Dans l'inconnu

Notes de l’auteur : J'espère que cette suite, vous plonge un peu plus á l'intérieur de l'histoire. Et vous apprécieriez la suite de l'aventure. Elle ne fait que commencer.

Perdue dans ce monde inconnu, Elmira resta bloquée devant la porte du bar. La seule option, à son humble avis, visait à se cacher pour fuir ce milieu hostile. Elle essaya de bouger. Elle réussit à remuer confusément, quand un homme à l’allure d’ours menaçant voulait entrer. Il était apparu sans crier gare malgré son gabarit imposant. Elle s’était figée, empêchant l’individu de passer. Le pirate s’écarta un peu sur le côté. En dépit de son expression agressive, il demanda gentiment à la jeune femme s’il pouvait se rendre à l’intérieur. Elle parvint à trouver la force de se retirer, en ajoutant un faible « excusez-moi » effrayé. Le géant sourit à son attention avant de hurler de joie en entrant dans le lieu. À l’évidence, il semblait heureux de rejoindre ses amis. La demoiselle profita de ce moment pour se cacher rapidement, dans un coin sombre de l’établissement. Paniquée, elle scruta les alentours. Personne ne la dévisageait. Parfait, elle devait se remettre les idées en place. Elle inspira profondément afin de calmer son début de crise d’angoisse. Cette histoire possédait une logique. Elle avait certainement dû s’endormir sur son canapé. La vérité, pensa-t-elle, était qu’elle avait oublié d’être rentrée chez elle (trop de fatigue !). Durant son repas, elle s’était assoupie. Oui, c’était ça ! Elle rêvait. C’était simplement un songe. Son cœur reprit un rythme régulier, rassuré de cette fausse certitude. 

Elle scruta les alentours, cachée par l’ombre du bâtiment. Un nombre incalculable de pirates passaient le verre à la main, braillant à tue-tête. Cependant, autour de leur taille, épées et holsters attachés où l’envie leur faisait plaisir ; épaule, cheville, cuisse, torse… semblaient des plus réels. Le crépitement chaleureux des flambeaux, servant d’éclairage, chantait de manière agréable. Elle entendit le bois travailler sous les pas des corsaires. Combien de personnes habitaient sur cet arbre géant ? Où se trouvait-elle ? Où menaient ces escaliers ? Tant de questions se bousculaient dans sa tête. La seule pensée rassurante se puisait dans l’évidence d’un système logique de vie sur l’arbre. La demoiselle tilta. Elle se situait sur un arbre géant ! Elle s’accroupit, puis effleura du bout des doigts le sol. La texture rugueuse, difforme et craquelée, râpait. Elle frappa en douceur sur le végétal, la résonance de son coup sonnait dure et ferme. Pas de doute, c’était un véritable arbre. Elle se releva et fixa le point de l’horizon. Malheureusement, la nuit sombre masquait la visibilité. Toutefois, elle reconnut facilement cette senteur. Elmira se trouvait proche de la mer. Même si elle habitait sur le littoral, l’air iodé n’avait jamais cessé d’enivrer son odorat. De plus, elle pouvait entendre par derrière le brouhaha, le son des vagues.

Elle devait passer inaperçue. Les pirates portaient, pour la plupart, des couleurs crème et marron. Vêtue d’un long manteau et noir, elle évalua sa tenue. Les teintes se noyaient parfaitement dans le décor. Elle retira son habit facilement repérable et le mit sur son bras et se jeta dans la foule. Elle garda la tête baissée pour éviter tout contact facial. Pour survivre à cette épreuve, la discrétion se présenterait comme son bouclier. Son arme était de trouver des indices supplémentaires sur sa position.

Elle se hâta à monter les escaliers qu’elle avait vus. Elle se sentit surprise et angoissée lorsqu’elle arriva sur une plateforme. Deux escaliers. L’un grimpait, l’autre menait vers le bas. Bloquée dans sa décision, elle jaugea le pour et le contre, mais des voix provenant d’un groupe de pirates vinrent en sa direction. Elle prit donc à toute vitesse l’escalier qui descendait. Dans son élan de protection, elle s’engouffra, petit à petit, dans la pénombre. Seulement, elle ne s’en rendit pas compte. 

Arrivée au bout des marches, elle était essoufflée, mais en sécurité. Enfin… presque. Elle constata un changement d’ambiance. Autant à l’étage, l’atmosphère joyeuse s’animait, autant ici, elle pesait d’un air malsain. Les flambeaux vifs s’étaient transformés en lanternes ternes. Le tronc, les branches et le feuillage de l’arbre avaient disparu sous un amas de racines entremêlées. Il y avait par-ci, par-là des maisons fabriquées de planches de bois. Environ deux ou trois toux résonnèrent sans personne dans les parages. Elmira comprit l’hostilité du lieu. Elle tourna les talons quand deux hommes la prirent par stupeur.

— Tiens ! Qu’avons-nous là ? demanda le plus petit des deux. 

Il faisait une tête de moins qu’Elmira. Ses yeux sombres et enfoncés s’apercevaient à peine. Son nez, long et crochu, sortait de son visage. Ses rides envahissaient sa peau. Sa bouche formait un rictus, donnant sur ses dents jaunies et pourries. Ses oreilles interminables et pointues mettaient ses irrégularités en avant. Il revêtait un panama noir, trop grand pour son crâne. Il penchait sur le côté, laissant apparaitre ses cheveux gris sale et gras. Il portait un costume de soirée raccommodé. Son accompagnant lui ressemblait avec les froncements en moins. Il mesurait cinq ou six fois plus que la jeune femme. 

— V-vous êtes des gobelins, remarqua-t-elle pétrifiée.

— Je n’aurais pas mieux dit, ricana la créatures âgée en tournant autour d’Elmira. 

— Excusez-moi, mes amis m’attendent, mentit-elle tremblante.

 

Elle passa rapidement auprès de son complice, prête à prendre la poudre d’escampette lorsqu’il s’exprima de sa grosse voix.

— Patron ?

— Légèrement, répondit l’autre en riant.

Soudainement, le gobelin costaud stoppa Elmira en la frappant. Elle tomba sur les premières marches. La demoiselle n’eut pas le temps de constater que sa lèvre saignait. Son assaillant agrippa ses longs cheveux noirs et la traina sur le sol. Elle hurla, supplia, se débâtît, cependant, la différence de carrure la lésée. Il le tira sur une grande distance, jusqu’à un important édifice, le plus solide d’entre tous. À l’intérieur, l’animation arrivait à son paroxysme. Elmira se doutait des activités abjectes qui se passaient à l’abri des regards. 

Ses assaillants étaient postés devant la porte. Elle essaya une nouvelle tentative pour fuir, mais ses cheveux étaient encore agrippés dans la grosse main du gobelin. Elle lui enfonça ses ongles dans sa peau grise, lui arrachant une grimace de douleur. Pendant un instant, il lâcha sa proie. Il vérifia sa blessure sans grande conviction, puis gifla la jeune femme, la remettante allongée sur le sol poussiéreux. Elle releva la tête, le regard hargneux, défiant le monstre à recommencer.

Ledit Patron se rapprocha d’Elmira, elle recula pour se protéger, mais il agrippa son cou et l’étrangla.

— Je crois que tu n’as pas compris la loi des bas-fonds d’Ygdrasil, ma petite biche. Tous ceux qui rôdent par ici finissent par me servir. Et les rebelles, comme toi, je les dresse moi-même, railla-t-il.

Il retira sa main de sa gorge et lui enleva son chemisier, découvrant sa poitrine. Il se mit par-dessus la jeune femme, déchirant ses vêtements. Elmira se défendit des violentes attaques, lorsque le gobelin commença à arracher sa culotte. Elle perdit espoir de se sortir de cette situation.

Soudain le Patron voltigea sur son acolyte. Un tintement de pièces résonna sur le bois du ponton. La demoiselle se releva, essayant de cacher ses parties intimes, et aperçut une bourse.

Décontenancé par la visite d’un acheteur potentiel, le gobelin se fit aider de son complice pour se remettre du coup de pied qu’il venait de se prendre. Il essuya les traces de sang sous son nez. Il dévisagea l’individu, il le connaissait bien. C’était son « meilleur client », un propriétaire d’un bar des cimes d’Ygdrasil : Thelonius Forten. À vrai dire, le mot client ne lui était pas approprié. Sa réputation, le précédent, parlait de l’homme comme d’un bienfaiteur. Il venait dans les bas-fonds à la recherche de pauvres âmes en perdition, les achetait à un prix élevé et leur donnait l’espoir de fonder une nouvelle vie.

Elmira tremblait comme une feuille. Quelques larmes avaient perlé au coin de ses magnifiques yeux bleus. Recroquevillée sur elle-même, elle n’osa pas regarder son sauveur. En était-il réellement un ? Il avait lancé une bourse digne d’un roi, elle se méfiait de lui. 

Une main douce et chaleureuse se posa sur son épaule. Elmira se tourna vers ce geste tendre et découvrit l’homme. La faible lueur l’empêchait de définir les attraits physiques de son libérateur. Une certitude demeurait, sa peau se confondait facilement avec le noir alentour. Elle essuya les traces de ses pleurs rapidement, prête à prouver sa force, et de montrer à ce nouvel arrivant qu’elle ne se laisserait pas faire, s’il voulait lui faire du mal. Son expression dessinait sa détermination, mais son corps tremblait et Thelonius le sentit. Sans demander l’autorisation du Patron ou de la jeune femme, il l’aida à se relever. Il toucha ses mains froides comme une nuit d’hiver. Il tenait son manteau et son sac abandonnés sur le lieu de l’interaction. Il constata l’état déplorable de la demoiselle. Ses vêtements, arrachés par le gobelin, rendaient visible sa peau. Il la couvrit généreusement de son habit perdu, nouant d’une main ferme les cordons de sa cape. Il soutint son regard. Ses yeux d’or bienveillant apaisaient Elmira. Thelonius saisit délicatement le bras de la jeune femme. Elle se laissa guider. Son intuition chuchotait au creux de son inconscient qu’il était un homme de confiance.

Ils commencèrent à partir quand le Patron se manifesta.

— Elle m’appartient !

— Une bourse à tes pieds dit le contraire, rétorqua Thelonius sans se retourner.

Le gobelin pesta. Cela dit, il empoigna la poche et aussitôt en main il compta l’argent. Ainsi la demoiselle et son sauveur reprirent leur chemin.

Elmira monta les marches auprès de Thelonius. Un calme planait entre les deux inconnus. La jeune femme, préoccupée par ses pensées, ne le réalisa pas. Énumérer les moments qu’elle venait de vivre était impossible. Elle était censée acheter une pouzz et finir sa soirée paisiblement chez elle. Au lieu de ça, elle avait passé une porte d’une taverne, elle se promenait sur un arbre géant, et elle avait failli devenir une prostituée des bas-fonds. Des créatures malveillantes l’avaient malmenée, battue, puis presque… violées. Elle défaillit juste à la pensée de ce mot. Elle porta ses mains devant ses lèvres dans l’espoir d’engloutir ses sanglots, mais elle avait atteint sa limite. Elle avait enduré plus rude, mais l’enchaînement des événements, sans pouvoir les maitriser, la mit dans un état de faiblesse. Elle s’arrêta et fondit en larmes.

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Dragonyaa
Posté le 29/12/2022
Petite remarque sur le début du chapitre où elle découvre les pirates dans la foule : tu les énonce comme s'il s'agissait d'une évidence, sans pour autant les décrire. Les pirates peuvent avoir pleins de physiques différents selon les univers ! Il serait intéressant de décrire les signes distinctifs du tien. Par exemple : Ils étaient couverts de cicatrices et de traces du sel marin. Etaient-ce des marins ? Les sabres flanqués au niveau de leur hanche lui fit tout de suite penser à des pirates."
Voilà !
Mazaroke
Posté le 31/07/2022
Lecture toujours très agréable.
quelques interrogations par-ci par là:
-Je pense qu'il aurait été plus intéressant de cacher les intentions de Thelonius. Là on sait déjà plus ou moins qu'il est gentil, que ces intentions sont pures et que tout le monde le respecte et le craint. Par conséquent on perd en tension, on est déjà rassuré pour notre héroïne. Mais après ce n'est que mon point de vue :)
-Je trouve ça facile dans la narration qu'elle sache ce qu'est un gobelin et que les gobelins de se monde s'appellent effectivement gobelins xD après ce sera peut être expliqué toujours est-il que ce n'est pas grave dans l'absolu.
Sinon ça intrigue et je vais lire la suite :)
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