Je vais prendre l'air, je ne suis pas sortie de la journée, je vais courir avec ta musique.
La lune est énoooorme on dirait une montgolfière, et les grenouilles vacarment.
J'adore l'affût auquel se tend dans le temps mon corps lorsque je me promène seule la nuit.
Avec le rayon de la tour Eiffel qui fouille lointaine le ciel en cadence, c'est apocalyptique cet immense disque roux.
Plus les bruits de l'autoroute au loin, je rêverais d'être avec toi.
En gros à l'horizon incurvé du champ en légère montée, il y a sur le fil de cette colline l'autoroute où passent les poids lourds et leur guirlande menaçante de phares rouges, puis le ciel violacé de cette lune de Sauron.
Et la lumière de la lune et si forte qu'elle trace depuis mon dos une ombre allongée sur le chemin de craie comme un Giacometti menaçant prisonnier d'un plan dont il tente de s'extraire.
Et la lune s'élève visiblement bien qu'imperceptiblement poussée vers l'orient par un vent mystérieux, inaudible mais vibrant de moteurs des routes l'enserrant.
Et je cours et croîs sur la crête des vallons d'où s'échappe le bruissement précipité des gibiers mis en fuites.
Mon portable allumé augmente l'angoisse d'être visible comme une fugitive dans ce vide horizontal.
Ça m'fait qu'une demi-heure mais je crois que c'est une vie tant le temps est pétrifié sous cet astre suspendu.
Et même sur la lune les cratères semblent à vif.
Le claquement d'un sabot d'un animal plus gros m'esquivant m'hérissât la nuque, les cervicales en pointes coulent en suée froide. Je m'enfouis dans l'encre noire, courant sous la huée des crapauds hurlant de rires gras et vulgaires. L'impression qu'un tueur mécanique, un couteau dans la mâchoire au nuisant regard orangé pourrait m'attraper si je ne retrouve bientôt la sûreté de la ville.
Je traverse la départementale sur ce pont au dos rond et enfin se mouche au sol l'ombre des arbres portée par l'artificialité de l'urbanité naissante.
Me voici sous la lumière d'un lampadaire clôturant ce roman. Je ne me suis pas encore réadaptée et ici toute réalité me paraît encore plus artificielles, calmes, et statiques. Comme une image, à laquelle seule mes pas en travers elle donnerait matière et trois dimensions.
Oppression.
Je laisse sur mon flanc, s'éloignant, les craquements inquiétants de la plaine et m'enfonce dans cet autre mystère d'asphalte et de pierres.
J'écoute du Baretto pour défroisser le cœur.
Comme pour Sylvia, certaines tournures m'interpellent et donnent un caractère très poétique à l'écrit. J'ai découvert que "vacarmer" était un verbe existant par exemple et j'aime beaucoup le doute qui subsiste sur "je m'enfouis dans l'encre noire". Je m'enfuis, je m'enfouis, les 2 se mêlent. La phrase "je vais courir avec ta musique" aussi me touche. Ce pronom possessif inattendu ajoute une dimension à une phrase pourtant simple. Qui se cache derrière ce "ta".
Quelques coquilles :
- la tour EifFel
- l'autoroute où passeNT les poids lourds et leur guirlande menaçante de phares rouges
- Et la lumière de la lune et si forte qu'elle me trace depuis mon dos une ombre allongée sur le chemin de craie comme un Giacometti menaçant prisonnier d'un plan dont il tente de s'extraire. --> le "me" me parait pléonastique : "si forte qu'elle trace depuis mon dos une ombre". Et j'hésite avec l'emploi de virgule qui faciliterait la lecture ("comme un Giacometti menaçant, prisonnier d'un plan dont il tente de s'extraire) mais tu n'en utilises à aucun moment et ça donne un côté poétique.
- le bruissement précipité des gibiers mise en fuites. --> mis en fuite
- Et même sur la lune les cratères semblent à vifs. --> à vif
- Le claquement d'un sabot d'un animal plus gros m'esquivant m'hérissât la nuque --> pourquoi du passé simple alors que le reste de ton texte est au présent ? et "hérisser" commence par un h aspiré donc j'écrirais "me hérisse".
- un couteau dans la mâchoire aux nuisant regard orangé --> au nuisant regard ou aux nuisant regards
- Je traverse la départementalE
- ici toutes réalités me paraît encore plus artificielles, calmes, et statiques. --> "toute réalité me paraît encore plus artificielle, calme,..." ou "toutes réalités me paraissent encore..." mais je ne suis pas tout à fait sûre de moi sur ce coup-là.
- Comme une image, à laquelle seule mes pas en travers elle, lui donnerait matière --> le "lui" est pléonastique : "comme une image laquelle seule (ou seuls ?) mes pas en (ou à ?) travers elle donnerait matière.
Sur ce, je m'en vais lire le deuxième.
j'ai été prise et aspirée