Il était une fois...
Début de toutes les bonnes histoires, non ? Début de la nôtre. Quelques mots, une phrase, une intervention.
« Il était une fois, dans un château fort lointain...
— Non. Non je ne veux pas la princesse dans la haute tour. Je veux la femme sans jambes, dans les profondeurs de la mer. »
La voix douce, petite, fragile, qu'un souffle percute et brise. Vent d'enfant.
« Tu la connais par cœur, cette histoire. Tu n'en veux pas une autre ? »
Un refus contre une proposition. Catégorique et capricieuse. Une moue boudeuse, un cœur qui cogne. Tap tap. Tap tap. Tap tap.
« Il était une fois... »
Nouveau commencement, voix embêtée, mais rieuse.
« … tout au fond de la mer, une sirène qui rêvait d'avoir des jambes.
— Et elle va rencontrer un homme qu'elle aime ! »
Soupir, un peu d'agacement.
« Oui. Mais si tu me coupes à chaque fois, tu n'iras jamais au lit. C'est ce que tu veux, n'est-ce pas ? »
Sourire canaille, quenottes manquantes. Rire à trous.
« Tu ne m'auras pas comme ça ! Si tu continues j'arrête, et tu vas au lit sans histoire, c'est tout ce que tu auras ».
Joie morte, suppliques. Un cœur qui cogne ? Toc toc. Toc toc. Toc toc. Reprise.
« La petite sirène possédait beaucoup, énormément même, mais rêvait d'aller sur la terre ferme, là où ces êtres que l'on appelait « Hommes », respiraient l'air et marchaient sur des pieds. Bien sûr c'était un concept étrange, pour notre femme poisson, et elle ne connaissait pas la douceur du sol sous sa plante, ni la force de la terre faisant trembler ses jambes.
— Moi non plus, je connais pas. »
Silence. Lourd. Les petites mains potelées sur le béton nourricier. Le regard du conteur vers la moitié d'enfant. Le corps planté dans le bitume. Silence, ça pousse.
« Oui, c'est vrai.
— J'en veux plus, de tes fausses histoires. Moi je veux entendre parler du monde là-dehors.
— Mais, Petite, ça fait partie du monde de « là-dehors ».
— Peut-être, mais c'est du faux « là-dehors », moi je veux des choses qui vivront dans ma tête. Parle-moi des sons, des odeurs, de ce que l'on touche et ce que l'on vit. Parle-moi de ta famille, de ton fils, de ta sœur et du soleil sur vos peaux. Raconte-moi tout ce que je verrai là-bas, plus tard, bientôt ».
Un arc sur les lèvres, la flèche des mots et le cœur qui cogne. Clac clac. Clac clac. Clac clac.
« Tu sais... si je te dis tout, tu verras tout avec les yeux de l'esprit, et le regard de ton cœur sera déçu.
— Tu crois ?
— Je suis sûr. Tout paraît mieux dans sa tête, et on gâche la réalité des expériences. Tu le verras toi-même, tu le vivras toi-même.
— Tu crois que je vais être achetée par une bonne famille ? Qu'on me mettra dans un pot, avec de la terre fraîche et de la bonne eau, pour que je devienne une belle tige ?
— Oui. Et on te placera devant la fenêtre, pour que les rayons du soleil fassent de toi la plus jolie.
— Puis je trouverai un garçon, qui aura poussé comme moi.
— Peut-être. Ou un fille, tu as le droit. Tu peux même finir toute seule, si tu le veux. C'est toi qui décides.
— J'ai hâte. Je rencontrerai quelqu'un comme toi. Mon papa te ressemblera ? »
Balance des fausses lampes, chaleurs trop fortes, rayons blessants. Coeur qui cogne. Boum. Boum. Boum.
« Je ne sais pas.
— J'aurais les mêmes chances que les autres ?
— Oui. Bien sûr.
— Que les petites filles de la terre ?
— Pourquoi pas ?
— Celles qui connaissent déjà le soleil et la pluie ?
— C'est sûr.
— Toi, tu me prendrais ? »
Silence. Orgie d'émail. Chair des lèvres qui tirent. Rayons aux coins des yeux. Pas besoin d'autres soleils.
« Tu finis toujours par la même question.
— J'obtiens toujours la même réponse.
— Et qu'est-ce qu'il y a après la réponse ?
— Ton départ. »
Les rituels, gestes répétés, habitudes ancrées. Les mêmes sourires, les mêmes peurs, les mêmes réconforts.
Le temps qui passe.
Un baiser sur le front, les chatouilles des cils et de la barbe. Des éclats de rires qui brisent le vide et remplissent le cœur qui bat. Ploc... Ploc... Ploc... Arrosage. Une mèche repoussée.
« A demain, Fleur de béton.
— A demain, papa belles histoires !
— Fais de beaux rêves, ne penses pas à demain.
— Fais de beaux rêves, ne m'oublies pas.
— Jamais. Ne fanes pas.
— Jamais ».
Il faut ensuite se redresser, se déplier, monter tout là-haut pour voir la tendre fille rose qui s'endort juste en bas. Elle a pris en hauteur, les hanches dans son goudron, les joues moins potelées. Les yeux baissent, tombe le rideau.
Il faut s'écarter, et les pas claquent sur le sol dur en béton ciré. A gauche la rangée des garçons, à droite la rangée des filles. Lui aurait aimé les mélanger, mais ce n'est pas la coutume. A gauche les lumières bleues, à droite les lumières roses. Ça aussi c'est stupide, mais les filles doivent avoir le teint frais, et les garçons la peau pleine d'hématomes. C'est comme ça.
« Pourquoi tu fais ça ? »
La voix est douce, sucrée, donne envie de butiner. C'est une fleur qui a bien poussé. Pas ici, donc. Une fleur adulte à la jupe en pétales.
« Je ne vois pas de quoi tu parles.
— Pourquoi tu lui mens ? Les bétonnés seront coupés, mis dans des vases et posés sur les tables, pour décorer. En peu de temps ils mourront, et n'auront rien connu d'autre que des tapisseries et des discussions ennuyeuses. Un peu de télé aussi, peut-être. »
Le cœur qui cogne lentement. Plus de bruit.
La main qui se lève, pose les doigts sur l'interrupteur.
« Tout le monde a le droit de rêver »
On éteint. Bonne nuit.
Tu as vraiment du talent je trouve. Je ne sais pas quoi dire de plus ^^
Après je suis pas fan de l’utilisation des onomatopées dans un texte, mais là pour le coup ça s'accorde bien, c'est même, je dirais, "logique"
Cette petite pousse m'a presque donné la larme à l’œil dites donc ! XD
Je travaille et réfléchis beaucoup à la structure de mes nouvelles, et j'essaye de toujours remettre en question mon style, mes habitudes, mon rythme... je suis encore très loin de ce que j'aimerais mais ça me rebooste un peu le morale de voir que ça peut quand même plaire et toucher alors merci beaucoup... ça me fait tellement de bien...
J'écris assez rarement des textes didactiques, qui dénoncent clairement (d'une manière ou d'une autre). Je ne suis pas Suisse, mais il doit y avoir un peu d'eux en moi, dans la manière de concevoir mon engagement littéraire :p
Du coup je suis vraiment contente que ça fonctionne et que tu vois ce que je voulais montrer.
Encore une fois merci beaucoup pour tous ces commentaires, tous plus encourageants et gentils les uns que les autres ! Tu es un amour !
Merci à toi, te lire est un véritable plaisir ♥️
"Signaler aux administratrices"
On peut pas s'auto-dénigrer avec un texte plein de rythme, une bonne chute, du propos et une belle réponse à un défi bien duraille !
Enfin, si, on peut, la preuve !
Bon, j'ai lu ton texte en écoutant une compile de DarkWave : ça complétait parfaitement ! ^^
Alalala... je me dis que, le jour où je serai satisfaite, c'est que je serai tombée dans une forme de prétention que je voudr
Je disais DONC : Alalala... je me dis que, le jour où je serai satisfaite, c'est que je serai tombée dans une forme de prétention que je voudrais éviter. Etre dur avec soi permet d'aller plus loin et de s'améliorer. Tant que je ne me plairais pas aussi, je ferai de nouveaux tests et je retoucherai mes textes, jusqu'à ce que ça semble satisfaisant !
Et puis je suis pénible avec les autres, si je ne l'étais pas avec moi même, ce serait terriblement dédaigneux et immoral !
Je ne connais pas la DarkWave, je vais aller écouter, tiens !
Voici le son dont je te parlais :
https://www.youtube.com/watch?v=9SNG9ferjiQ&t=528s
Pour ton argumentaire, je suis complètement d'accord, j'ai juste fait parler mon petit troll intérieur !
• Moins nous serons complaisants, plus nous serons affûtés !
• Et oui aussi sur la nécessité "morale" d'au moins se traiter aussi mal qu'on traite les autres ! ^^
Le biais que je vois dans le (1) c'est que cette procédure devrait être notre cuisine interne. Sinon, ça peu ressembler pour certain à une sorte de chantage émotionnel : "Aime-moi, sinon je me détruis !"
Et pour le (2) qui sommes nous pour juger, nous-même et les autres ? Nous sommes tellement proches et semblables que ce serait finalement être juge et partie ?
Du coup, même si j'ai l'impression de penser la même chose sur mes propres écrits, je me laisse le bénéfice du doute ! Et je laisse aux autres l'option de m'enfoncer (je fais ça tellement bien que ça pourrait ressembler à de la complaisance envers l'auto-dénigrement !)
Je fais du mieux que je peux, en fonction de mon temps et de mes capacités actuelles, le plus honnêtement possible et Basta !
:-)
Si tu veux des contraintes, j'en ai plein mon panier, je peux t'en donner quelques unes xD
Merci pour ton comm !
Tu ne choisis pas des contraintes faciles pourtant je trouve que tu te débrouilles très bien. J'ai été un peu déstabilisée par la narration au début, mais une fois que je suis bien rentrée dans ton texte, ça n'a plus posé de problème.
J'aime beaucoup ton idée et les images que tu fais naître en tête, à coup de mots peu nombreux mais si bien placés. Tu fais un bel usage des onomatopées également, elles donnent du rythme à ton texte. Et la tendresse de tes personnages est si touchante...
Je comprends tes doutes, mais je tiens à te rassurer : il y a tellement de bonnes choses dans ce que tu écris ! C'est toujours un plaisir de découvrir ta plume ♥️
Oui ! J'ai toujours adoré les contraintes, même si je commence à ne plus savoir quoi m'imposer pour le prochain défi (peut-être du "tu" ? Naooon. Je sais que je ne le maîtriserai pas aussi bien que toi !)
Ah les onomatopées... ma vie, mon rêve, mon amour, tout ça... probablement ma passion pour la Bande Dessinée qui s'infiltre. La coquine.
Merci petite Elorette. C'est trop gentil ♥
Désolée, c'était toi... 😬😓
Je comprends pas du tout pourquoi tu ne l'aimes pas, ce texte est magnifique, tout doux et tendre ! Je sais pas trop comment le décrire mais y avait un truc qui m'a saisie tout au long de ton récit.
Tu as laissé le mystère planer jusqu'à la fin, et c'était une belle chute !
Il y a un rythme très doux, j'ai vraiment adoré le lire !
Bravo Zig, t'en es pas convaincue mais moi je le suis, c'était vraiment très joli ! ♥
Je sais pas trop... c'est juste que j'ai l'impression de faire toujours le même registre depuis le début du DLP. Je pensais partir vers quelque chose de différent avec cette Nouvelle, et c'est complètement raté alors ça me tourneboule !
Merci beaucoup en tout cas. Je vais bien finir par arriver à plaire aussi bien aux autres qu'à moi ! (ou non... c'est peut-être moi qui ai des goûts bizarres xD)
Quand même différent des types de lecture que je fais. Tout de même, j’aime bien ta plume et ce fut plaisant de la découvrir. Il y a bien une figure de style que j’ai aimé, les onomatopées. Tous les sons, les bruits que tu as décrits représentaient bien l’image de ce qu’il se passe et ont été choisis avec soin. Ça nous mettait dans un rythme de lecture, car honnêtement je trouve qu’il fallait bien suivre l’histoire, pour arriver à la fin et découvrir que c’est une fleur. C’est bien écrit et ça m’a fait un grand plaisir de te lire.
Bonne continuation :)
J'avoue que c'est aussi différent des choses que je lis, et des choses que j'écris aussi (habituellement). J'essaye de travailler ma plume avec des contraintes et en farfouillant un peu, histoire d'évoluer. Les textes courts c'est toujours l'occasion rêvée pour se libérer un peu et essayer d'autres styles !
Merci beaucoup pour ces jolis compliments !
Le terme "procimité" me fait énormément plaisir, tu n'as pas idée ! Je suis contente qu'elle plaise alors que, moi, je ne l'aime pas ! Je suis une maman mal aimante mais elle trouve quand même des copains, c'est chouette. Merci pour elle !
Merci d'être passé ♥
J'aime beaucoup cette nouvelle histoire et le message qu'il y a derrière : le droit de rêver, le droit de choisir qui l'on veut être peu importe sa condition de départ. En tout cas, c'est la lecture que j'en ai eu.
J'essaie de faire ma propre analyse pour comprendre ce qui ne te satisfait pas, mais je n'arrive pas à trouver de défauts.
Ma lecture a été fluide, le style est clair et je reconnais ta patte. J'ai beaucoup aimé aussi les gradations (je crois que c'est comme ça que ça s'appelle) : "Les rituels, gestes répétés, habitudes ancrées. Les mêmes sourires, les mêmes peurs, les mêmes réconforts."
Et aussi sur les verbes " Il faut ensuite se redresser, se déplier, monter tout là-haut pour voir la tendre fille rose qui s'endort juste en bas."
Le récit est bien structuré avec une situation initiale dans laquelle on peut se projeter, un peu de mystère dans le développement avec une part de réflexion et une belle conclusion !
Qu'est-ce qui te gêne dans ce joli texte ?
En tout cas, j'ai envie de dire : Moi aussi, je veux une fleur de béton ! Mais je veux pas qu'on la coupe et qu'elle meurt. Ah ça, non ! :D
Oui, je me suis tentée dans le réflexif (ce que je fais rarement !), je suis contente que ça marche, même un peu, et que ça permette aux lecteurices de projetter leur avis ! J'aime bien quand le texte a l'occasion de vivre et que celui qui le découvre se l'approprie, je suis donc très contente que tu l'aies fait.
Arf je sais pas... j'aime bien les chutes un peu abruptes (toi même tu sais, t'as un don pour ça xD), et surtout j'ai l'impression d'être toujours un peu dans le même registre, finalement ! Répétitive dans le fond et dans la forme. Je vais essayer de me démarquer au prochain !
Si tu veux j'en ferai pousser une juste pour toi ♥ Mais je sens que je vais galérer à la rempoter xD
Je me suis demandé tout le long où tu nous emmenait, j'ai eu le temps de me forger 10 théories sans trouver la bonne XD
Ça me fait penser aux enfants à qui on fait croire au père Noël pour la "magie"
Il va falloir que je re-travaille tout ça ! Décidément il ne me plait pas, ce texte !
Et oui c'est tout à fait l'idée ! D'un autre côté, si on ne leur faisait pas croire que le père Noêl existe, et est un gentil monsieur, ils fuiraient au moment de se faire passer au four... avoue que c'est un problème !
Merci d'avoir pris le temps de me lire, et de me poser tes gentils petits mots, toujours aussi agréables à lire !
J'ai hâte d'aller lire la tienne ! (demain sans faute, et avec hâte !)
Et non je suis pas d'accord avec la théorie qui dit que si on ne sait pas où on va c'est que l'auteure a foiré. En tout cas pas sur une nouvelle. Sur un roman pourquoi pas. Mais sur un texte court, la surprise est toujours agréable et ta fin n'arrive pas comme un cheveu sur la soupe ❤️