Pourquoi avait-elle accepté de venir à cette fête ?
Sarah, près d'une petite table, verre de coca cola à la main, regarde autour d'elle les adolescents qui dansent, boivent des bières, regardent leur téléphone.
Soupir: Abdel est gentil, mais elle ne pensait pas qu'elle allait être aussi mal à l'aise ! En plus, Emma n'a même pas pu venir ! Une gastro carabinée apparement -pas besoin des détails merci-. Avec son haut rouge en faux satin, tissus reflets cramoisis d'une langue, genre cerise, on la croirait plus habillée pour un gala que pour une fête. Il faut dire que sans Emma, c'est pas pareil.
"Salut Sarah ! Ca va ?"
Abdel, cheveux bouclés noirs, peau mate et lisse -ils sont où tes boutons d'acné ? Ils sont où tes signes de l'âge ingrat ?-.
"Elle est cool ta fête Abdel !"
"Merci ! Tu veux un truc à boire ?"
Emma, sa voix dans la tête, un après-midi après les cours: "Chou, Abdel ça se voit qu'il est amoureux de toi ! Il est super tendre avec toi, genre nounours !"
"N'importe quoi ! C'est un nounours avec tout le monde !"
"Oui mais avec toi, c'est différent !"
"Sarah ?"
Celle-ci sort de ses pensées, pose son verre sur la petite table: "Quoi ?"
"Tu veux boire un truc ?... Grignoter...? Enfin, je voulais te dire... Tu sais que..."
Sarah soupire: non, sans Emma, c'est vraiment pas pareil, même la première déclaration d'un gars amoureux d'elle n'a pas la même saveur.
Sarah se sent bête; pourquoi j'ai des pensées aussi agressive ? C'est vrai qu'il est super tendre, Abdel.
"Je suis désolée Abdel, mais je dois rentrer chez moi..."
Elle prend son verre de soda, le termine d'un trait: "Mais elle était super ta fête hein... Vraiment cool."
Abdel, moue disgracieuse, Sarah, s'en va, langue pâteuse: ce soda a vraiment un goût amer !
Dans la nuit, mal au crâne, voile blanc devant les yeux, marche et marche, le froid du soir lui mord les bras. Les jambes tremblent, elle sent l'air, ça sent l'essence. Sensation bizarrre, genre coma, elle pense, ou a peu près que bon sang, qu'est-ce qu'il y avait dans ce coca ?
BLACK OUT.
Allongée, dans l'herbe, sous un arbre, gerbes violettes autour d'elle, comme dans le rêve. Sarah les regarde à moitié, se sent faible, si faible. Plantes piquantes contre sa joue, humides en plus, ces épines, insectes quu grimpent sur le ventre, sensation de chatouilles colériques -bizarre ce mot- quand elle les sent, les petites pattes des bestioles qui montent.
Une masse sombre l'écrase, l'ombre lourde sur elle, éclate son bas ventre par son poids, elle sent la bosse aroguante qui se forme sous le pantalon de la Bête. Sarah essaye de voir son visage, mais ne voit qu'un gribouilli noir à la place de sa tête, des croix rouges par dessus. Son odeur dégueulasse, et là elle sent vraiment, le contact.
Son corps chaud contre le sien, comme un chien contre sa proie.
Les yeux étouffés par les pleurs, elle veut cracher au sol, pousser celui... Mais pousser qui ? Est-ce seulement un humain ? Elle l'entend respirer comme un animal.
Sarah articule: "N... Non..."
Et puis fini.
Maintenant elle sait. Il enfonce ses ongles -ses griffes ?- dans son dos, pour bien la serrer contre lui, faudrait pas qu'elle s'échappe, clair qu'il a mis du temps, depuis le temps qu'il la prend en chasse.
Sarah ne sent plus rien, à part le souffle brûlant du monstre contre sa nuque, ne renifle plus rien à part l'odeur bestiale, le parfum du démon, ne voit plus rien à part les gerbes lumineuses violettes, tourne la tête, voit des branchages tombants, et ça siffle fort le vent, et ça soulève les feuilles, et le vent, souffle de Dieu, n'emporte pas le Diable qui l'étouffe.
Elle se dit qu'alors il existe en fait, Lucifer ? Parce que ça ne peut pas être autre chose... En fait si, c'est un humain, et c'est encore pire.
Regard papillon, demi clignement d'yeux, une larme roule, salée, diamant brillant.
Il ne la viole plus elle, Sarah.
Il viole un cadavre.
Le viol est le seul sujet que je ne souhaite pas traiter dans mes histoires, mais toi tu le fais, plutôt bien d'ailleurs.
Je salue ton courage.
Tu l'as si dégueulassement décrit "ce jour-là", vraiment à l'image de cette bête, quoique beaucoup de bêtes sont plus humaines que ce déchet.
Très déchirant malgré la pudeur des termes employés.
Tu as aussi une façon de jouer avec la mise en page très originale (comme dans le chapitre précédent) qui fait ressortir l'effet plus violemment, comme ici avec un long blanc après le black-out.
Je te cache pas que j'appréhendais ce passage et que j'ai mis un certain temps avant de reprendre ma lecture au chapitre 4.
Du coup, on connaît la suite très malheureuse qui suit, ses parents qui ne la croient pas, une grossesse, un mioche et un boulot de nuit à 19 ans pour subvenir à leurs besoins.
Ton histoire est sombre et j'ai de moins en moins d'espoir que ça s'arrange. Je crains encore le pire...
Merci beaucoup à toi, de nous montrer la noirceur de ce monde à travers cette histoire car malheureusement plus de personnes qu'on ne le croit sont touchées par ce fléau et ses répercussions.
Bon courage pour l'écriture de la suite !