Le bus s’arrêta au bout de mon allée. Je jetai un dernier regard vers le fond du bus où se trouvaient mes amis. J’aurais tellement aimé que le trajet dure plus longtemps… Mais malheureusement mes parents avaient choisi la maison la plus avantageuse pour eux, pour ma mère plus précisément. Elle aimait tout diriger, elle souhaitait que nous soyons une famille instruite donc elle avait créé une bibliothèque pour nous cultiver. Elle souhaitait faire de moi un homme sportif et intelligent donc elle avait installé une salle de sport à côté de ma chambre et m’ordonnait chaque soir de rentrer le plus vite possible pour faire mes devoirs et réviser mes cours. C’est pour toutes ces raisons que ma maison était à 3 minutes de bus de l’école. Tout était programmé pour que nous soyons vu comme la parfaite petite famille française. Je sortis ma clé de la poche de ma doudoune et l’enfonçai dans la serrure. La porte s’ouvrît et la seconde d’après, la voix stridente de ma mère retentit:
- Billy? C’est toi? Viens, on est dans le salon.
En effet ils étaient tout les deux assis sur l’un des canapés de la pièce. Je détestais la décoration de cette pièce. Elle était trop ancienne à mon goût. La plupart des meubles dataient des années 80 ou 70. Mes parents détestaient la modernité. Un tableau était accroché au mur, c’était le préféré de ma mère. Il représentait une petite fille en train de se regarder dans un miroir. Je crois que son prix tournait autour de cinquante mille euros voir plus. Son peintre n’était pas très connu mais cette peinture était très vieille, encore plus que tout ce qui se trouvait dans la maison. Quant à l’objet le plus moderne, ça devait être mon téléphone qui datait de l’an dernier. C’était Marcus, mon meilleur ami, qui me l’avait offert. Il était encore plus riche que mes parents et en avait eu marre de m’envoyer des lettres pour communiquer en vacances. Mes parents n’étaient pas au courant de ce présent et me l’auraient sûrement pris si ils l’avaient su. La technologie n’était pas un de leurs hobbys mais ils possédaient quand même une télé pour rester « connecté » au monde. Ils étaient justement en train de regarder les informations, ma mère leva la tête dans ma direction et je compris immédiatement qu’elle était énervée. Mon père, lui, ne prit pas la peine de m’accorder un regard, hypnotisé par ce qu’il avait sous les yeux.
- Bonjour, dis-je, vous m’avez appelé.
En plus de détester le mobilier moderne, ma mère détestait aussi le langage courant et m’obligeait à la vouvoyer. Je ne vous explique pas le drame si je lâchais un « merde ». Et si je disais « va te faire foutre sale merde, putain ! » Je pense que son cœur s’arrêterait. Ça surprenait toujours les gens quand il m’entendait parler avec ma mère.
- Oui c’était pour te parler de tes notes. Le fils du voisin, celui qui est dans ta classe, a reçu son bulletin directement au lycée. D’ailleurs tous tes camarades l’ont reçu au lycée. Donc, où est ton bulletin ?
Je détestais le fils du voisin. C’était un gamin qui avait toujours les cheveux gras et qui adorait discuter de longues heures avec les adultes du quartier. Malheureusement, nous étions voisins donc c’était aussi avec mes parents qu’il parlait… Je n’imagine même pas la tête de ma mère quand elle comprit que je lui avais menti. Je m’étais aperçu que mon bulletin n’était pas excellent ce trimestre et j’avais donc affirmé que nous le recevrions par courrier. Peut être que, par je ne sais quelle miracle, ma mère oublierait son existence. C’était sans compter le fils du voisin. Heureusement pour moi j’étais un très bon menteur, sûrement grâce à ces années de sévérité où j’ai dû me débrouiller pour me sortir de quelques situations difficiles avec mes parents. Je pris donc une expression surprise puis je fis comme si j’avais compris et dis d’une voix assurée :
- Oui ! Mon bulletin, je l’ai reçu aujourd’hui. Il y a eu un problème avec le mien et je ne l’ai eu que aujourd’hui. Il est dans mon sac.
Elle fronça encore plus les sourcils.
- Donc pourquoi tu nous as dit qu’ils nous l’enverraient par courrier ?
- Bah je pensais que c’était le cas vu qu’il ne le l’avait pas donné.
Elle ne croyait pas à mon mensonge. Je sortis donc la feuille de papier de mon sac. Quelle bonne idée j’avais eu de la laisser là ! Je jetai un dernier regard sur mes notes. 13 de moyenne générale, je ne volais pas haut, du moins pour ma mère. Elle examina mes appréciations pendant un bon quart d’heure avant de relever la tête vers moi. Ses yeux noirs lançaient des éclairs. Les miens étaient fuyants. Ma mère avait compris que je m’étais bien foutu d’elle. Mon père lui ne m’avait toujours pas accordé une minute d’attention. Au bout de quelques instants, ma mère rompit le silence.
- Tu me déçois énormément. Comment as tu pu me mentir droit dans les yeux… Ce n’est même pas tes notes qui sont la cause de ma colère. Mais c’est le fait que mon propre fils me mente !
Elle porta sa main à son cœur. Je détestais quand elle dramatisait les choses. Elle pensait sûrement que quelqu’un allait sortir du placard pour la consoler, lui dire que j’étais un fils ignoble et qu’elle était une mère parfaite qui m’avait tout sacrifié. J’essayais quand même de prendre un air étonné. Peut-être qu’en jouant l’enfant surpris elle y croirait.
- Comment as-tu pu essayer de me cacher ce papier important pour ton avenir ? Tu te rends compte que ce bulletin est primordial pour être accepté dans une bonne université ?
Toujours dans l’excès …
- Et ne fait pas l’étonné ! Renchérie-t-elle. Jason (le fils du voisin) m’a affirmé que votre prof principal avait donné à TOUS les élèves, y compris toi, leurs bulletins.
Ah mais quel batard…
- Et puis les notes, c’est important quand même ! Tu peux me dire ce que tu as foutu ce trimestre pour avoir 8 en anglais ? Didier, tu peux dire quelque chose à ton fils s’il te plaît.
Mon père leva les yeux de la télévision pour les poser sur ma mère.
- Tu peux fermer ta gueule sale hystérique ? J’essaye d’écouter ce que dit la présentatrice.
Ma mère ouvrit la bouche et les yeux en grand avant de se lever et d’aller dans le couloir. Aux pieds de mon père, se trouvaient quelques bouteilles de bière. L’ivresse devait sûrement être la cause de toute cette vulgarité. Mon père ne buvait pas beaucoup, mais quand il le faisait, la plupart du temps après une mauvaise journée, il ne s’arrêtait que quand il sentait le coma arriver. Je serais bien resté dans le salon un petit moment mais les bruits de pas de ma mère résonnèrent dans l’escalier. Le premier étage m’appartenait complètement. Ma salle de sport, ma salle de bain, mon salon, et surtout MA chambre. Je courus la rejoindre en haut. Elle était en train de balancer mais affaires dans un grand sac poubelle.
- Attendez mais vous n’allez pas jeter mes affaires ! Hurlais-je. C’est bon je n’ai menti qu’une fois dans toute ma vie ! Les gens de mon âge sont parfois dans des gangs ou dans le trafic de drogue sans que leurs parents ne leur disent quoi que ce soit et vous, vous balancez toutes mes affaires juste pour une bêtise de CM2 ?
Elle se retourna et me flanqua la plus grosse gifle de toute ma vie, avant de me hurler dessus.
- Si je te dispute aujourd’hui c’est pour que demain tu ne sois pas un alcoolique insolent comme ton père ! Tu n’as pas à hausser le ton avec moi, je suis ta mère, celle qui t’a donné la vie et qui t’a élevé! Alors même si demain je décide de tuer tous tes amis et de brûler ta chambre, tu continueras à me dire merci pour tous les sacrifices que j’ai fait pour toi.
C’est là que je vis ma mère pour la première fois comme une folle. Pas comme une personne un peu bizarre et spéciale mais vraiment comme une folle. Comme quelqu’un atteinte d’une maladie mentale. Ses yeux étaient remplis de haine et je ne sais même pas si c’était à cause de mon mensonge, des paroles de mon père ou de la folie de ma mère. Son chignon blond platine, qui était si parfait quand je suis arrivé dans le salon, était maintenant complètement défait et quelques mèches tombaient sur ses épaules. Elle me bouscula pour redescendre avec son sac poubelle vers sa chambre. Je l’entendis foutre le bordel dans ses affaires. Je m’allongeais sur le lit, (ça au moins elle ne me l’avait pas enlevé) pour réfléchir à tout ce qui venait de se passer. Est-ce que j’étais vraiment une ordure de lui avoir menti ? Non. J’avais juste voulu passer des vacances en paix. Ce qui aurait été impossible avec ces notes… Des cris dans le salon m’alertèrent et me firent descendre. Apparemment, mère, avait décidé de passer ses nerfs sur mon père. Je ne rentrai pas tout de suite dans le salon, préférant observer la scène de loin. J’avais déjà reçu une gifle, je ne voulais pas en prendre une deuxième. Ma mère avait encore le sac poubelle contenant mes affaires et elle en tenait un autre de l’autre main. Mon père semblait totalement dans les vapes. C’est à ce moment précis que Donut, mon bouledogue, décida de s’aventurer dans le salon, sûrement en quête de caresses. Je le soupçonnait d’être à moitié sourd. Comment pouvait il s’aventurer dans ce chaos auditif sans n’avoir ne serait-ce qu’un frisson de peur. Donut comprit très vite que ce n’était pas le moment et partit s’asseoir sur son coussin. Au moins il n’était pas aveugle… Le bruit de ses griffes sur le carrelage alerta ma mère qui se retourna. Mon père aussi m’adressa un regard que je déchiffrais en une seconde : « par pitié aide moi, ta mère est devenue complètement folle ». Pendant les 16 dernières années, mon père et moi avions créé un langage secret pour lutter contre les folies de ma mère. Je n’ai jamais compris pourquoi il ne l’avait pas quittée, ça peut sembler méchant comme réflexion mais je n’avais jamais vu un couple aussi catastrophique que eux. Ils ne se parlaient qu’en hurlant, mon père avait commencé à boire quand il l’avait rencontré et ma mère, elle, était devenue folle. Ils n’étaient pas violents l’un envers l’autre mais, je sais pas… Ils semblaient presque toxiques à certains moments. Marius pense qu’ils restent ensemble pour l’argent. Tout deux sont riches mais ensemble ils sont extrêmement riches. Ava, une de mes meilleures amies est persuadée qu’il se sont mariés car mes parents commençaient à être vieux et qu’ils étaient clairement désespérés. Ils avaient préféré être mal accompagné que seul. Moi je n’avais pas d’avis. Même après 16 ans de vie commune, j’avais l’impression de vivre avec des inconnus. Mon père arrêta ma mère dans son monologue, où elle assurait qu’elle allait brûler nos affaires si il ne s’excusait pas immédiatement, et monta le son de la télévision. Les gros titres semblaient assez inquiétants pour faire taire ma mère alors je m’approcha quitte à perdre un bras. Le visage de la présentatrice s’afficha juste au dessus d’un texte disant : L’ESPAGNE EN TRAIN DE S’ÉTEINDRE. Ce que dit la dame ne fut pas plus rassurant:
- … Une situation donc très compliquée pour le pays qui semble se faire attaquer, d’après des vidéos postées sur les réseaux sociaux. Les frontières entre le pays et la France ont été fermées et les lignes téléphoniques coupées sur une certaine zone du pays. Alexandra pouvez vous nous en dire un peu plus…
L’image bascula sur une journaliste qui semblait terrifiée. Ses mains tremblaient sur le micro et on entendait des coups de feux derrière elle.
- Euh, oui, une situation assez compliquée. Le gouvernement n’a pas encore parlé publiquement sur le sujet mais… La journaliste marqua une pause pour regarder derrière elle. Mais il semblerait, je sais pas moi, que le pays soit en train de subir une attaque de zombies, les gens deviennent fou et attaque tout le monde. Il y a du sang, HAAA, beaucoup de sang et, là, on entend l’armée qui est, qui essaie, de repousser les… euh…
La journaliste sembla d’un coup horrifiée et bientôt, la communication se coupa. On entendit des cris avant que l’image ne bascule sur la présentatrice. Mon père explosa de rire et elle de rage. Elle commença à pleurer tout en insultant mon père .
- Comment peux tu rire du sort de ces gens ! Hurla t-elle. C’est horrible.
- Calme toi, ça doit être une blague ou un poisson d’avril. On est en Avril non ?
Nous étions au début Janvier ce qui prouvait l’ivresse de mon père. Cette réflexion agaça encore plus ma mère, qui se tourna vers moi les yeux rouges de haine.
- Vous voulez jouer au malin tout les deux ? Demanda-t-elle . Très bien dans ce cas là choisissez. Vous voyez vos affaires, soit je les brûle, soit vous dégagez de MA maison.
Ok, ma mère avait vraiment besoin d’aller chez un psy… En effet je crois que la maison lui appartenait. Elle avait dû s’arranger pour que son nom soit sur tous les papiers. Mon père se replongea dans les informations sans accorder le moindre intérêt aux propos de ma mère. Moi je n’étais pas si détendu.
- Vous n’êtes pas sérieuse mère. Ce sont MES affaires, celles que j’ai payé avec mon argent !
Un fin sourire s’afficha sur son visage.
- Non Billy. C’est mon argent, que je t’ai donné. Donc choisis, sois je brûle sois tu pars.
C’était vraiment une journée de merde. J’avais foiré mon évaluation coefficient 40, Roxane la pote complètement folle de Maria ou Mary, je ne sais plus, nous a collé toute la journée et maintenant on me virait presque de chez moi. Sans oublier que c’était l’apocalypse dans le pays à côté du nôtre. J’arrachais presque le sac poubelle contenant mes affaires à ma mère, pris mon chien sous un bras et sortis mon téléphone de ma poche, sachant que ma mère allait faire un scandale en le voyant. Je composais le numéro de mon meilleur ami pendant que ma mère, encore une fois, me hurlait dessus.
- Que des mensonges ! Mais c’est pas possible d’avoir un fils comme ça ! Comment peux tu ramener un objet électronique qui est sujet à de nombreuses addictions dans ce monde chez moi ? CHEZ TA MÈRE ?
Marius ne répondit pas alors je lui envoyai un message. Je ne pris mes clés en sortant, je ne comptais pas revenir. Marius ne vivait pas avec ses parents. Ils travaillaient souvent à l’étranger, du coup il avait son propre appartement. Un duplex énorme qui comptait environ 5 chambres, chacune avec salle de bain, deux salons, un jacuzzi et plein d’autres choses que les personnes de 50 ans ayant travaillé toute leur vie révéraient d’avoir mais ne pouvaient pas se le permettre. Marius détestait habiter seul. Il invitait tout le temps des gens chez lui mais laissait toujours une chambre de libre au cas où Ava, Maya ou moi aurions eu un problème et ayons du crecher chez lui. C’est ce qui se passa ce soir là . Je ne vous raconte pas la tête qu’il a fait quand je lui ai expliqué le dilemme que m’avait imposé ma mère.