Deux hommes chevauchaient tranquillement dans la nuit claire et tiède. Leurs longues capes descendaient jusqu’à leurs étriers, laissant deviner des membres musculeux, dont le tissu prenait la forme. La fraîcheur étant inconnue dans ce pays, même les heures nocturnes n’offraient pas de répit après la chaleur du jour. Les étoiles brillaient de tout leur éclat, donnant aux ténèbres une douceur rassurante. Dans ce silence de mort, seuls les pas des chevaux sur la terre aride trahissaient la présence de vie humaine. Enroulés dans des turbans, les visages des cavaliers ne laissaient deviner qu’une paire d’yeux, l’une aussi noire que la robe de leurs chevaux, l’autre aussi bleue que le ciel à midi. Leur silhouette se détachaient à peine de l’obscurité, mais laissait paraître deux grandes statures, chacune plus impressionnante que l’autre. Cependant, il était facile de deviner lequel des deux dominaient l’expédition, aux regards en coin que lançait l’un des cavaliers, interrogateur. Sans une intention pour son compagnon, l’autre continuait patiemment sa route, scrutant l’horizon. De temps en temps, une brise soufflant de l’ouest emportait avec elle la poussière et le sable, s’infiltrant dans tous les interstices des tuniques. La plaine s’étendait à perte de vue, ne laissant voir rien d’autre qu’une terre sèche et ses quelques arbustes. Pourtant, l’homme aux yeux noirs arrêta finalement sa monture, enjoignant l’autre à l’imiter. Il descendit doucement, contrôlant chacun de ses gestes, tandis que son cœur battait à tout rompre. Il s’approcha d’une cavité, invisible dans ce noir d’encre pour des yeux ordinaires. D’un signe de la main, il incita son complice à lui tendre une corde, qu’il déroula jusqu’à ce qu’il ne lui en reste que l’extrémité. L’homme aux yeux bleus la prit d’un geste fébrile, attendant que son supérieur se poste bien pour entamer sa descente. La confiance absolue qu’il vouait à son compagnon l’empêchait de fuir cette atmosphère étrange et lugubre, régnant dans la nuit. Et puisque jamais cette confiance n’avait été trahie, il s'efforça de cesser ses tremblements.
De la besace accrochée à son cheval, l’homme tira une torche, qu’il éclaira d’un craquement d’allumette. Précautionneusement, il s’accrocha d’une main à la corde, et positionna ses pieds contre les murs de la cavité, paré pour démarrer l’opération. Bientôt, il fut enseveli dans les ténèbres de ce mystérieux trou, camouflé des regards nocturnes. La peur et l’excitation lui tenaillaient l’estomac, mais la soif de découvertes le poussait toujours à aller au-delà de ses craintes. Tandis que sa main droite s’accrochait à la corde, l’irritant toujours un peu plus, celle de gauche tenait fermement la torche, répandant un halo de lumière au fond de cette noirceur. Son compagnon à la surface se tenait allongé, agrippant l’attache de ses deux poings et attendant le signal où il devrait faire remonter son supérieur. Leurs mains moites peinaient de plus en plus à tenir la texture rêche de la corde. L’homme aux yeux noirs devait déjà être à dix mètres sous terre. Il observait attentivement chaque recoin de la façade, ensevelie sous une couche épaisse de saleté. Sa respiration se faisait toujours un peu plus difficile, à mesure qu’il descendait dans les profondeurs de la terre. Toutes les particules de ce milieu, il les inhalait, mettant ses poumons à rude épreuve. Abandonné au milieu de nulle part, ce puits n’avait certainement pas servi depuis des siècles. Pourtant, contre tout attente, son importance dépassait les barrières de l’imagination humaine. Depuis combien de temps maintenant descendait-il ? Le temps semblait s’échapper, sans que sa conscience ne puisse le suivre. En tout cas, la fatigue se faisait ressentir, et son corps éprouvé ne pourrait pas se battre encore longtemps. Repoussant ses limites, l’homme effectua encore quelques mètres, avant de se laisser glisser sur le restant du lien. Arrivé au fond du puits, où ne coulait plus une goutte d’eau, il jaugea la hauteur des parois. Les étoiles clignaient de mille feux tout là-haut, dans ce ciel clair et pur. Vingt toises environ. Était-il possible qu’il ait mis si longtemps à effectuer la descente ? Revenant au sol, il s’abaissa, dans un déroulement infini de colonne vertébrale. Sa haute taille était loin d’être l’idéal pour une pareille entreprise, mais lui seul était capable de comprendre le sens de ce mystère. Accroupi, il examina attentivement les murs, passant sa torche dans les moindres recoins. Il s’arrêta sur un petit trou, presque au ras du sol. À première vue, il semblait bien insignifiant. Pourtant, en passant son long doigt devant, l’aventurier sentit un souffle d'air, ce qui paraissait bien déconcertant étant donné la profondeur. Comment ce courant pouvait bien venir d’ici ? Certainement que l’avenir révèlerai cette énigme en temps voulu. Non, cette anomalie n’était pas ce qu’il était venu chercher cette nuit. Continuant son observation, ses yeux perçants scrutaient la façade, espérant de tout son être rencontrer l’ultime vérité. L’espace était si étroit, qu’il devait déjà être tombé sur cet indice. Le doute le gagnait tandis qu’il passait et repassait la lumière sur ces murs. Il n’avait pas pu se tromper, il n’en avait tout simplement pas le droit. Inspirant profondément, fermant ses yeux vifs, il se força à reprendre espoir. Son instinct l’avait mené dans une multitude d’endroits, sans que ses précédentes expéditions ne portent les fruits escomptés. Mais aujourd’hui tout s’était réuni pour le guider à l’intérieur de cette cavité. Il suffisait qu’il se laissât faire. L'expérience lui avait montré qu'il pouvait se fier à son subconscient. Et cet instant ne ferait pas exception à la règle. Il prit du recul - dans la mesure où il était possible de le faire dans cet espace restreint - plutôt que de se rapprocher sans cesse. Finalement, une tâche blanc cassé se détachait de l’uniformité de la pierre. Epoussetant du bout des doigts la surface en question, il sentit des sinuosités, laissant deviner des lettres gravées. Plissant les yeux afin de mieux déchiffrer, l’homme comprit la langue qui était écrite sur ce mur, datant d’une époque indéterminée, mais certainement bien trop lointaine pour être en accord avec le présent. Comment cela pouvait-il être possible ? Le mur était trop ancien : comment ce puits, abandonné depuis des siècles, pouvait-il contenir un message en langue moderne ? Sages, mais animés d’une curiosité nouvelle, les yeux noirs de l’homme brillaient d’un nouvel éclat. Ainsi, il venait de découvrir des mots, l’ayant attendu ici depuis des lustres, conçus pour que lui, et les autres de ses contemporains puissent en comprendre le sens. Enregistrant chacun de ses signes, il tira trois coups sur la corde. Son compagnon à l’extérieur le hissa de toutes ses forces à la surface. Tout en se relevant, les hommes reprirent leur souffle, se débarrassant de toute la poussière de leurs habits. Puis, la noirceur des yeux de l’aventurier se plongea dans le regard bleu de son compagnon, maîtrisant jusqu’au bout sa patience, et déclara : - Ce sera ici.
"L'infortuné bédouin douin douin..." Tu connais ? ( Page je ne sais plus combien du Hodari)
Les hommes enveloppés de la tête aux pieds avec seulement le regard qui brille dans la nuit...
Nous emmènes -tu vers de vastes plaines désertiques où le scorpion est roi ? Où le cadavre de quelques vaches imprudentes avertissent les trop téméraires aventuriers ?
Que de mystères sous ta plume...
Je ne sais pas ce qu'il faut se demander...
Que mijotent-ils ou que mijotes-tu ?
Le mystère de ces deux cavaliers ne sera révélé que beaucoup plus tard ! Merci pour votre commentaire en tout cas !
Tu ne nous dis pas tout, bien sur, mais ce que tu nous dis est suffisant pour eveiller toute notre curiosite !
La facon dont tu conclus est aussi tres bien trouvee. Quelque chose d'essentiel a ete trouve, et une decision prise en consequence. Tres bon rythme.
Petits details au fil de la lecture :
il se décida à cesser ses tremblements. > Trembler, c'est une reaction involontaire, dont pas quelque chose qui depende de la volonte ou d'une decision. Peut-etre plutot : 'il s'efforca de cesser de trembler' ou 'il reussit a maitriser ses tremblements'?
contre tout attente, son importance dépassait les barrières de l’imagination humaine. > tres bien dit! Evocateur et mysterieux...
l’aventurier sentit de l’air passé > sentit un souffle d'air?
Son instinct l’avait guidé dans une multitude d’endroits, n’ayant jamais porté de fruits. > ... sans que ses precedentes expeditions aient porte les fruits qu'il esperait?
Son subconscient le guidait la plupart du temps, avec succès d’autant plus. > L'experience lui avait souvent montre qu'il pouvait se laisser guider par son subconscient ?
l’homme comprit la langue qui était écrite sur ce mur, datant d’une époque indéterminée, mais certainement bien trop lointaine pour être en accord avec le présent. > petite ambiguite : est-ce la langue qui est encienne, ou le mur? On comprend ensuite que la langue est moderne. Peut-etre clarifier, quelque chose comme : Le mur etait ancien. Il datait d'une periode interminee, trop lointaine pour etre en accord avec la langue utilisee pour ecrire ce message ?
SageS, mais animéS d’une curiosité nouvelle, les yeux noirs de l’homme brillaient d’un nouvel éclat.
Bravo pour ce chapitre prometteur qui nous introduit dans un monde fascinant et nous donne envie d'en savoir plus!
Merci beaucoup pour vos commentaires très précieux, je vais effectivement corriger ces erreurs !
Les précédentes expéditions n’avaient pas connu de succès, vous le découvrirez au fil de l’histoire ! Cet homme a des dons particuliers, et donc un certain instinct.