«Balaie sous tes paupières et tu pourras enfin voir la lumière.»
Bribes de réflexion d'un bébé qui s'ennuie
Bon, paraît-il que le jour de ma naissance a été exceptionnel. Bah voyons, je veux bien vous croire mais je ne partage pas votre avis, loin de là ! Bien évidement, je suis déçu...
Bien sûr, puisque j'ai été incapable d'ouvrir les yeux lorsque le monde s'est offert à moi. Bien déprimant tout ça alors que mon cocon me manque déjà... Banal, cela semble si banal pourtant d'ouvrir ses petits yeux : pour vous dire, je ne sais même pas de quelle couleur ils sont !
Bleus ?
Bleu-vert ?
Bouleversé par cette obscurité forcée, j'ai l'impression de faire la tête sans m'en cacher mais est-ce que je peux vérifier ça dans un miroir ? Bien sûr que non puisque je ne peux pas ouvrir mes petits yeux... Bien m'en fasse si je suis tout fripé, on n'avait qu'à m'autoriser à ouvrir les yeux, d'abord ! Bien entendu, pour couronner le tout, je n'ai aucune idée d'où je suis ni s'il y a un quelconque miroir dans les environs pour vérifier ma bouille du moment.
Bizarrement, je trouve le temps bien plus long qu'à l'époque où j'étais dans ma bulle : avant, j'appréciais chaque minute, chaque seconde passée dans mon petit cocon douillet et maintenant, j'attends juste que le temps finisse sa course lente jusqu'à ce que je puisse ouvrir mes petits yeux potentiellement bleu-vert...
Bonté divine, ce temps interminable à passer les yeux fermés me donne presque envie de compter jusqu'à trente milliards avant même d'avoir soufflé ma première bougie !
Bonjour, bonjour, j'entends des «Bonjour» et «Bonne nuit» mais je n'ai aucune idée de ce que ça veut vraiment dire «Bonjour» : sûrement qu'avec les yeux ouverts, la notion de jour me parlera un peu plus parce que la nuit forcée m'agace un peu... Brièvement, même brièvement, ça ne me viendrait même pas à l'idée de prononcer ces mots-là, ces mots dont je ne comprends pas la signification : en réalité, je ne parle pas tout simplement parce que je ne comprends pas grand chose, puis aussi parce qu'un nouveau-né n'est pas supposé parler. Braillant en bon nouveau-né que je suis, je ne parle pas et je garde mes yeux clos : qui pourrait bien m'envier, franchement ?
Bébé, tu dors ?
Bébé, tu dors ?
Bébé entend ça tout le bonjour et toute la bonne nuit et Bébé en a plus qu'assez, vraiment ras-le-bol ! Balivernes, je vous dis ! Bébé aimerait rêver tranquille. Bébé souhaiterait être libre, tout simplement. Bizarrement, c'est impossible et Bébé le sait, le sait très bien. Bébé trouve ça curieux. Bon Dieu, pourquoi Bébé est surveillé comme du bon vieux lait sur le feu ?
Bébé n'a fait aucune bêtise. Bébé est gentil. Bébé est irréprochable mais Bébé est en prison. Barreaux, des barreaux, des barreaux ! Bien partout ! Bah, oui, en prison ! Brisé par cette prison faite de barreaux tout autour de moi, je craque... Bah, oui ! Banni par mon entourage qui me prive de chaque petit morceau de liberté, je n'en peux plus... Bouger d'avant en arrière, c'est là les quelques seuls mouvements que je peux me permettre dans cette satanée prison.
Bon sang, vous tiendriez le coup, vous ? Bah, pas moi...
«Bonjour, bébé», qu'on me dit tout le temps, par ci, par là, en veux-tu, en voilà !
Bonjour ? Bébé ? Bah, de quoi on me parle là ? Boudu, pourquoi me parle-t-on tout court puisque je suis théoriquement incapable de parler ? Bon sang, si seulement les gens pouvaient faire preuve d'un peu de bon sens...
Balivernes, que des balivernes !
Bien entendu, il m'en faut peu pour arriver à la conclusion que les gens sont fous, atteints d'une folie incurable. Bah, je ne vois que ça pour expliquer un tel comportement...
Bien sûr, vous comprendrez que les «areuh areuh», les «ah gaga», les «boudou boudou boudou» et j'en passe me tapent sur les nerfs ! Boudu boudu, areuh areuh, poutou poutou, guili guili... Beurk...
Brillamment, j'arrive toujours à me sortir de ces conversations de bas étage : je fais semblant de dormir, de ne plus bouger d'un petit pouce, ou alors je peux tout aussi bien me mettre à hurler, je crie, je montre n'importe quoi du doigt et on me laisse me calmer tranquille. Bien pensé, non ?
Bisous par ci, bisous par là ! Bisous de maman. Bisous de papa. Bisous d'inconnus, bisous de beaucoup d'inconnus...
Bien étrangement, je me sens comme le génie de la lampe qu'on vient frotter pour que des vœux soient exaucés. Beaucoup de ces gens peuvent toujours courir : si je n'arrive pas à réaliser mon seul vœu d'avoir les yeux ouverts tout en m'exprimant tranquillement au lieu d'avoir du monde partout sans arrêt pour venir m'embêter, il est hors de question que je réalise n'importe quel autre vœu par pure bonté d'âme.
Bonté d'âme, faire preuve de bonté d'âme, moi ? Bien, il faut bien me regarder car ce ne sont pas en ces termes que je me définirais, voyez-vous... Bah oui, je ne suis qu'un bébé après tout !
Braillant, tout en braillant sans interruption, je m'interroge... Bah oui, je me dis que ça doit être bizarre justement de parler sans brailler. Bien articuler des mots qui fourmillent dans mon cerveau.
Bah oui, je ne suis qu'un bébé mais je sais que les gens parlent et le plus souvent en réfléchissant avant de prononcer un mot, j'ai bien dit «le plus souvent»... Balivernes, balivernes, qui n'a jamais entendu de balivernes au moins une fois dans sa vie ?
Bien sûr, je suis conscient qu'un jour, je serai aussi capable de parler : peut-être que chaque chose est supposée arriver en temps et en heure ?
Bouh, je rêve ou je suis en train de me dire que c'est pas plus mal d'être un bébé empoté des deux pieds ?
Barboter comme un bébé, ça a ses avantages aussi : j'ai l'air de vouloir grandir trop vite mais il faut savoir profiter de sa jeune vie de bambin. Bambin, oui ! Bain de bambin. Berceau de bambin. Barboter dans mon bain. Bricoler sur mon berceau. Bricoler à ma façon, bien sûr. Bricoler, pour moi, c'est gratter la paroi de mes tout petits doigts en faisant des petits bruits pour exprimer ma joie et mon amusement. Bruits que je suis très souvent le seul à entendre mais j'aime aussi quand ils agacent les gens.
Bientôt, je serai capable de parler. Bientôt, très bientôt, je l'espère, mais en attendant, je m'amuse comme je peux avec ce que j'ai. Bien entendu, cela ne m'empêche pas de penser et de regarder le monde les yeux tout fermés.
Bah oui, y a intérêt que je sorte très vite de l'obscurité : il suffit juste d'attendre mais faut pas croire, c'est bien difficile d'être un bambin patient !
Contrainte encore plus dure que le premier, chapeau !! On sent quand même que la difficulté s'élève, parce que c'est très difficile de commencer toutes les phrases avec un B sans répétition. Tu t'en sors vraiment bien, sans que le fond ne soit négligé.
Le bébé garde toujours son côté sarcastique sur le monde qu'il découvre, c'est un narrateur très amusant.
"Bébé est irréprochable mais Bébé est en prison. Barreaux, des barreaux, des barreaux !" très bon !
Bon, je continue parce que j'ai hâte de découvrir le K hihi
Bon, je passe le chapitre du "triple waouh" parce que je pense que tu as compris le principe mais je n'en pense pas moins. Vraiment, je me demande si ce n'est pas pire qu'écrire un livre sans E ( George Perec et sa célèbre disparition ... ).
Humm, le personnage principal promet d'être intéressant ... Rien que tout le sketche sur les yeux bleu-vert m'a fait rire, alors ...
Voilà, juste un petit passage par ici avant d'aller lire la suite !
On sent qu'il a été un peu plus compliqué à écrire, je me trompe ? Il a beaucoup de "Bah" et de "Bien" qu'on sent presque arrangé dans le désespoir ahah. Mais je chipote, c'est vraiment très chouette et toujours aussi fluide et bien écrit.
On en apprend de plus en plus sur le personnage principal que est vraiment exceptionnel et très drôle. C'est très chouette de voir qu'il a de l'avance sur les autres et qu'il est conscient de la stupidité de sa condition, le décalage est très drôle et ça permet de passer un très bon moment.
C'est vraiment une chouette découverte ce texte, il est top !
Merci de ton passage !