Au commencement

Notes de l’auteur : Ce texte n'est pas définitif et est sujet à de futurs grands changements, peut-être. Toute critique est le bienvenue, positives comme négatives.

Le caractère de ce texte est, je sais, très lourd, et difficile à lire pour certains et certaines. Mais ce n'est qu'une histoire, j'essaie de raconter quelque chose, sans rentrer dans l'autobiographie ou l'autofiction.

Merci.

J’aurais pu mourir ce jour là, j’aurais pu mourir d’une multitude de façons et j’aurais sûrement choisi la pendaison. Quoique j’ai toujours cru aux malédictions, j’aurais pu mourir dans une explosion de gaz, recevoir une plaque de zinc sur la tête, me prendre un coup de couteau, tomber dans les escaliers, ce genre de situations. Et moi je suis maudit par l’univers tout entier, rien ne me donne goût à survivre. Le soleil brillait au-dessus de moi, mais je ne le voyais pas, aveuglé par la peur d’une chaleur réconfortante. Allergique chronique au bonheur, même les ténèbres ne me tentaient plus. Le soleil brillait au-dessus de moi, mais j’étais dans la lune, un OVNI de cette grande société dont on est censé faire partie sans que l’on a rien demandé. J’ai toujours été comme ça, cette sensation de différence fondamentale avec le reste du monde, comme si un mur me séparait du reste de l’espèce humaine et que je me ségréguait sans vraiment en avoir moi-même la volonté, mais j’aime ça. Ainsi je restait en bordure de la route, les autres avançaient et moi… et moi… je reste sur le bas-côté de la route, à marcher seule sur le bord de ce chemin sans fin, duquel on voit au loin des montagnes que je ne pourrais jamais atteindre. Pour moi l’existence se résume à un mirage que l’on atteint jamais quel que soit les efforts.

 

J’ai survécu à ce fameux jour, où j’ai comme rencontré la face cachée de ce monde. Elle était lunaire, en ça elle me surpassait et me faisait passer pour une petite frappe des cas psychiatriques, bien plus présent qu’on ne puisse le penser. Du haut de mes seize ans j’ai vu mon âme chamboulée, je ne le savais pas encore, je l’apprendrais trop tard. C’est, je crois, la seule fois où je n’ai pas baisser le regard devant quelqu’un, un regard perçant qui traverse les yeux et vient taper dans l’épine dorsale. Comme si ma schizophrénie s’évaporait face à ce visage épuré. Un traitement bien plus puissant que n’importe quel médicament que l’on a pu m’administrer pendant toute ma vie.

 

On m’avait changé de lycée car je me faisais frapper par les racailles de ma classe à cause de ma différence, j’étais le fou du lycée, le fou du roi, la petite bête inoffensive dont on peut se moquer sans se préoccuper des répercussions que cela pouvait avoir. J’avais pas pu me défendre ni même contester auprès de mes parents, j’en avait pas la force ou le courage. Et je me retrouve dans ce nouveau lycée à connaître personne, sans amis, sans attaches. Encore une fois la pendaison semblait être une solution, mais au long terme plus j’y pensais plus ma gorge se serrait. Je resterais le Damien sans couilles que j’ai toujours été. J’avais déjà aussi essayé la scarification, mais ça marche mal, ça ne fait pas perdre assez de sang pour que l’on meurt. Une fois sous la douche j’avais écrit suicide sur ma cuisse avec une lame de rasoir.

 

Le soleil brillait au-dessus de moi, mais je le voyais pas. Pourtant le premier jour de ma rentrée dans le nouveau lycée, je l’ai vu, Ambre, cette fille lunaire. Avec ses traits harmonieux néanmoins parsemés de quelques piercings. Si ça n’avait pas été elle, j’aurais dit que c’était la gothique de service. Mais là, c’était tout autre chose, ce regard et j’insiste, ce regard qui venait vous chercher du fond de vos tripes, ce regard m’a rassuré, comme si la lourdeur du soleil s’apaisait. S’apaisait, mais pourtant je ressentais pour la première fois un mal au ventre soudain en la voyant, c’est ce qu’on appelle avoir des papillons dans le ventre je crois. Ses yeux d’eau transperçait mon visage égaré.

 

Ce jour où j’ai survécu, j’ai eu une mauvaise surprise à la sortie de mon nouveau lycée, j’ai croisé mes anciens bourreaux qui me molestaient. J’ai toujours les bleus, sur mon corps, de la dernière descente qu’ils ont fait sur moi. D’abord ils m’insultent de pédé, ensuite ils me mettent dans un coin et me frappe, ils frappent fort et sèchement comme si je n’étais rien. J’avais aucunement le courage de répondre à leurs invectives et à leurs coups, j’étais trop faible avec mes soixante kilos tout mouillés, si je ne mettais pas de vêtements qui tiennent au corps je flotterais dans mes habits. Alors que j’étais au sol, seul et esseulé, elle est venu les interrompre, Ambre, avec son fort caractère et surtout son style qui avait tendance à effrayer les autres, ils me lâchaient. Elle venait me relever, me demandait si j’allais bien, je répondis que oui. Elle me dit qu’elle s’appelait Ambre, et c’est comme ça que je l’ai connu. En réalité, les coups de pieds avait certainement rouvert les plaies que j’avais à la cuisse, et des bleus supplémentaires venaient s’ajouter à ceux que j’avais déjà sur le corps. De ses doigts, elle balayait le sang que j’avais sur la lèvre, puis je la regardait enfin. Ses yeux d’eau étaient rassurant d’un seul coup. Ambre elle est comme ça. On ne m’avait jamais touché avec autant de douceur. Plus tard on reparlait de ce moment, elle m’a dit que c’est parce qu’elle ne voulait pas rester sans rien faire, et qu’elle aimait pas violence.

 

Elle ne dit rien de plus et s’en alla rejoindre sa bande d’amis. Dans la bande il y avait Mickaël, il est sympa, c’est le frère de Magalie qui était encore plus gothique que tout le reste du groupe, elle écrivait des textes en l’honneur de le mort. Elle tenait un blog sur lequel elle postait ses écrits, les gens commentaient, donnaient des pistes de réflexion et d’amélioration. Il y avait aussi Hayden, qui quant à lui était un musicien, un vrai mélomane. Avec leur style bien à eux, à cheval sur le gothique, le punk et l’emo, on avait du mal à comprendre qui était une fille et qui était un garçon. Ils avaient tous la même coupe de cheveux, les mêmes vêtements noirs avec pleins d’accessoires divers et variés.

 

J’étais estomaqué, elle ne me demandait rien en retour alors qu’elle venait de me sauver d’une bande entière de mecs bien sûrs d’eux. Mais je devais rentrer chez moi avant de me faire tuer par mes parents, on allait me demander comment a été la journée dans le nouveau lycée.

 

Je me rappelais une anecdote de l’école primaire. Un de mes camarades se faisait battre de manière très violente par ses parents, les professeurs, le directeur de l’école, personne n’arrivait à prendre le contact avec les parents ou à aider l’enfant. J’avais oublié son prénom. Je ne m’en souvenais plus malgré que cela m’a beaucoup marqué. Pourquoi ? Car un jour, on nous a dit qu’il était mort. Il était mort sous les coups de son père, personne n’avait réussi à l’aider ce pauvre gamin. Lui aussi ne voyait plus le soleil briller au-dessus de lui, mais contrairement à moi il était bel et bien mort, et mon père n’a jamais porté les coups jusque là. Le seul jour où il ne m’a pas frappé c’est le jour où il m’a surpris dans ma chambre avec mon ancien petit copain, qui a déménagé depuis. La simple idée pour lui que je puisse être « une tapette » pourtant, le torturait pas mal. Mais cette fois-ci il avait pas osé, ma mère s’était interposée, avec qui j’ai eu une longue conversation après ça. Surtout que ma schizophrénie n’avait pas aidé à apaiser les choses, je pensais que c’était pour ça que mon père me détestait et me traitait de « tapette ». Dans mes phases de délire je pouvais être effrayé par un rien, et mon physique de femmelette n’aidait guère à le défaire de cette idée. J’ai toujours été moyen, ni trop bien, ni trop mal, j’ai toujours eu des notes correctes à l’école, pas du genre à attirer l’attention d’autrui. C’est ce qui m’a tenu loin des autres aussi longtemps quelque part, en essayant de me confondre dans la masse le naturel ressortait, j’étais différent.

 

Malgré mon ancienne relation avec un garçon, cette fille Ambre, elle agite quelque chose en moi que je n’avais jamais connu. C’était comme une révélation. Pour le moment je me tenais loin de tout le monde comme à mon habitude.

 

La schizophrénie c’est une sacrée maladie. Entre le temps du diagnostic et les symptômes de la maladie qui arrivent ça devient vite insupportable. Entre les crises de manie et les phases de dépression, les délires, à croire que mon père était le Diable en personne, je me serais presque défendu même si j’en avais pas le cran, ou que ma mère avait appeler la police pour me faire arrêter. Ça aussi, ça m’a porté loin des autres, bien plus loin que mes envies suicidaires que j’avais déjà avant la schizophrénie. Il y a un avant et un après. Avant c’est la vie banale, après c’est la maladie.

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LogistiX
Posté le 21/01/2025
Coucou Iris !

La situation de Damien est horrible. Les premières phrases sont choquantes, je ne m'attendais pas à ça quand j'ai ouvert un livre catégorisé "jeune adulte".
Tu arrives à faire passer le sentiment de mal-être, de désespoir, d'une façon vraiment perturbante. Moi qui arrive d'habitude à prendre du recul, je ressors de la lecture de ce chapitre vraiment chamboulé.
Je me suis raccroché au fait que ce n'était qu'un premier jet, et que certaines formulations m'ont un peu sorti de l'histoire. C'était peut-être mieux comme ça ^_^"

Je sais que tu as mis cette œuvre interdite aux -16 ans, mais je ne peux que te recommander de lister les Trigger Warning sur la page de présentation du livre et renforcer ceux de la note en haut de ce chapitre. Car oui, "ce n'est qu'une histoire", mais je ne m'attendais pas quand même pas à ça, malgré l'avertissement.

D'un point de vue édition, certaines phrases peuvent être écourtées pour plus de fluidité, par exemple :
- Elle me dit qu’elle s’appelait Ambre, c’est à ce moment que j’ai appris son prénom." > On sait déjà qu'elle s'appelle Ambre, tu peux juste garder la seconde partie de la phrase.

Bon courage pour la suite !
LX
Iris Arkadi
Posté le 21/01/2025
Merci pour ce commentaire très constructif !

Dans un premier j'espère que malgré le destin très triste tu as réussi à apprécier la lecture et que tu as pu ressentir des émotions, même si elles ne sont pas très positives malheureusement.

Dans un second temps, il est vrai que je n'ai pas assez travailler ce texte, je l'ai un peu sorti dans la précipitation car j'avais très hâte de le sortir.
Très bonne idée pour les triggers warnings d'ailleurs, je n'y avait pas pensé en réalité. Est-ce que tu penses que je devrais changer mon histoire de catégorie ? Car le jeune adulte ressemble le plus à ce que je compte faire, je ne vois pas trop dans quel case la mettre.

Je reconnais également que certaines phrases pourraient être tournées autrement ou être raccourcies, je vais travailler là-dessus :)

Iris
LogistiX
Posté le 21/01/2025
> j'espère que malgré le destin très triste tu as réussi à apprécier la lecture et que tu as pu ressentir des émotions

Oh oui, c'est bien ce qui m'a bouleversé, les mots sont forts, les émotions passent (un peu trop ?) bien.

> il est vrai que je n'ai pas assez travailler ce texte, je l'ai un peu sorti dans la précipitation
Et parfois, il faut que les choses sortent, et leur sortie dans le premier jet peut ne rien avoir en commun avec la réécriture.

Si tu veux faire du jeune adulte, je pense qu'il faudra retravailler le texte pour suggérer plutôt que décrire. Parce qu'avec 20 ans de moins, je pense que ce texte est trop fort pour moi (ça reste mon avis)

Si ta cible est le jeune adulte, je pense que tu peux laisser la catégorie, en ajoutant les TW en plus.

Bon courage,
LX
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