La nuit, le jour, tel un cycle éternel rythmant nos existences, ils défilaient, me laissant l’amère sensation de n’être nulle part à ma place. Le fil du temps s’était rompu, me laissant dans l’ignorance de sa course. Mes vêtements étaient devenus sales et odorants. Mes cheveux ternes et en bataille. Mon visage, tiraillé par les trop nombreuses larmes séchées, qui n’avaient cessé de couler depuis son départ, avait perdu sa lueur. Je me tenais là, prostrée, sans bouger, mes pieds nus s’enfonçant dans le sable mouillé et mon regard vidé de tout espoir. Je scrutais l’horizon, avec comme seules compagnes, ma peur et ma peine.
Peu m’importait, en ce moment même, la teneur du châtiment que me réservait le Seigneur Alkan, si j’échouais à embrasser ma destinée. Je préférai mille fois étreindre les ténèbres de ses cachots, plutôt que de rester seule sur ce monde froid et lugubre.
Mes pensées dérivèrent sur ces cinq dernières années, après mon arrivée au sein de son palais. Il m’avait recueilli dans le plus grand des secrets, devenant parjure devant le conseil des dieux, son Méros et ses peuples. Tout cela, dans l’unique but de protéger ma présence dans l’univers, mais également pour tenir une ancienne promesse faite au Seigneur Judal, l’Isis noir, pour qui il fût un incroyable mentor. Et c’est ce mentor qui était dorénavant le mien, qui souhaitait ardemment que je devienne ce que ma naissance attendait de moi, l’Isis des Neuf Royaumes.
L’attente de son retour me terrifiait grandement. Je n’avais cesse, de me refuser à percevoir l’irascible vérité qui était mienne. Même en cet instant, la peur qui me guidait, occultait totalement le simple fait, que tout, dans ces cosmos, était à portée de ma main. Et tandis que mon esprit s’effilochait loin de la réalité, les réminiscences d’une douce chaleur s’emparèrent de mon corps.
Aussi suave et protectrice que mon âme pouvait s’en souvenir, je levais ma tête par réflexe, pour me gorger de cet élément ô combien vital pour moi. La déception fut grande et le rappel douloureux. Mon corps meurtri par le sort d’immortalité, ne ressentira jamais plus, les effluves délicats des rayons solaires.
Ce que je vis à ce moment-là, me fit promptement oublier mes peurs. Là, sous mes yeux ébahis, au beau milieu de l’océan, perdus dans la noirceur de la nuit, se dressait une colonne de lumière. Je fus dans un premier temps subjugué par la beauté diaphane de ce pilier de clarté. J’étais hypnotisée par son appel, enivrant et intrigué. D’où venait cette lueur fendant les ténèbres de ce monde ?
Je me relevais, oubliant tout ce qui m’avait enchaîné à la couardise de mon être. La solitude, la peur, la plage, l’océan et la grotte n’existaient plus. Seul comptait ce désir qui m’appelait, et la grisante sensation d’une caresse charnelle sur ma peau, de cette chaleur qui manquait à mon corps. Me dirigeant vers elle, je m’enfonçais dans l’eau, ignorante de ces abysses, devenus cimetière d’une ancienne civilisation. C’est lorsque je perdis pied, que je fis demi-tour, comprenant que mes pouvoirs ne me protégeraient pas des ombres maritimes, prêts à m’engloutir dans l’oubli.
La peine enserra à nouveau mon cœur de son étau. La lumière au loin, continuait d’irradier d’une aura mystérieuse. Elle m’envoûtait de son appel, faisant frissonner mon corps tremblant. J’étais mue par une impétueuse ardeur. Le besoin d’en ressentir ses langoureuses caresses devenait douloureux. Son absence, atroce. Alors que la concupiscence pulsait dans les veines, tel un feu ardent me consumant, mes mains se levèrent dans de gracieux gestes. Ma magie se mit à virevolter, mes doigts dessinant des arabesques d’or dans l’air.
Le sable inerte s’envola, et tourbillonna autour de moi. Les vagues magiques que mon pouvoir maniait, sculptaient la matière, pour devenir le dessein qui animait mes envies. De mon esprit condamné à souffrir de ne pouvoir toucher l’objet de mes désirs au loin, je fis naître une barque de sable. Lorsque mon pouvoir cessa d’inonder la plage, je retrouvai mes esprits, regardant cette chaloupe, qui n’attendait que moi pour m’emmener loin du rivage. Je la fis glisser, prenant place à son bord. Mes doigts effleurèrent la surface de l’eau, et murmurant une incantation, la barque s’élança. Je me laissai bercer par les vagues qu’avait créé mon sortilège, tandis que la lumière s’intensifia à mesure de ma progression. Le ciel obscurci de ténèbres, se para de mille feux, un chemin d’étoile s’y dessinant, prenant part à mon voyage. Tout n’était plus que rêve et douceur, dans ce vaisseau naviguant vers cette contrée inconnue. La magie et la réalité s’entrelaçaient dans un enchantement qui me semblait éternel.
Mais jamais rien n’est permanent, et l’obscurité prit subitement place. Sans un bruit, il annihila la moindre particule embrasée de lumière. La voûte céleste s’en retourna à la nuit et les embruns de magie se volatilisèrent. Créant dans un geste de désespoir une sphère qui n’éclaira que mon navire, je constatai avec effroi, qu’il fondait, le sable se désagrégeant. La barque de sable disparut, et je fus englouti par les flots.
Je battis des bras, cherchant désespérément à remonter. J’eus la sensation que des mains glaciales s’enchaînaient à mes jambes pour m’entraîner toujours plus loin dans la noirceur de l’océan. La panique me gagna, et j’ouvris les yeux. Tout était flou, tout n’était que ténèbres. Ma magie qui m’avait guidée jusqu’ici abdiquait face à une force mystérieuse qui s’était attachée à mon corps et m’entraînait vers les profondeurs. Mes poumons se vidèrent totalement, l’oxygène s’échappant de ma bouche en bulles d’air qui remontaient à la surface comme des perles argentées, tandis que je m’enfonçais plus profondément sous la surface. Je me demandai alors si j’avais commis une erreur. Avais-je franchi une frontière interdite ?
Dans un dernier effort, alors que mes forces m’abandonnaient, je poussai un hurlement silencieux. Une onde brutale et chaleureuse s’expulsa violemment de mon corps, puis tout s’éclaira. Mon pouvoir s’était libéré, créant une bulle de lumière autour de moi. Ouvrant les yeux, je fus ébahi. Sous les flots, un monde étonnant se dessina. De grandioses statues émergeaient de l’obscurité des profondeurs. Chacune d’elles semblait raconter son histoire, figée par le temps et l’eau. Bien plus que de simples sculptures, elles étaient les gardiennes du temps passé, veillant sur les récifs et sur les ruines d’une ancienne ville qui s’étendait. Prenant mon courage à deux mains, je propulsai ma protection et nageai jusqu’au cœur de la cité, où s’élevait un étrange bâtiment. Ses murs étaient faits de coraux pétrifiés, leurs couleurs chatoyantes ternies par les âges. Des algues dansaient aux fenêtres, luisantes tels des milliers de flammèches. Intrigué par ce sanctuaire sous-marin, j’en cherchai l’entrée, afin de m’aventurer avec prudence dans ses entrailles.
Wow, tu m'as complètement transporté dans cet univers fantastique ! J'adore comment tu décris les émotions d'Atalante et son voyage mystique. Même si je pense que tu pourrais peut-être développer un peu plus ses pensées. Ça donnerait encore plus de profondeur à son personnage. En parlant de profondeur, la scène sous-marine à la fin est vraiment captivante.
En tout cas, j'ai hâte de lire la suite et de découvrir ce qui l'attend dans ce sanctuaire sous-marin mystérieux !
Petite confidence, j'adore écrire les souvenirs de Lostris. Limite je préfère écrire Odyssée que l'histoire principale! Merci pour ton commentaire, mais je me demande comment pourrais-je développer ses pensées ?
A bientôt
"mais je me demande comment pourrais-je développer ses pensées ?"
Propositions :
1) Monologues intérieurs où elle se questionne sur son existence, ses choix, ses motivations. Où elle explore ses doutes et ses angoisses (sa capacité à remplir sa destinée par exemple)
2) Lier ses pensées à l'intrigue, en disant/montrant ce qu’elle pense de ces inscriptions. Les questions qu’elle se pose à leur sujet ? etc
A bientôt