait complice de cette transformation, des crêtes et des vallées se sculptèrent dans ce paysage ébène.
Je me retournais vers le seigneur Alkan, l’incompréhension et la surprise sur mon visage. J’ignorais totalement quel maléfice régnait sur ce monde, mais ses applications embrasèrent mon âme d’ardents frissons. Nous entamâmes notre marche.
Telles des créatures endormies, les dunes ne tremblèrent pas, lorsque nos pas les gravissaient, leurs douces courbes nous invitant à les ascensionner. Trouvant la force de ne pas me perdre corps et âme dans leur beauté obsidienne, je relevai la tête et fixai mon regard sur le ciel nuageux. Et là, au sommet de la dune, je m’arrêtai. Le panorama s’étendait à perte de vue. Une forêt aussi noire que le reste de ce monde et des falaises de basalte semblait offrir le fruit de ses entrailles à la nature environnante.
- Ici se situe le point le plus culminant de ce monde. Un sommet volcanique perdu dans les lymphes du sommeil. Contemple cette forêt mon enfant. Toute cette vie ensevelie sous les cendres d’un ancien grondement. Aussi fugace que meurtrier, il a fait de ce sommet un fossile de matière organique, qui jamais plus ne sera offert aux mondes. Les dieux ont interdit l’accès à cette planète à toutes les officines divines.
- Sous le plancher océanique.
- Ainsi, ses effluves te parviennent ? Ou est-ce l’énergie sombre qui s’évapore vers les cieux que tu perçois ?
L’obscurité des brumes étouffantes qui asphyxiaient les flots tranquilles, m’avait échappé. Mais à présent, je les voyais. D’épaisses et denses émanations suintaient, recouvrant l’océan d’une vaste couche d’énergie mortifère. Elles s’élevaient, s’enlaçant dans de délicats tourbillons vers les cieux. L’inertie de la mer donnait à ce spectacle une aura à la fois sinistre et fascinante. J’osai lui demander d’où pouvait parvenir toute cette perversion, tandis qu’un autre pic énergétique, traversa mon esprit. Le laissant seul à son monologue, je me concentrais sur ce qu’il se trouvait au-delà de la forêt.
Une étrange sensation s’empara de moi. Glissant succinctement sur mon corps, je me sentis soudainement aspiré. Le paysage défila en notes floutées sur mon regard paniqué. Je hurlai de peur, mais aucun son n’enveloppa le silence. Je vis des fleurs, des plantes, toutes d’un noir ardant, se désagréger à mon passage. Je vis des gerbes de poussières voltiger, emplissant l’air d’un toxique nuage. Je vis cette nature morte, frémir sous les assauts d’un vent n’existant plus. Puis tout s’arrêta.
M’agrippant à une paroi, je vidai le contenu de mon estomac, sentant une houle se déchaîner en moi. J'abhorrais les magies de déplacement, préférant les longs et pénibles voyages pédestres. Passer d’un Méros à un autre, d’une planète à une autre par le biais de portails ou tous autres enchantements, me donnait la nausée. Comment s’émerveiller des beautés astrales que nous offre l’univers aux travers d’un portail magique ?
Je levais la tête, mue par un sentiment d’alerte. Telle la bouche vorace d’un prédateur, l’entrée d’une grotte s’étendait face à moi. Aussi silencieuse qu’un chasseur attendant un mauvais pas d’une proie, elle attendait de moi, que j’en foule son orée. Sa profondeur, vertigineuse, m’asphyxia, m’entraînant vers l’effrayant abîme de ténèbres qui pulsait sous mes yeux. Le noir m’entourait, m’engloutissait. Le souffle court, je me laissai tomber au sol. Je fus sorti de ma léthargie par le Seigneur Alkan. Il me regardait l’air inquiet.
- Tu l’as ressenti ? Cette onde attirante ? Nombreux sont ceux, qui, tel un papillon attiré par une chaleureuse lueur, se sont brûlé les ailes en tentant de dénicher l’origine de cette énergie. Ce qui sommeille dans les vastes entrailles de la terre est le point de départ de ta quête. L’artefact, endormi dans les profondeurs de cette cavité, est le premier chemin, vers la destruction du sortilège d’immortalité qui consume ton âme.
Ses paroles m’enveloppèrent de terreur. La bête insatiable qu’était ma peur à ce moment-là, me dévorait de l’intérieur. J’hésitais, fuir ou faire preuve de courage en franchissant cette frontière invisible ? Qu’y avait-il de l’autre côté ? Des secrets inavouables, des monstres tapis dans l’obscurité ? Ou peut-être la rédemption ? Je ne le savais pas, je sentais pourtant que ma vie en dépendait. Mais la terreur de m’enfoncer dans le noir comme un plongeur dans les abysses, fut plus forte que tout.
- Je suis un être de lumière, je ne peux descendre dans les ténèbres !
Il attrapa mon bras, raclant ses griffes sur ma peau laiteuse. Puis il me secoua, violemment, avant de me jeter contre la paroi rocheuse. Le choc fut brutal, les os de mon dos se brisant dans d’atroces craquements.
Je fus soulevé et plaqué contre la pierre froide. Il serra ma gorge d’une seule main, sa deuxième main tenant Svero, lame offerte par feu mon ami et ancien roi d’Alfheim, sur mon ventre, prêt à m’éviscérer au moindre refus. L’air se raréfia, chaque inspiration devenait un supplice. Il serrait ma gorge et me plaquait à la paroi pour m’empêcher de fuir. Pris au piège, mes poumons brûlaient. J’essayais d’implorer le salut, mais aucun son ne sortait de ma bouche. Il n’y avait pas d’issue. La panique me submergea, et je me mis à gratter frénétiquement le bras du Seigneur Alkan.
- Tu es déjà dans les ténèbres. Me dit-il, susurrant au creux de mon oreille d’une voix empreint de colère. « Aujourd’hui, tu quittes le confort de mon palais ! Aujourd’hui est le commencement de ta vie d’Isis !
Il me libéra, me laissant tomber au sol. L’énergie pénétra mes poumons, dissipant la lourdeur qui pesait sur ma poitrine. Je me redressai, les larmes aux yeux, et le regardai. Il était en colère, et m’observait silencieusement. Ses yeux, d’un bleu glacial, perçaient mon âme. Son regard me coupait le souffle, mon cœur tambourinant dans ma poitrine.
Je l’avais offensé, transgressant notre pacte. Je ne pouvais détourner mon regard du sien. C’était un jugement muet, implacable. Allait-il m’épargner, ou me condamner ? Les secondes s’étirent, interminables, et je sentis la présence de sa colère, peser sur moi. J’attendis, résigné, que tombe la sentence.
- TU VAS ENTRER DANS CETTE GROTTE ET TROUVER L’ARTEFACT ! TU VAS PRENDRE CE QUI TE REVIENT DE DROIT ! TU VAS ÊTRE CE QUE TU ES DE DROIT DIVIN !
Je le vis se détourner de moi, les poings serrés et sa fureur l’enveloppé d’une sombre aura noirâtre. Il leva sa main droite, psalmodiant une incantation. Un portail, aux reflets sombre comme la nuit, s’ouvrit. Tournant légèrement la tête, il me regarda de ses yeux rougeâtres. Et je compris. Il traversa le portail qui se referma dans une gerbe d’étincelle, et moi, je restai là, le visage baigné de larmes. La peur comme seul compagnon, j’attendis à l’entrée du cauchemar qui attendait ma présence en son sein.
J’aime beaucoup la profondeur que tu donnes à ce passage ! On ressent vraiment la tension entre la peur du personnage et la grandeur du monde mystique qui l’entoure.
"- TU VAS ENTRER DANS CETTE GROTTE ET TROUVER L’ARTEFACT ! TU VAS PRENDRE CE QUI TE REVIENT DE DROIT ! TU VAS ÊTRE CE QUE TU ES DE DROIT DIVIN !" : Deux choses au sujet de ce passage
1) Mettre tout en majuscules pour indiquer un cri. Je l’ai fait aussi, mais quelqu’un m’avait conseillé de ne pas procéder ainsi… qu’en penses-tu ?
2) Je ne suis pas sûr de comprendre la fin du passage. Enfin, disons que je comprends, mais il y a un je-ne-sais-quoi qui alourdit l’ensemble !
Bravo pour l'ambiance, on s'y croirait presque ! 👏"
Ne pas mettre les phrases en majuscules ? Bonne question, ça me paraissait être une bonne idée.
Pour la fin du passage " tu va être ce que tu est de droit divin", la réponse à cette phrase sera donné dans l'histoire principale. Mais pour te donner une réponse, Lostris, malgré son existence de divinité (je l'ai expliqué dans le 1er tome, les Isis sont des divinités mineures, et l'Isis des Neuf Royaumes et la seule entité divine à pouvoir être contrôlée ), à été élevée pour obéir et n'avais aucun libre arbitre ni liberté. C'est ces notions que le Seigneur Alkan tente de lui inculquer. Sa privations de liberté et le contrôle exercé sur elle par le roi d'asgard via un artefact ont totalement annihiler toute volonté d'agir en divinité (elle n'a jamais été élevée pour être une divinité) Elle se comporte donc comme un animal craintif ne connaissant rien du monde extérieur. Et le Seigneur Alkan la forme pour devenir l'Isis qu'elle doit être.
A bientôt
Belle soirée et à bientôt