Aube

Quand il entre dans le boudoir, je l’y attend.

Je ressens son mouvement de recul. Dans son ombre floue, ses yeux tout grands ouverts par la surprise croisent les miens. J’aime leur clarté, irisée comme l’aube que je regarde parfois de loin.

— Que faites-vous ici ? demande-t-il.

Il y a un souffle retenu dans sa voix. Dans mes bras, le livre pèse.

— J’ignorais que vous les lisiez, dis-je.

Un mot après l’autre, que je module avec soin. Sur la couverture de l’ouvrage, les lettres d’or brillent, assez fort pour que je puisse les lire.

— Les contes du Désert ? prononce mon gardien en s’avançant d’un pas.

Il n’ose jamais s’approcher trop près. Je le fixe en essayant de distinguer les détails de ses traits. Mon cœur qui pulse dans ma poitrine me fait presque mal.

— Vous les aviez laissés sur la chaise, la nuit dernière.

Une main glacée presse contre ma nuque, de plus en plus fort. L’ombre qui s’agrippe de toute part blesse mes yeux perdus. Il n’y a que les yeux de mon gardien que la nuit fait luire. Cela me rassure.

— Je m’excuse, dit-il au bout d’un moment.

Pourquoi ? Je ne le demande pas et il reste silencieux. Le livre est de plus en plus lourd et la main froide se resserre lentement. Autour de nous, l’obscurité est lourde.

Je sens la tension qui raidit le corps de mon gardien. Il attend quelque chose de moi. Et j’attends quelque chose de lui.

Quoi ?

Le temps s’allonge et ma poitrine brûle. J’attends. Il attend. D’un geste lent, je repose le livre lourd là où je l’ai trouvé. Je sors sans rien dire, mes pensées trop confuses pour tenter de les formuler. Mes pieds trouvent seuls la froideur des marches qui me ramènent dans la sécurité de ma chambre.

Je n’aurais pas dû descendre.

Mais une fois la porte fermée, la présence de mon gardien s’estompe. La solitude s’effondre sur mes épaules.

C’était elle que j’ai voulu fuir. Je me souviens.

Je sais qu’il n’y aura pas de lune cette nuit.

Mes pensées tentent de retrouver des bribes de mots, ceux que j’ai volé aux pages de ce livre de contes, il y a longtemps. Quand mes yeux étaient encore forts et que l’ombre moins grande. J’aimais la danse des lettres sur le parchemin rêche. Je me rappelle aussi qu’il y avait des petits dessins tout autour. Mais ce que disaient ces lettres, ce que montraient ces dessins, je ne sais plus. Maintenant il y a l’ombre et elle a tout englouti.

Si j’avais eu les mots qu’il faut, j’aurais demandé l’aide de mon gardien et ses yeux d’aube.

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Gwenifaere
Posté le 25/03/2021
Oh nooon le pauvre choupi ! Alors je sais ce qu'ils vont faire : Tyeltaran va renoncer au trône en faveur de son frère, ensuite il va prendre Caraghon et Lün et les embarquer avec lui dans son duché où ils pourront lire des contes à Lün. Et où il pourra vivre le grand amour avec Caraghon naturellement (Tyel hein, pas Lün). Une fois par an ils iront passer des petites vacances dans le désert, ça les changera du temps nordique, et hop ! La belle vie.
Non ? ^___^
UnePasseMiroir
Posté le 25/03/2021
Quel programme de rêve 😍 Ils valident tous, et moi aussi j'avoue xD Reste à voir si ce sera applicable, niarkniark.
_HP_
Posté le 21/03/2021
Heyyy !

Du coup, je reste sur une hypothèse que j'avais formulée il y a un petit moment quand même, je pense que Lün est aveugle, ou au moins un peu ^^
J'ai bien aimé ce passage, même si je suis triste que la conversation se soit finie si rapidement... J'espère qu'un jour il osera demander à Caraghon de lui lire quelques contes :p
UnePasseMiroir
Posté le 21/03/2021
Et c'était une bonne hypothèse ;)
C'est vrai que c'est dommage que ça se termine si vite, mais on verra ce que la suite nous réserve (😇)
Natsunokaze
Posté le 20/03/2021
Coucou ^^

J'adore ces petits interlude du point de vue de Lune-chou ^^ Ils me font mal au coeur à chaque fois parce que tu n'as qu'une envie, lui faire un énorme câlin de réconfort mais en même temps, ça nous permet de mieux le cerner, de mieux le connaître et j'aime beaucoup ^^

Par contre, il y a cette phrase qui m'a laissée perplexe :

"— Les contes du Désert ? prononce mon jardin en s’avançant d’un pas."
Son jardin ? Caraghon ressemble à quoi ? Un buisson ? De la pelouse ? Avec des yeux luisants ? xD Je suis sûre qu'il se demande comment il doit le prendre ! Mais maintenant, j'ai l'image d'un buisson avec des yeux et une épée au côté >.> Merci. La sexitude de Caraghon en a pris un coup !

Sinon, je suis un peu déçue que Caraghon se montre à ce point surpris qu'il coupe court au rapprochement que Lune-chou venait d'initier avec lui. Je pense qu'il a dû faire preuve de beaucoup de courages pour oser descendre à l'étage où son buisson (>.>) monte la garde alors qu'il préfère s'isoler en général. Je pense qu'il voulait profiter un peu de la compagnie de Caraghon et ça me fait un peu mal pour lui de voir qu'il se prend un vent terrible xD
J'aurais vraiment aimé que Caraghon comprenne et qu'il lui lise quelques-uns de ses contes qui semblent tout autant compter pour Lune-chou que pour lui. Mais ce sera sans doute pour une autre fois x)

Bref, cette partie est sans doute moins poétiques que les précédents mais je la trouve beaucoup plus touchante parce que Lune-chou s'y montre bien plus vulnérable, dans un sens ^^

Bref ! Hâte de lire la suite, comme d'hab' !

A tout bientôt !

Natsunokaze
UnePasseMiroir
Posté le 20/03/2021
Waw rapide dites donc xD

OH FUCK JE L'AVAIS PAS VUE CELLE LA xDDD Pourquooooi jardin ? Qu'est-ce qui s'est passé ? xD
Bon ben l'image de Caraghon en buisson est imprimé dans ma mémoire à jamais... RIP.
Je corrige cette horreur tout de suite xD

Alors pour la défense de Cara, Lün est tellement inexpressif et taciturne que c'est pas facile de comprendre ce qu'il veut. Et puis comme d'habitude Lün le fuit, le fait de le voir là le surprend... Bref il est un peu perdu, et au final c'est lui qui se prend un vent vu que Lün se barre sans explication xD

Oui cette partie-là est différente des autres, on rentre un peu plus dans le concret je dirais x)
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