«À attendre la Saint-Glinglin, on prend racine vite et bien.»
Anonyme.
Aujourd'hui, rien de surprenant ne s'est passé, vu que la journée n'est pas encore terminée. Avec ma mère, je cohabite depuis presque neuf mois, à une semaine et un jour près. Avouez qu'il est difficile de m'en vouloir pour mes piètres compétences en mathématiques : je ne suis qu'un bébé après tout, un nouveau-né bientôt.
Au réveil, ce matin, j'ai bien senti que ce serait le grand jour. À vrai dire, je me suis efforcé d'avertir ma mère à maintes reprises mais elle n'a rien voulu entendre. Apparemment une vraie tête de mule, ma mère ! Avec un peu de chance, elle sera sympathique après ma naissance. Aussi, il faut dire qu'une mère qui n'est qu'une tête de mule, ça doit pas être drôle tous les jours et, pire encore, ça risque d'en dire long sur mon futur caractère... Alors, elle doit être sympathique, il le faut !
Avouons que j'ai un caractère déjà bien trempé, non ? Avoir un caractère bien trempé ne veut pas dire que mon caractère flotte dans du liquide amniotique... Allez, quoi ! Avouez que j'ai du caractère, de l'humour, et que je suis bien parti pour ne pas être un bébé qui se laissera faire...
Actuellement, je suis convaincu que je serai le meilleur bébé du monde : je sais que je vais attiser de la jalousie, beaucoup de jalousie... et je m'en fiche ! À la limite, tant mieux, je dirais !
Ah ! Au fait, j'aimerais bien sortir prendre l'air quand même... Après neuf mois bien au chaud, j'ai des envies de m'aérer un peu l'esprit.
Allô maman ? Allô ? Allô, tu m'entends ?
Alors là, je reste sans voix : ma mère fait semblant de ne pas m'entendre. À la guerre comme à la guerre : je sortirai aujourd'hui quoi qu'elle puisse en dire. À l'avenir, c'est le bébé qui fera sa loi ! À savoir que le bébé ici, c'est moi !
Allez, maman ! Allez, pousse ! Allez ! Aide-moi à sortir de cette bulle protectrice dans laquelle je suis enfermé depuis des mois ! À cause de cette solitude qui me pèse énormément, depuis bientôt deux cent soixante-dix jours, je n'en peux plus...
Avant toute chose, je tiens à préciser que ce petit cocon va me manquer mais comme j'ai entendu dire de nombreuses fois dans le monde extérieur, le vrai monde, là où tout se passe : toutes les bonnes choses ont une fin. Autrement, je suis assez mitigé à l'idée de quitter le nid même si l'impatience de découvrir le monde prend le dessus : découvrir ma maman, mon papa, et d'autres personnes dont les voix m'ont semblé bien sympathiques.
À la réflexion, qu'est-ce que j'en sais si les gens de dehors sont gentils ?
Admettez que je fais peut-être une erreur en voulant sortir de là à tout prix, non ? À l'heure actuelle, je n'en sais trop rien...
À la limite, j'ai envie de dire que c'est trop tard maintenant : ma mère a compris le message et hurle très fort pour m'aider à sortir. Alors maintenant, il m'est impossible de faire machine arrière, littéralement plus possible du tout : je ne peux qu'avancer ou rester sur place.
Ainsi, l'heure de mon arrivée dans le monde extérieur vient de sonner et j'ai l'air tout paniqué : heureusement que personne ne me filme parce que je suis loin d'être à mon avantage ! À vue d’œil, je dégage une odeur d'hémoglobine et de liquides en tout genres, je ne suis pas propre et je déteste ça...
Allons, je dois me reprendre, enfin ! À la naissance, on ne me jugera pas sur mon physique.
Arriver dans le monde, le vrai, le monde où les voix ont l'air sympathiques, ça se doit d'être fait de manière soignée : la première impression compte toujours et c'est d'autant plus valable pour un nouveau-né. Avoir l'air à son avantage, voilà la clé d'une vie de succès.
Ah ! Au fait, de quoi j'ai l'air ?
Assez bien positionné ? Agréablement jovial ?
Apprêté et soigné ? Amplement grand ? Avenant et bien portant ?
Ah ! Anxieux, moi ? Allons...
À vrai dire, oui, effectivement, je suis anxieux, je le suis, vraiment...
Admettons que je ne sois pas assez bien pour mon papa et ma maman ? Avançons l'hypothèse que le monde réel soit plus effrayant que ce que je m'imagine ? Avouons qu'il est possible que je me sois fait une fausse idée toute enjolivée de ce qui m'attend dehors...
Admettez que c'est horrible d'angoisser à ce point-là !
Apeuré que je suis, je ne veux plus qu'une chose désormais : rester dans mon petit confort, dans ma bulle si confortable. Alors là, je me sens tout bête : mais quelle idée j'ai eu de vouloir en sortir aussi rapidement !
Assez improbable d'y retourner maintenant... À la gueule du loup, je me suis jeté. Aujourd'hui et les jours suivants, le monde pourra m'avaler tout cru comme bon lui semble.
Alarmiste, moi ? Aucunement...
Allez, pensons à autre chose pendant que je me rapproche du monde auquel je suis supposé appartenir...
À quoi puis-je penser alors que j'avance contre mon gré ? Aucune idée...
À quoi je pourrais occuper mon imagination ? Au pire, je peux toujours continuer de m'imaginer comment vont être ma maman et mon papa puisque je les vois bientôt...
Alors, ma mère, comment je la vois ? Attachante. Avec une voix des plus agréables, un sourire permanent et un rire envoûtant. Aux longs cheveux blonds qui descendraient jusqu'au bas des épaules. Assez grande, n'hésitant pas à porter des talons hauts pour se faire plus grande encore. Assez rêveuse. Arrivant à s'occuper d'un bébé, j'espère...
Au pire, sinon, il y a papa. Avec de grands yeux bleus, j'imagine. Avant toute chose, pourvu qu'il soit gentil avec moi. Au jour d'aujourd'hui, je ne sais pas trop si j'ai peur ou pas de mon papa... Au bout de neuf mois, j'ai cru l'entendre crier à plusieurs reprises, pour rien la plupart du temps, mais je n'aime pas l'entendre crier car ça me fait peur, très peur...
Alors oui, sachez que j'ai en sainte horreur les voix qui hurlent !
Ai-je l'air trop intelligent pour un bébé qui n'a pas encore d'âge ? Avant aujourd'hui, je ne me suis jamais posé la question et je panique de nouveau...
À cause de ça, mes parents seraient-ils capables de m'abandonner ? Au cas où, autant se comporter comme un vrai bébé...
Au fait, comment ça se comporte un vrai bébé ?
Alors, si je résume ce que j'ai cru entendre depuis ma conception : je dois pleurer, manger quand ça me chante, ne pas hésiter à faire des caprices pour rien, être sans cesse en demande d'affection, sourire de temps en temps et faire environ un exploit par semaine pour ébahir la galerie. Ai-je oublié quelque chose ?
À vrai dire, il est maintenant trop tard pour se poser des questions puisque j'entrevois la lumière du jour au loin.
Arrivé, je suis arrivé...
À maintes reprises, j'ai rêvé de mon arrivée mais je n'ai jamais imaginé que ça se passerait comme ça.
Attends, maman, laisse-moi respirer !
Attendez, baissez un peu la lumière !
Attendez, ne me détachez pas de ma maman !
Attends, maman, je veux retourner là où j'étais !
Attendez, papa, maman, s'il vous plaît !
Attendez, écoutez-moi un peu !
Attendez !
Alors là c'est excellent... Wow, sacré tout de force.
Déjà le résumé avec l'alphabet est super bien écrit mais alors là. Toutes les phrases en A... Réussir à écrire un texte de cette qualité avec cette contrainte a du être un calvaire. Super exercice de style en tout cas. Je ne sais pas ce qui me choque le plus : ce chapitre ou le fait qu'il y en ait d'autres xD
Ce qui est très fort c'est que ce chapitre est aussi très original et intéressant sur le fond. C'est inhabituel d'avoir le pdv d'un bébé qui s'apprête à naître. Très jolie chute de chapitre, où on voit toutes ses appréhensions au moment de venir au monde.
Très fort aussi d'avoir mis un titre et une citation avec la lettre A...
Je suis obligé de continuer...
Le résumé m'avait donné du fil à retordre, je l'avoue. Mais, à côté de certains chapitres, c'était rien du tout. Ce qui me choque aujourd'hui, avec le recul, j'ai que j'ai réussi à écrire cette histoire de A à Z, dans tous les sens du terme. Jamais je m'aventure à nouveau là-dedans !!
Merci d'être passé dépoussiérer l'alphabet. Je ne m'y attendais pas. C'est une très belle et agréable surprise.
Wow. Wow. Et encore wow, parce que, comme on dit, jamais deux sans trois.
Mais, vraiment c'est possible ? D'écrire toutes ses phrases en commençant par la lettre A ? Non, arrêtez, vous vous fichez de moi. Je n'y crois pas. [ consulte le texte ]. Ah bah si.
Non, plus sérieusement, un grand bravo ! Franchement, je n'imagine pas du tout la galère que ç'a été d'écrire tout ça. Moi aussi, j'ai mis un peu de temps avant de réaliser que toutes les phrases commençaient par un A ( je crois que j'ai été jusqu'au moment où il imagine ses parents .... ). Franchement, triple - non quintuple waouh.
Euh .... "au jour d'aujourd'hui" ? C'est un peu redondant, quand même, déjà que l'expression "aujourd'hui" est redondante .....
Voilà, tout ça pour dire que j'aime beaucoup ton texte et que je vais lire la suite .... [ consulte son agenda ] maintenant !!!!!!!!!!!!!!!!!!! ( vive le temps libre ! )
Eh oui, j'ai essayé de pointer la contrainte du doigt avec le résumé mais rien ne vaut la bonne vieille expérience de la plongée dans le texte. Merci de reconnaître l'enfer que ça a été à écrire ! Quoi que… C'était encore fun à la lettre A ;)
Merci beaucoup pour ton retour, Espelette (j'ai failli t'appeler "petit piment" mais c'est peut-être prématuré).
A bientôt !
J'ai été intriguée par la description de ton texte et je regrette pas, c'est absolument génial. J'ai mis un petit moment pour comprendre que toutes les phrases commençaient par la lettre A et je suis absolument époustouflée du résultat. Tout est super fluide, on ressent pas du tout la pression de la contrainte et je trouve ça franchement incroyable.
L'histoire en elle-même est très chouette, j'ai beaucoup aimé l'arrivée au monde de ce bébé pas comme les autres. Il est super attachant, j'ai beaucoup, beaucoup aimé la façon dont tu l'as amené, c'est de l'excellent travail.
J'ai rien à dire, c'est fou xD Je suis sous le charme de ton texte et je suivrais la suite avec grand plaisir !
J'espère que le charme opèrera encore avec la suite.