Bêtes de scène et planches en feu

Par Bleiz
Notes de l’auteur : Bonjour ! Ce chapitre est un peu plus long que d'habitude, dites moi si vous trouvez que cela gêne. Bonne lecture !

15 Décembre : L’opération s’est déroulée moins bien que je l’espérais, mais mieux que ce que je craignais. Pas sûre qu’on puisse qualifier ça de succès, cependant. Je suis même plutôt certaine que nous sommes en présence d’un semi-échec.

Tristan est ravi, lui. Au moins, l’un de nous deux a passé un bon moment. Je suppose que c’est déjà ça. Mais laissez-moi vous décrire la scène par le menu :

« Tu es trop loin. Va t’asseoir sur ce banc, on verra mieux… non pas celui-là, l’autre ! On serait complètement à découvert, à cet endroit !

-Si tu n’es pas contente, tu n’avais qu’à te déplacer ! »

Comme vous pouvez le constater, Tristan s’apprêtait à s’installer. Hélas, tout bon corbeau et écrivain qu’il était, ce pauvre garçon faisait un abominable stratège. Sur un champ-de-bataille, il se serait pris un boulet de canon avant même d’apercevoir les lignes ennemies. Oui, achevé par un accident de canon de son camp ! C’est le genre de sort qui lui attend s’il continue à ne pas m’écouter ! De ses piteuses tentatives à la discrétion jusqu’à ses commentaires venimeux, rien n’allait. C’est pour ça, que je décidais, dans mon immense magnanimité, de lui répondre avec seulement une once de mépris :

« Oh, tais-toi Tristan. Je sais que tu es content de pouvoir assister…

-À ton nouveau mensonge ? Je ne devrais pas être ici. C’est mal. »

-La ferme ! » 

Ce gratte-papier savait me taper sur les nerfs comme personne. Je m’apprêtais à me lancer dans une diatribe dont il se rappellerait jusque dans la tombe quand la voix de mon père retentit depuis le bas des escaliers :

« Ingrid, qu’est-ce que tu fabriques encore ?

-Rien, papa, enfin ! C’est pas mon genre. Tu as besoin de quelque chose ? Non, parce que je suis un tantinet occupée là… 

-Oh, pas grand-chose. Je voulais juste te prévenir qu’on mangeait des tacos, ce midi. »

Je patientais un peu, histoire de m’assurer que les marches avaient bien grincé sept fois et qu’il n’y avait ainsi plus personne dans l’escalier, avant d’oser retourner à mon téléphone et de lancer à mon acolyte :

« Contente-toi de t’installer là où je t’ai dit et positionne le téléphone… Parfait. »

Les préparatifs étaient presque terminés. Notre écrivaillon se tenait en retrait, assis. Et moi, par le biais de sa caméra, je voyais tout. La technologie, quelle merveille !

Je vérifiais l’heure : à peine une dizaine de minutes avant que Baptiste Payen n’arrive. Je soufflais :

« Tristan, ils en sont où ? Je ne vois pas bien, je crois que l’équipe est hors champ. »

Il tourna l’écran. Tout à coup apparut l’arbre au centre de mon plan. Les deux assistants, engagés et rémunérés par Charlotte, stabilisaient un escabeau. Germaine l’escalada et finit par se loger entre deux branches. Perchée comme un rossignol senior en bas de contention, elle trainait le regard vers l’entrée du parc, guettant sa proie. Tandis qu’on remballait le marchepied, Tristan demanda :

« Tu n’as pas peur que ça remonte jusqu’à toi ? Les gens vont avoir du mal à te faire confiance, s’ils apprennent que tu pièges tes héros pur qu’ils acceptent de travailler pour toi…

-Allons, tu me connais mieux que ça ! Marchand s’est chargée de tout. Son père lui a peut-être donné deux, trois conseils, également… Impossible que quelqu’un fasse le lien.

-Waouh, ok, » fit Tristan avec un satisfaisant degré d’admiration.

Il se tut un moment, trop bref, avant d’ajouter :

« Tu lui fais vraiment confiance.

-À qui, Marchand ? Pff, bien sûr, c’est mon associée. Redresse ton bras, je vois rien. »

Il s’exécuta en répliquant :

« Mauvais pour les affaires, de mentir à ses partenaires de travail…

-Quel boute-en-train tu fais ! » m’exclamais-je en levant les yeux au ciel.

Pourquoi fallait-il constamment qu’il fourre son nez partout ? Il pouvait pas se mêler de ses oignons, pour une fois. Ses maudites piqûres de rappel étaient par trop agaçantes. Comme si mes cachotteries par rapport à Charlotte ne me tourmentaient pas assez ! Néanmoins, malgré ses sermons, il m’aidait. Rien que pour ça, je me contentais de grincer des dents quand il s’écria :

« Hé, je te rappelle que je te rends un service, Ingrid. Tu pourrais au moins être polie, à défaut d’être sympa !

-Bah. C’est comme ça que tu me préfères. 

-Mouais, je suis pas certain qu’il y ait une version de toi que je préfère. En vérité, je…

-Il arrive ! »

En effet, je voyais une silhouette s’avancer dans le coin de mon écran. Ce ne pouvait être que lui. Nous -c’est-à-dire Charlotte, son équipe de comédiens et moi- avions fait en sorte qu’aucun intrus n’interrompe la scène qui allait se dérouler. Je me frottais les mains, trépignant d’excitation, lorsque brusquement l’image se troubla. Je bondis de ma chaise. Pas des problèmes techniques, pas maintenant !

« Tristan, qu’est-ce que tu fabriques ?

-Je, je sais pas… » balbutia-t-il, la caméra toujours agitée de sursauts. « Je crois que je stresse. J’ai chaud, mes mains tremblent…

-J’ai vu ça, oui ! Reprends-toi, bon sang, tu vas nous faire repérer ! »

Ah là là, c’est ma faute. Je n’aurais jamais dû lui faire confiance. Je savais qu’il n’avait pas les nerfs suffisamment solides pour ce genre de mission.  La simple mention de mon plan l’avait plongé dans une terrible angoisse existentielle, évidemment qu’il allait paniquer le moment venu ! Ma foi dans l’humanité me portera à ma perte, lecteurs. Voyez comment ma bonté d’âme, car oui, c’était par pure gentillesse que je l’ai invité, me perdra.

« À l’aide, au secours ! S’il vous plaît, quelqu’un ! »

Pendant que je tentais vainement d’apaiser Tristan, Germaine avait pris les devants et s’était lancée. Comme par miracle, ses braillements parurent réveiller mon acolyte. La caméra se stabilisa et enfin, l’esprit tranquille, je pus récupérer de sous mon bureau le paquet de popcorn que j’avais caché là. 

« Que le spectacle commence ! » sifflotais-je en enfournant une première poignée de friandises dans ma bouche.

Criant de plus belle, Germaine s’agitait sur sa branche qui commençait à ployer dangereusement. Je n’eus même pas le temps de m’inquiéter : Baptiste accourrait. Voilà un héros comme je les aime ! Un Chevalier qui n’hésite pas une seule seconde à porter secours à son prochain, c’est un spectacle qui vous met du baume au cœur.

Il fut bientôt sous l’arbre et entreprit d’aider notre pauvre grand-mère haut perchée à revenir sur la terre ferme. Avec une lenteur affectée, elle porta une main à son front, battit des cils et se laissa tomber à la renverse. Hollywood ne savait pas ce qu’ils manquaient. Baptiste la réceptionna, lui parlant avec lenteur, aussi doucement que possible pour ne pas la brusquer. Enfin, ça, c’est ce que j’imaginais. Nous étions hélas trop loin pour saisir ce qu’ils se disaient. J’essayais d’attirer l’attention de mon complice en soufflant des 

« Tristan ! Tristaaaaan ! » Rien à faire. Il était complètement captivé par le sauvetage de Germaine et, à ce moment, perdu pour moi.

Toutefois, si Baptiste Payen ne parlait pas fort, la voix de Germaine, elle, s’entendait à merveille :

« Merci, jeune homme, merci mille fois. » Elle s’accrochait à son bras avec tant de force que je craignais qu’elle ne le lui arrache. « Vous êtes un héros ! »

Et c’est là que mon plan infaillible, faillit. Même avec la distance, même à travers la vidéo, je pouvais voir le visage de mon Chevalier se décomposer. Son sourire rassurant tomba aussi sûrement que si une pluie de briques lui était tombée sur la tête. Un seul mot, choisi par mes soins pour le faire réagir, avait tout ruiné. Ah ça, pour le faire réagir, il avait réagi ! Je n’avais pas manqué mon coup !

C’est sans surprise que, une fois certain que notre actrice allait bien, je regardais Baptiste Payen prendre la fuite. Littéralement. Il prit ses jambes à son cou.

Voici donc le triste résumé de notre mission. Pas vraiment un échec, mais pas une franche réussite non plus… Je passais vingt bonnes minutes à hurler ma frustration dans mon oreiller. Je dus aussi mettre mon téléphone en mode silencieux ; Tristan me bombardait de messages. Pas pour me raconter des trucs intéressants, en plus, non, bien sûr que non. Il m’envoie des messages pour partager son admiration envers Baptiste ! Comme si j’avais besoin de ça. Mais oui, Tristan, moi aussi je sais qu’il est formidable, courageux et sympathique ! C’est mon héros ! C’est la raison même pour laquelle je veux le recruter !

Allez, tout n’est pas perdu. Dans deux jours, Charlotte lancera le deuxième scénario-piège. Il faut juste que je tienne deux jours.

 

16 Décembre : J’ai craqué. Je ne pouvais pas attendre aussi longtemps, il fallait que j’agisse ! Donc j’ai téléphoné à Baptiste Payen. Enfin, j’ai essayé. Il ne répond à aucun de mes appels, l’animal ! Là, j’écris parce que la sonnerie de mon téléphone résonne dans le vide depuis trois interminables minutes. Je suis tentée de demander à Tristan de l’appeler à son tour. Ou alors Charlotte, pour qu’elle lui envoie des messages jusqu’à ce qu’il me réponde ? Non, ce serait trop.

« Allô ? »

Miracle ! Je plongeais sur mon lit et attrapais mon téléphone.

« Baptiste Payen, quelle joie d’enfin pouvoir te contacter ! Encore un appel manqué et j’aurais cru que tu m’évitais.

-J’ai répondu pour te prévenir que j’allais bloquer ton numéro. Mon forfait n’est pas là pour que je me fasse harceler par une gamine. »

Je ris sous cape. Oh, ce n’est pas que je croyais que je ne l’ennuyais pas. Toutefois, il pouvait dire ce qu’il voulait, ç’avait fonctionné. Je vous l’ai dit et je vous le répète, lecteurs : le harcèlement, il y a que ça qui marche. Cependant, je ne comptais pas laisser passer l’insulte. 

« Ohlala, toujours cette condescendance ! Tout ça parce que je suis plus jeune, » m’exclamais-je dans un soupir. « Pourtant, comme disait l’autre, aux âmes bien nées…

-La valeur n’attend point le nombre des années. Je suis étonné que tu connaisses cette citation.

-Qu’est-ce que tu veux, je suis un génie. Ce genre de connaissance est normale pour moi. »

Ceci est complètement faux. C’est Tristan qui m’a rebattu les oreilles avec ses pièces de théâtre et, à force, je les ai retenues. Il me traumatise quotidiennement, que voulez-vous. Je préférais donc changer de sujet :

« Je connais plus de choses que tu ne crois, Baptiste. Par exemple, je sais que tu t’es comporté héroïquement, hier…

-Que ? Comment es-tu au courant ? » aboya-t-il.

-Quand vas-tu comprendre qui je suis vraiment ? La Pythie, la seule et l’unique. J’ai de grands pouvoirs. »

Une fois encore, ce n’était pas techniquement un mensonge : mon premier pouvoir pourrait être assimilé à ma bosse des maths ; le second, à ma fortune. Et je ne parle pas de la chance indécente qui m’accompagne depuis le début de mon entreprise ! Disons que c’est mon petit côté Batman.

« L’important dans tout ça, » repris-je en jouant une branche de mes lunettes, « c’est que tu réalises qui tu es vraiment, ta nature profonde… Il ne sert à rien de te voiler la face. Tu nous fais juste perdre du temps, à tous les deux.

-Écoute, petite…

-Petite ! »

Je m’étais résolue à être patiente, mais c’en était trop. Je n’avais été que politesse et gentillesse depuis le début de notre conversation et lui, il persistait à vouloir me mépriser. Je me forçais à desserrer les mâchoires. Personne ne me comprenait. Ni Froitaut, ni Tristan, ni Charlotte, ni lui. Qu’à cela ne tienne : j’allais leur apprendre à m’entendre et à me voir.

« Tu ne comprends vraiment rien. Dans un monde d’aveugles, je suis la seule qui voit, et tu ne fais pas exception à la règle. Vous tâtonnez dans le noir, en vous raccrochant à des notions abstraites qui vous rassurent. La liberté, la possibilité de tracer sa propre voie, ce ne sont que des illusions ! Moi, je te le dis : le Destin existe, je te le pointe du doigt, un fil rouge qui brûle dans ton obscurité et toi, tu t’obstines ? Es-tu bien sûr, de qui est l’enfant de nous deux ? »

J’inspirais profondément. J’allais le perdre, à m’énerver ainsi. L’effrayer, pourquoi pas, mais le faire fuir, ça non. Je m’éclaircis la gorge et repris, en prenant soin d’articuler lentement et de ne pas hausser le ton :

« C’est une chance incroyable que tu as là, Baptiste. L’occasion de changer la face du monde, de changer de vie.

-Qui te dit que je n’aime pas ma vie ? »

Sa voix était calme, hormis pour un léger trémolo à la fin de sa phrase. Bon signe.

« Personne, bien sûr. Toutefois, on veut toujours plus. N’as-tu jamais rêvé d’accomplir quelque chose de plus grand que toi ? Moi oui. » Je fis une pause, le temps que mes mots pénètrent dans son esprit et fassent vaciller ses certitudes. « Tu n’es pas aussi bête que tu voudrais me faire croire : tu as pleinement conscience de ce dont tu es capable. Tu préfèreras fermer les yeux… Je comprends, je t’assure.

-J’ai du mal à te croire…

-Je sais. Écoute, je ne te demande pas de prendre une décision immédiatement. Nous avons encore un peu de temps devant nous. Mais bientôt, la Quête commencera. Mes efforts seuls pour repousser la catastrophe qui nous attend ne seront pas suffisants. Et sans toi, je sais que ce sera un échec.

-Bon sang, c’est quoi cette catastrophe don tu parles ? Qu’est-ce qui va se passer si je ne participe à ta Quête ? »

Je l’ignorais.

« N’es-tu pas prêt à sacrifier quelques mois et un peu d’énergie, pour sauver le futur de plusieurs milliers de personnes ? Qu’est-ce que ça te coûterait, au fond ? 

-J’ai l’impression de faire un pacte avec le Diable, » souffla Baptiste d’une voix étranglée.

« N’exagérons rien. Promets-moi de réfléchir à ma proposition ; après tout, tu as bien vu que je ne suis pas la seule à penser que tu es un héros…

-Je vais raccrocher.

-Penses-y, juste ! »

Une sonnerie atone me répondit.

Bon. Hmm. Il se peut que j’ai poussé le bouchon un peu loin. Je ne lui ai pas fait trop peur, j’espère. Non, voyons, je n’ai pratiquement rien dit ! Impossible… n’est-ce pas ?

OK, après réflexion, j’en conclus que j’aie légèrement exagéré. Mais ce n’est rien ! La passion que j’ai mise dans ma tirade l’a forcément convaincu. Au moins, ça l’aura poussé dans la bonne direction. Oui, c’est sûr : j’ai tout simplement suivi mon instinct. Demain, Baptiste m’enverra un message exprimant ses regrets pour avoir douté de moi et sa fraîche motivation pour rejoindre la Quête. Il n’y a aucun problème.

En revanche, Charlotte ne doit jamais apprendre ce que je viens de faire. Jamais !

De toute façon, ce qui est fait est fait. Il ne me reste plus qu’à attendre…

17 Décembre : Cela fait plus de vingt heures et dix-huit minutes que la discussion entre Baptiste Payen et moi a eu lieu et silence radio. Pas de nouvelle de sa part, ni de Tristan, ni de Charlotte. Que se passe-t-il ?! D’ordinaire, pas un jour ne s’écoule sans que quelqu’un ne vienne m’attirer des ennuis. Et aujourd’hui, rien. Ils ne sont pas morts, tout de même ? Non, non. Ils sont probablement occupés… mais à quoi ? Je suis, de loin, la chose la plus intéressante qui leur soit jamais arrivé. Leurs vies doivent être insupportablement mornes sans moi !

J’ai reçu un email de Froitaut, avec des pièces jointes débordant d’exercices d’algèbre et de statistiques. Je crois que je vais faire une indigestion. Comme si j’avais besoin de plus d’expérience en la matière ! Mon professeur est bien gentil, mais il manque d’audace. Il aurait pu me donner une épreuve plus pimentée, un peu de challenge ! Je ne sais pas moi, la Conjecture de Hodge, tiens !

Pardon, lecteurs ? Vous ne savez pas ce que c’est ? Oh, franchement. C’est pourtant un des sept problèmes du Millénaire, faut vous réveiller ! Après, ça relève de la géométrie algébrique. Pour des néophytes, je reconnais que c’est pas de la tarte. Quoi, vous voulez des explications ? Dites-donc, c’est pas marqué Google sur mon front ! Je ne suis pas prof, moi, juste surdouée. Je suis là pour comprendre, pas vous expliquer. Fouillez-donc les limbes d’internet, vous y trouverez autant d’informations qu’il vous plaira.

Ohlala, je m’éloigne du sujet. Bah, ça n’a pas grande importance ; ce n’est pas comme si on m’avait contacté pendant que je gribouillais sur ce journal. Car oui, lecteurs, aujourd’hui est un jour sombre : on m’a abandonnée ! Mon associée est perdue je-ne-sais-où, mon ancien ennemi doit s’être noyé dans un livre et ma famille m’ignore. Certes, mes parents sont au travail et mon frère au lycée, et alors ? Je ne devrais pas être ainsi seule ! Je suis la grande Pythie, devineresse aux pouvoirs surnaturels et je mérite toute l’attention et l’affection de mes pro-

Mon père est revenu, apparemment il y avait une urgence au travail. Il m’a ramené des cookies et à présent, on va regarder des films ensemble. Enfin, on me traite convenablement ! Et enfin, après, je devrais me mettre au travail. Ces fiches ne sont pas trop difficiles mais les remplir va prendre un certain temps. Ça me donnerait presqu’envie de retourner au collège.

Espérons que demain soit plus excitant !

 

18 Décembre : À quoi bon se rapprocher du garçon qui m’a menacé d’avouer la vérité au monde entier quant à mon don, si ce dernier ne souhaite même pas m’aider à profiter des résultats de mes machinations géniales ? On ne peut compter sur personne, de nos jours.

Tristan a refusé de filmer la deuxième scène prévue pour cet après-midi. Vous y croyez, vous ? Pourtant, j’ai vraiment essayé de le convaincre, mais il n’a rien voulu entendre. Je savais que je ne pouvais pas compter sur ce maudit corbeau ! 

Bah, ce n’est pas très grave, au fond. Je ne place pas de grands espoirs sur cet évènement seul. Pour être honnête, je crains que si mon coup de fil ne l’a pas persuadé que mon choix était le bon, rien ne le fera. Cela m’angoisse terriblement. S’il ne rejoint pas mon équipe de héros, je devrais partir à la recherche d’un nouvel Chevalier. Or, je sais pertinemment que je n’en retrouverai pas ! Pas des comme lui, en tout cas ! Il est le Chevalier que j’imaginais ; impossible que j’en retrouve un d’aussi bonne qualité en aussi peu de temps… car en effet, le temps presse ! Ma Quête reste vivante dans l’esprit parce que, régulièrement, un héros apparaît, ou alors la nouvelle d’une de mes prédictions se retrouve dans les journaux. Mais là ! Moi, je commence à en avoir ras-le-bol des potentiels membres qui me font courir après eux ou veulent négocier ! C’est l’opportunité d’une vie, bon sang de bois, ça devrait prendre le pas sur toutes les peurs qu’ils pourraient avoir. Vraiment, parfois,  je me demande si je suis une veinarde ou si j’ai la poisse. Urgh. Quelle vie !

Au moins, Charlotte a promis qu’elle m’enverrait un message me racontant comment ça s’est passé.

 

19 Décembre : Noël approche à grands pas. J’ai réalisé ça en me baladant avec Tristan, ce matin. Selon lui, je ne prends pas assez l’air. Il veut que je « m’oxygène ». Sur le coup, je n’ai rien dit car visiblement, ça partait d’une bonne intention. Mais entendre ça de la part de ce rat de bibliothèque… je l’ai jamais vu courir le marathon de Paris ou passer ses weekends dans le bois, hein. L’hôpital qui se moque de la charité. Mais je m’éloigne.

Les vitrines des boutiques étaient pleines à craquer de jouets pailletés, de calendriers débordant de chocolats, des livres aux couvertures colorées… Tristan m’avait forcé à rester dix bonnes minutes à côté de lui pendant qu’il dévorait des yeux un set de calligraphie. Aucune considération, je mourrais de froid ! Ça m’a au moins donné une idée de quoi lui offrir pour les fêtes.

Vous vous demandez sans doute comment s’est déroulé mon piège de la veille ? D’après les comédiens sur place, très bien : je reste dubitative, bien entendu. Ce n’est pas comme s’ils allaient volontairement insulter leur prestation. 

Le scénario était écrit ainsi : alors que Baptiste se promenait, comme à son habitude, il rencontrait un enfant perdu (Comédien n°1) ; il le ramenait donc à sa mère éplorée et en larmes (Comédien n°2). Celle-ci le remerciait alors avec effusion et le petit devait s’exclamer avec candeur quelque chose du style : « Merci, monsieur. Vous êtes trop fort, comme un super-héros ! »

Quoi, j’ai jamais dit que je ferais dans la discrétion. 

Toujours est-il qu’apparemment, au lieu de déchanter et de prendre la poudre d’escampette, il leur aurait souri. Il aurait même pris le temps de s’assurer que tout allait bien avait de repartir, « le visage serein », et je cite le rapport des acteurs ! Excusez-moi, mais il y a mammouth sous gravillon ! Soit j’ai le don d’hypnotiser les gens et je l’ignorais, et mon discours téléphonique a vraiment fonctionné, soit il se doute de quelque chose.

Navrée, mais cette attitude ne me semble pas réaliste. Au lieu d’entendre les trompettes de la victoire, cette affaire résonne plutôt comme les cloches de la défaite.

Peut-être qu’il prépare une contre-attaque ? A-t-il l’intention de me faire mordre la poussière ? Non, pire encore ! Par quelque hasard, il a découvert la vérité et veut tout révéler. Je savais que j’aurais dû être plus subtile avec le texte des acteurs ! S’il a appris que mon don, c’était du flan, je suis fichue. Fi-chue ! Je suis entièrement à blâmer, quelle idée aussi de vouloir de travailler avec des gens honnêtes ! Gemma, mon Barde, si un jour elle apprend, je sais qu’elle ne dira rien. Je soupçonne qu’elle demandera une compensation monétaire, mais à la limite, je préfère. Urgh, cette incertitude me tue, il faut que je découvre s’il sait… C’est décidé, je l’appelle !

« Allez décroche, vas-y, décroche…

-Allô ?

-Baptiste Payen ! Je savais que tu bluffais quand tu disais que tu bloquerais mon numéro. »

Je crois qu’il étouffa un rire. Cela me rassura : ça voulait dire que je ne lui avais pas trop flanqué les chocottes, la dernière fois. Il répondit :

« La petite Pythie. Je me disais bien que tu me recontacterais à un moment ou à un autre. 

-Que veux-tu, on ne s’ennuie jamais avec moi. As-tu reconsidéré mon offre ? »

J’ignorais comment aborder le sujet directement. Je ne pouvais pas vraiment foncer dans le tas et demander s’il savait que mon don prophétique n’était qu’une couverture pour mon cerveau génial. La voix de mon interlocuteur interrompit mes pensées :

« J’y ai réfléchi, oui. Franchement, je ne pensais pas changer d’avis…

-Ça veut dire que tu es partant ?!

-Doucement, j’ai pas dit ça ! Il y a encore trop de choses pas claires… et surtout, je n’ai rien d’un héros. »

Je me laissais retomber dans ma chaise, incapable de retenir le petit sourire de victoire qui étirait mes lèvres.

« Ça, c’est à moi et mes visions d’en juger. OK, Baptiste Payen, j’ai une proposition à te soumettre. Que dirais-tu que nous nous voyions bientôt ? Disons le 23 au soir, vers 20 heures, en face de l’Hôtel de Ville. Là, je te persuaderai que prendre part à la Quête est la meilleure chose que tu puisses faire. Je répondrai à chacune de tes questions. Et après, si malgré tous mes efforts et ma bonne foi, tu refuses toujours… Alors je laisserai tomber.

-Vraiment ? » 

Son ton incrédule me poussa à répondre avec plus d’acidité que je ne l’aurais voulu.

« Vraiment ! Je suis si peu digne de confiance, pour toi ? »

Il esquiva ma question en demandant :

« C’est pas un peu tard, à ton âge ? Mes pères me gardaient constamment à l’œil, quand j’étais petit. Être dehors à la nuit tombée… tes parents t’autorisent à sortir à une heure pareille ?

-Bien sûr que non, ils ne sont pas inconscients. C’est pour ça que je ne vais pas leur demander la permission.

-Oh mon-

-N’oublie pas, 20 heures ! Ne sois pas en retard ! »

Une fois encore, lecteurs, j’ai lancé les dés. Quitte ou double !

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Edouard PArle
Posté le 14/09/2022
Coucou !
Ahah j'adore le manque de finesse des plans de sauvetage d'Ingrid, c'est assez amusant les répliques "vous êtes un héros", comme si ça allait faire changer Baptiste d'avis xD Comme quoi grande intelligence peut être synonyme de naïveté.
La conversation téléphonique avec les menaces d'Ingrid semble bien plus efficace pour lui. Je pense qu'il y aurait moyen d'encore appuyer ce passage, en donnant quelques éléments sur les conséquences désastreuses que pourrait avoir un refus et montrer qu'il est bouleversé en fin d'appel. Ca rendrait son changement d'avis encore plus compréhensible je trouve.
Quoi qu'il en soit, un héros de plus dans l'équipe ! Pressé de voir le prochain...
La longueur ne m'a pas gêné, 4k mots c'est tout à fait correct pour le format de ton histoire (=
C'est sympa que Noël approche, je pense qu'il y a moyen de faire de jolies ambiances lors des prochaines scènes. Et je suis pressé de voir ce que pense la Pythie d'un tel évènement. Je mets une petite pièce sur : une fête stupide où la mortalité double sur les routes, où les gens détruisent tous les efforts alimentaires faits pendant l'année... Enfin, il y a plein de possibilité, je sens que ça va être drôle xD
Mes remarques :
"C’est le genre de sort qui lui attend s’il continue" -> l'attend
"Tout à coup apparut l’arbre" -> tout à coup l'arbre apparut ?
"Voyez comment ma bonté d’âme, car oui, c’était par pure gentillesse que je l’ai invité, me perdra." la tournure est bien mais ça fait bizarre d'avoir voyez et perdra dans la même phrase au niveau de la concordance des temps
"ne savait pas ce qu’ils manquaient." il y a un "ait" et un "aient", il faut mettre les deux pareil
"J’essayais d’attirer l’attention de mon complice en soufflant des" ":" après des ? "Ça me donnerait presqu’envie" -> presque envie
Un plaisir,
A bientôt !
Bleiz
Posté le 14/09/2022
Coucou !
Merci pour les conseils et les corrections :) Tu as raison, je pense que je peux rendre les menaces d'Ingrid encore plus terrifiantes. Quant à Noël... tu verras bien !
À bientôt :)
Benebooks
Posté le 07/08/2022
Salut !
Je n'ai pas ressenti de longueurs, si c'est ce qui t’inquiétait. Il n'y a pas d'infos inutiles et c'est dynamique
A mon avis, le baptiste payen, il a compris que c'était du flan cette histoire de sauvetage XD en même temps c'est un peu sous son nez au gus
A bientôt !
Bleiz
Posté le 09/08/2022
Salut,
Contente que tu trouves ça suffisamment dynamique ! C'est toujours ma crainte. Et oui, Baptiste est un peu plus sensible aux problèmes qu'Ingrid amène à son entourage x)
À bientôt !
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