Lassée de sa journée, Elmira referma la porte d’entrée. Elle balança son sac au pied du porte-manteau, suivi de ses bottines noires à lacets. Elle se précipita sur son fauteuil de cuir et s’avachit. Elle prit la télécommande, alluma la télévision et zappa les chaines sans conviction. Sur un guéridon en paille, à sa droite, un livre était posé. Elle le feuilleta vite, guère inspirée par ces pages.
La jeune femme décida donc de se lever afin de trouver des aliments à son goût dans la cuisine. En face de son garde mangé, elle soupira. Rien ne lui fit envie malgré la quantité de nourriture présente. Cette situation l’ennuyait. Elle ne voulait pas sortir, éreintée par sa journée de travail. Elle ressassa son début de matinée, à ce moment où son humeur demeurait joyeuse. Elle trépignait d’impatience d’annoncer sa merveilleuse nouvelle. Lorsque ses partenaires de boulot furent arrivés, Elmira présenta sa main. Son annulaire était habillé d’une bague de fiançailles en or blanc, serti de quatre griffes orné d’un diamant. Une cohue acclama ce bijou attendu depuis des années. Ils félicitèrent la jeune femme de cet engagement. Seulement, tapi dans un coin de la pièce, un collègue de longue date, épiait la scène. Il était tristement connu pour son obsession pour la future épouse. Il l’avait suivi à de nombreuses fois, ainsi que menacé et malmené. Étant son supérieur, il profita pour déverser sa jalousie maladive en rajoutant des tâches supplémentaires à la demoiselle. Tout ceci était son quotidien. Elle s’était doutée qu’à l’annonce de ses fiançailles, il transformerait sa vie au travail en enfer. En plein dans le mille. Durant le reste de la journée, il l’exploita et l’obligea à traiter une montagne de papiers équivalents à deux semaines de travail. Elle était déterminée à montrer son indifférence face à ces agressions. Elmira s’exécuta. Malheureusement, elle sauta le repas du midi pour terminer sa besogne. Fière, mais exténuée, elle rendit la pile de feuilles, à l’heure de fermeture, à son supérieur.
Elle soupira de nouveau, puis se remit les idées en place. Son excitation d’aller dehors se comparait à de devoir retourner supporter son odieux patron demain. Intérieurement, elle rumina tous les instants négatifs où elle n’avait pas osé agir. Toutefois, elle les rejoua dans ses pensées, en rajoutant des répliques cinglantes pour se défendre. Elle hésita. Un coup de poing dans sa figure donnait une meilleure sensation de défouloir que des mots. Elle souriait de cette éventualité imaginaire. Elle enfila ses chaussures, mit son sac en bandoulière en daim sur son épaule, se couvrit de son long manteau de velours noir à capuche. Elle ouvrit la porte, sortit de son appartement et le scella à clé aussitôt son habitat. Elle descendit à vive allure les escaliers de son immeuble, afin de chercher un repas qui émoustillera ses papilles gustatives.
Parvenue au rez-de-chaussée, elle ouvrit l’entrée en bois et sitôt dehors la referma. Elle connaissait les répercussions de tensions vis-à-vis d’une quelconque maladresse, si cette entrée restait ouverte. Et ceci était la règle primaire et absolue de tout nouvel arrivant dans le bâtiment. Ses voisins étaient du genre strict. Mais elle pardonnait cette rigueur excessive, la majorité de son voisinage détenait un âge considérable. La sécurité les apaisait. Néanmoins, ils enviaient l’insouciance de la demoiselle. Combien de fois s’étaient-ils attardés dans les souvenirs de leur jeunesse ? Leurs histoires instruisaient et ils les racontaient avec passions. Certains et certaines avaient vécu une partie de la Grande Chasse, mais beaucoup contaient leurs aventures pendant L’extinction. Une longue paix naquit de ces deux anciennes périodes, la Paix de Constance. Depuis son instauration, la magie n’était plus revenue. Elle était même devenue taboue et interdite. Elle était décrite comme maléfique, aspirant votre âme dans les ténèbres. Ce manque d’information et d’élaboration cognitive avait suscité une importante curiosité durant son adolescence. L’école éduquait le minimum sur le sujet. Toutefois, enrichir ses connaissances était risqué.
Elle sautilla sur la marche, égale à une enfant, et se mit en route. Ses pas rapides et francs résonnaient sur les pavés du trottoir. Elle savait où aller : Le quartier des Lumières. C’était impensable qu’une telle euphorie nocturne se trouvât si près de chez elle. C’était aussi l’endroit qui la réconfortait quand elle en ressentait le besoin. Au coin de sa rue, elle bifurqua à sa gauche. Elle longea l’artère des tramways, dont beaucoup étaient arrêtés à la halte, attendant tranquillement l’heure du départ. D’autres disparaissaient vers une direction, dont seuls les conducteurs connaissaient le chemin. Des voyageurs allaient et venaient sans cesse, telles des fourmis pressées par le temps. Les couleurs sombres et ternes dominaient, uniquement les rails dorés égayaient. Certes la nuit tombait, mais le bordeaux des tramways se distinguait à peine, juste le blason d’or de la compagnie sur chaque côté scintillé. Les passants portaient des teintes de marron, de rouge foncé et de gris. Des nuances beiges ressortaient peu. La rangée de maisons modestes et sans caractère, vers laquelle elle se dirigeait, ne valorisait pas plus la zone. Le noir l’emportait encore et l’unique touche de couleur claire (blanc) des façades, sale et mal entretenue, peinait à attirer l’attention. La capitale se peignait d’une morosité, car les moindres recoins de la ville se construisirent à cette image. Sauf l’exceptionnel Quartier des Lumières. Et pour le rejoindre, elle devait traverser la rue perpendiculaire à l’artère des tramways. Elle devait emprunter une des multitudes de ruelles séparant les habitations. Le secret amusant, aucune d’elles ne menait au même endroit. Elle se souvint des premières fois précédant son arrivée. Elle s’était perdue à maintes reprises. Et trop honteuse de sa situation, elle se débrouillait par ses propres moyens pour retrouver son chemin. Maintenant, elle connaissait la capitale comme sa poche et se promenait les yeux fermés. Mais le passage qui intéressait Elmira se trouvait légèrement plus bas par rapport à sa position : dernière ruelle de la rangée de maisons, et la première de la rue de la Grande Pente. Quand elle empruntait ce chemin, elle prenait un instant, car elle pouvait admirer la plage. Elle aimait la couleur du crépuscule lorsqu’il tombait, ornant le paysage d’une palette chaude. Malheureusement, la soirée était déjà avancée, les tons vifs s’étaient changés dans des teintes froides, parsemés d’étoiles.
Une douce mélodie de clochette retentissait, sortant la jeune femme de ses pensées. Un tramway passa et disparu à l’angle de l’artère. Elle tourna la tête à droite, à gauche. Pas de danger. Elle traversa la rue et admira l’horizon. À peine eut-elle de poser un pied sur le trottoir, qu’elle se fit bousculer par une personne. Son corps sentit le choc. Elle essaya de se rattraper à quelque chose, mais elle trébucha, indépendamment de sa volonté, vers l’arrière et tomba sur le pavé. Elle gémissait de douleurs, se plaignant d’avoir mal aux fesses. Elle frotta ses mains entre elles afin de retirer la saleté. À son grand étonnement, elle était seule. D’après son impression, la personne était un homme. C’était sa déduction, au vu de sa carrure et de sa corpulence extrêmement imposantes et immenses. Elle ne doutait pas de son ressenti ! Pourtant, à cet instant précis, aucune agitation aux alentours ne retentissait.
En se relevant, Elmira vit une étrange lumière turquoise éclairer son visage. Elle y découvrit une clé. Elle se rapprocha et s’accroupit (laissant échapper un juron, car ses fesses la faisaient souffrir) au-dessus de l’objet et la prit dans ses mains. La lueur perdit de son éclat à son contact, mais la jeune femme se sentit irrémédiablement attirée par cette clé. Elle était magnifique et atypique. L’anneau formait une étoile à cinq branches. Elle était incrustée d’une pierre taillée en multiples facettes, comme du cristal, turquoise. Sa minuscule boucle argentée, discrète, se dissimulait sous six autres gemmes implantées dans la tige. Contrairement à l’anneau, elles bénéficiaient d’un diamètre modeste, ainsi que des couleurs différentes. Cependant, l’éclat des petites étoiles paraissait pâle en comparaison de l’anneau. Le panneton figurait fidèle à une clé à gorges.
La demoiselle analysa sa trouvaille sous tous ses angles. Jamais elle n’avait vu une clé aussi magnifique et mystérieuse. Mais elle ne lui appartenait pas. Son propriétaire avait disparu, elle effectuera une requête d’objet trouvé au bureau des administrations le lendemain (et une bonne raison pour arriver en retard au travail). Elle mit la clé dans son sac et reprit son chemin. Elle emprunta la fameuse ruelle sombre et étroite. L’endroit ne présentait que quelques portes ici et là. Rien d’attrayant pour une personne lambda comme elle, de plus, c’était le parfait rendez-vous des bas-fonds de la ville. Autant éviter de trainer trop longtemps. Elmira les utilisait juste pour passer de quartier en quartier.
De l’autre côté de la ruelle, elle sortit de la pénombre, accueillit par une clarté éblouissante du Quartier des Lumières. Il portait son nom comme un charme. Un nombre incalculable de couleurs multicolores arboraient les pans des immeubles à l’architecture industrielle faisant office d’appartements, de boutiques et de restaurants. Les habitants du quartier s’étaient accommodés à cette ambiance électrique. Vélos, voitures à vapeur, tramway, chaussures roulantes et divers objets du quotidien étaient décorés d’éclairages jaunes, vertes, rouges, violets… Une liberté vestimentaire rajoutait de la vie : couleurs néon, maquillages flashy, coiffures excentriques… Le lieu se démarquait depuis l’arrivée de l’électricité.
Elmira aimait venir dans ce quartier, surtout pour la librairie. La propriétaire débordait de folie, mais explosait de gentillesse. Elle lui accordait de lire des livres sortant des connaissances près définies par les écoles. Néanmoins elle ne découvrait rien de dangereux. Cependant, ce soir, elle préféra écouter son ventre que l’apprentissage. Elle se dirigea vers son restaurant de plats à emporter. Elle allait opter pour une pouzz (un plat du quartier des Lumières qui consistait à mettre par-dessus une bonne couche de pommes de terre, une sauce au bouillon de volaille cuit et mélangé avec des petits morceaux de poulet, de flageolet et de cheddar) et rentrer chez elle. Elle croisa sur le chemin Eldywn dansant sur un rythme effréné, habillé de sa robe néon pailletée, de sa coiffe en plume rose et violette, de ses bottes compensées de cuir moulant et pomponné à sa manière : extravagant. Elle fit sa rencontre dans les ruelles. C’était grâce à lui, qu’aujourd’hui, elle ne se perdait plus. L’entente s’effectua vite et depuis ils étaient devenus de proches amis. Il vint embrasser la jeune femme sur les joues et repartit s’amuser avec son groupe qui le suivait. La foule augmentait en densité, la nuit se préparait à devenir festive une fois encore.
Devant le restaurant, elle tira la porte pour l’ouvrir. Elle entendit étrangement un rire gras assez écœurant et des chants paillards. Elle regarda derrière son épaule. Elle aperçut l’animation habituelle du quartier des Lumières. Eldywn continuait sa danse du corps sous un public grandissant. La musique jouée par le groupe d’accompagnants restait fidèle à l’accoutumée : un genre exotique et explosif. Elle déclinait, la fatigue la gagnait, provoquant des hallucinations auditives. Elle entra dans le restaurant et se trouva dans un bar d’allure rustique, voire précaire. Les occupants ne ressemblaient pas aux gens du quartier des Lumières. Elle eut un doute. Était-ce une soirée costumée ? Non, impossible. Sinon, le patron avait accompli un travail remarquable. Les tables rondes, rectangulaires, carrées, chaises, meubles et couverts, tous modelés de bois. Les clients n’étaient pratiquement que des hommes, mal habillés avec une toilette discutable. Les femmes présentes étaient vêtues de cotte et de tablier. Elmira sentit la panique venir. Avait-elle remonté le temps ? Elle recula pour partir. Personne ne l’avait remarqué. Elle fuit le bar, mais en faisant demi-tour, elle se rendit compte que le décor du quartier diffère. L’invraisemblable quartier des Lumières avait fait place à des passants ivres, des rangées de flambeaux brulant d’un feu vif, d’escaliers en bois qui grimpaient et descendaient à perte de vue. Elle suivait un escalier des yeux afin de déterminer où il menait. Impossible d’en voir la fin. Cependant, elle comprit qu’elle se situait sur un arbre géant. Elle le devinait par ses branches et son feuillage, qui fournissait le bout des rameaux, émanant d’une lueur rose. Elle était tétanisée. Où se trouvait-elle ?
Sinon, attention à l'emploi de mots assez familiers (fesse par exemple que tu peux remplacer par coccyx par exemple).
Enfin, pour le bar, j'aurai eu tendance à ne pas écrire "était-elle retourné dans le temps ?" D'après moi, ça enlève le suspens et je doute que c'est la chose à laquelle on penserait tout de suite dans cette situation. Tu pourrais continuer avec l'idée (très bonne) de la fête déguisée, en disant simplement qu'elle se sent mal à l'aise donc elle ressort et bim, c'est là qu'elle voit que tout a changé. Mais pour moi, le retour dans le temps parait trop irréel pour qu'elle réalise tout de suite !
Voilà voilà
Je trouve ça original d'introduire un univers inédit qui sert simplement de toile de décor pour aller vers un autre xD à voir ce que cela va donner :).
Quelques erreurs par-ci par là mais rien de grave et facilement corrigeables. Cela ne nuit en rien la lecture.
Je suis curieux de lire la suite.
(note qui me concerne purement personnellement, l'utilisation des parenthèses est assez déroutante).