"Ce matin, un épais brouillard envahit la ville. On distingue à peine deux silhouettes sur le quai de la gare. On entend le train au loin. Il entre en gare. Il ne s'arrête pas. Encore une fois. S'est-il déjà arrêté ? De mémoire, non. Il disparaît peu à peu au loin, la brume l’engloutit.
Les deux voyageurs sont toujours là. Stupéfaits, ils ont toujours leurs valises à la main, comme espérant se réveiller d'un mauvais rêve.
On se désintéresse des deux hommes. La vue de la ville encore étouffée par l'épais brouillard matinal effrayerait plus d'un homme étranger à une telle vision. Les vieux bâtiments, recelant sûrement de sombres secrets, font tâche au milieu des deux immenses tours modernes. Les quartiers mal famés, qui encerclent les gratte-ciels opulents, reflètent le destin funeste de notre cité. Dire qu'il fut un temps où internet existait.
C'est bien fini maintenant. La Grande Évolution a tout effacé sauf nos deux jambes, nos deux bras et nos deux têtes. Bah oui ! Nous sommes siamois ! Et alors ? Qu'est-ce que ça peut vous faire ? De toute façon, siamois ou pas, dans deux mois on est mort, tous. Une météorite. C'est ce que tout le monde dit.
On regarde autour de nous. Les gens marchent la tête basse aussi inexpressifs que des morts. Uniformes bleus unis, ils sont tous habillés pareils, comme nous. Pourtant on est tous différents, un membre en plus, un chromosome en moins, c'est notre lot à tous d'être bizarre. On observe à nouveau les deux voyageurs. Ce sont des étrangers, venus pour leur travail sûrement, sauf que si rentrer dans cette ville est possible, en sortir est une autre histoire, allez savoir pourquoi.
Les deux hommes vêtus de rouge, couleur sang, se distinguent l'un de l'autre par leur corpulence. Le petit gros crie sur le grand maigre.
Ils sont encore plus bizarres que nous, ils sont normaux. Physiquement, mentalement, on voit bien qu'ils ne sont pas d'ici, la Grande Évolution ne les a pas affecté.
On les dévisage. Ils se disputent. Ils sont en colère. Nous n'avions jamais vu quelqu'un mécontent dans cette ville.
Les hauts parleurs crachent/aboient leurs ordres, pour nous c'est l'heure d'aller travailler. Nous marchons jusqu'à un véhicule garé dans une petite ruelle. On rentre dans le taxi volant. Dans son rétroviseur central, le chauffeur nous regarde. Il a deux paires de bras.
—Bonjour messieurs, j'attendais justement des clients ! Installez-vous confortablement ! nous abordent-ils.
—Bonjour, répond-on poliment c'est la première fois qu'on le voit, lui.
—Qui sont les deux étrangers sur le quai ?
Ah ! Lui aussi les a remarqué ! Il faut dire que c'est rare de voir de nouvelles têtes dans cette ville.
On sourit :
—Je ne sais pas, dit-on chacun.
On se sourit l'un à l'autre. Nous pensons et disons toujours les mêmes choses en même temps, ça nous amuse toujours.
Le chauffeur sourit à son tour.
—Bon okay les gars, je vous emmène où ?
—On travaille dans la deuxième tour à l'étage quatre mille deux cent huit.
Le chauffeur sourit encore une fois. Il démarre son véhicule et accélère, montant en flèche dans les airs.
—Drôle de vie que vous avez quand même, fait-il en nous regardant dans son rétroviseur.
On ne répond pas, intrigué par cette remarque. De toute façon on ne l'aime pas cette vie.
—Vous êtes bien les seuls à sourire dans cette ville !
—Pourquoi est-ce qu'on arrêterait ? fait-on, ce n'est pas parce que plus personne n'a de sentiments qu'on devrait, nous, cesser d'en avoir.
Le véhicule s'engage en vrombissant entre deux énormes immeubles. Le chauffeur a un léger sourire aux lèvres.
—C'est bien vrai mais on l'oublie trop. Je crois que je préférais le monde avant la Grande Évolution. Franchement, je…
Le chauffeur n’achève pas sa phrase. Un autre engin volant affichant les lettres G et E se range à côté du taxi.
—Vous êtes en état d'arrestation, fait une voix nasillarde.
On s'y attendait. Le chauffeur aussi aurait dû s'y attendre, on ne doit pas parler de l'ancien monde, la police de la Grande Évolution n'aime pas trop ça.
Il grogne :
—Désolé les gars, je ne voulais pas vous attirer d'ennuis. Je n’ai pas fait exprès.
On hausse les épaules :
—Il suffit d'obtempérer, ils vont juste nous mettre un avertissement, c'est pour la forme.
Le chauffeur nous regarde, il sourit.
—Justement c'est pour ça que je m'excuse. On le regarde sans comprendre.
Soudain il baisse un levier. Le taxi se maintient un instant en l'air puis pique du nez vers le sol. Une sirène se met à gémir. Le véhicule de police nous prend en chasse. On hurle ! On n'a pas demandé à avoir d'ennui !
Avec ses quatre mains, notre conducteur manipule les commandes avec adresse slalomant entre les colonnes de véhicules qui circulent dans l'air pollué de la ville. On repense au brouillard de tout à l'heure. Heureusement qu'il s'est dissipé !
D'autres engins marqués du GE se mettent à notre poursuite.
Une voix puissante, la même qu'auparavant, nous intime :
—Arrêtez ou nous tirons !
Le chauffeur n'en fait qu’à sa tête, il augmente sa vitesse. Son visage est crispé sous la concentration.
On ne comprend pas la réaction de notre conducteur, aucun citoyen ne se rebelle contre la police.
Son regard déterminé croise les nôtres : il échapperait à la police.
—Ça va chauffer, gronde-t-il alors qu'un grésillement envahit l'air.
On comprend alors. Ça va être notre fête ! Un premier rayon bleu électrique frôle le véhicule. Le chauffeur continue de foncer vers le sol.
On regarde l'altimètre au milieu de l'écran qui remplace le pare-brise du véhicule : trois cent vingt-trois mètres. D'autres rayons sifflent à côté de nous.
Conscients que notre vie se joue en ce moment, on évite de protester : un moment d'inattention et c'est la mort, un mauvais réflexe et c'est le désastre. La voix continue de beugler derrière nous mais on ne la comprend plus, notre vitesse est affolante. On se retourne pour découvrir qu'une vingtaine de véhicules de police nous poursuivent, on n’en a jamais vu autant. Le taxi continue de se rapprocher du sol à fond : cent dix-neuf mètres.
Le chauffeur regarde dans son rétroviseur central, sa mâchoire se crispe. On le regarde sans comprendre lorsqu'un rayon traverse la vitre arrière et passe entre nos deux têtes, comme quoi c'est mieux d'être siamois, et traverse l'écran pare-brise. Percé au centre, il s'éteint. On vole à l'aveugle. Le chauffeur lâche un juron. L'air s'engouffre avec une force inouïe dans le trou. L'écran s'arrache. On se baisse et il traverse la fenêtre arrière. On relève nos têtes, le chauffeur aussi a esquivé. Il ne s'arrête pas pour autant. Il plisse les yeux pour voir malgré l'air qui s'engouffre dans le taxi.
On ferme nos yeux, de toute façon on ne peut pas agir. Le cri des sirènes. Le sifflement des rayons. Le hurlement de l'air. Le grognement des moteurs. Les maugréements de notre chauffeur. Fermez les yeux ne suffit pas. Le bruit est là qui envahit nos oreilles. La situation est bien celle-ci, on ne peut pas échapper à notre vie, on ne peut pas fuir le monde, aussi hostile soit-il.
Il faut l'affronter.
On ouvre les yeux. Un rayon a dû toucher le moteur du taxi, désactivant les circuits électriques, puisque l'on est en chute libre.
Le chauffeur nous regarde, il a un air presque comique. Il est dépité, une grimace de déception envahit son visage. On sort chacun une petite bille de notre poche et la met dans notre bouche. Notre conducteur nous imite. Il sait qu'il n’a plus le choix.
Le taxi tombe toujours.
On dit alors :
—Continuons de sourire, on n’a rien d'autre à faire.
On sourit tous les deux. L'homme aux quatre mains hésite puis sourit à son tour. Ça ne coûte rien.
Altitude : 0 m.
La voiture s'écrase sur le sol dans un fracas assourdissant. Cette fois il n'y a plus de bruit. Les sirènes se sont arrêtées. Les véhicules de police, leurs G et E affichés en blanc, se posent à côté du taxi.
Deux policiers sortent de chaque véhicule, mais de la première voiture sortent les deux étrangers en rouge. Ils regardent le véhicule écrasé.
—Espérons qu'ils ont utilisé les petites billes, lâche le plus grand.
On sort avec difficulté des débris de la voiture.
Ouf ! Les boucliers biliaires ont fonctionné. L'enveloppe violette qui nous protège se résorbe.
Les deux étrangers nous dévisagent comme nous les avions dévisagés plus tôt. On se demande ce qu'ils font là, leur valise toujours à la main. Le chauffeur s’extraie à son tour du taxi détruit, il est un peu sonné mais sa protection biliaire a aussi agi. On s'attend à être arrêté ou même exécuté mais les étrangers se contentent de regarder avec animosité le chauffeur. On s'écarte du taxi, le chauffeur nous imite mais les hommes aux valises nous intiment de nous arrêter et de rester séparé.
On s'éloigne du conducteur. Une quarantaine de policiers nous entourent des désintégrateurs au poing, on n'a pas trop le choix.
On ose demander, pour briser le silence :
—Euh…comment allez-vous ?
—Taisez-vous ! braille le plus grand étranger.
L'autre continue de fixer le chauffeur :
—Vous êtes sûr que c'est lui, demande-t-il à celui qui semble être le chef des policiers.
—Oui, il présente des anomalies caractéristiques, grogne celui-ci accompagnant ses mots de gestes véhéments qu’illustrent ses quatre bras.
—Embarquez le ! ordonne l'homme en rouge froidement.
Cinq policiers avancent vers le chauffeur.
Il tente de fuir, bondit vers nous mais un coup de poing le jette au sol. Les policiers se jettent sur lui. L'un d'eux lui met un masque sur la bouche et le nez. L'homme aux quatre mains cherche à s'en débarrasser mais les policiers le maintiennent fermement.
Au rythme des inspirations du produit contenu dans le masque des décharges semblent le parcourir. Il se débat. Ses membres s'immobilisent les uns après les autres. Finalement, notre chauffeur cesse complètement de bouger.
—Il est désactivé, dit un policier.
Les cinq hommes le soulèvent, ouvrent la portière d'un camion et le jettent dedans.
On a suivi toute la scène avec une horreur croissante. On ne connaît pas ces masques mais on n'a pas trop envie de les essayer.
—Il est mort ? ne peut-on s'empêcher de demander.
—Silence ! gueule le premier étranger.
Les deux hommes nous regardent avant que le plus petit ne dise :
—Montez.
Puis il ajoute à l'adresse des policiers :
—Merci de votre coopération, vous pouvez vous retirer.
Tous remontent dans leurs voitures respectives et repartent emportant notre chauffeur.
On monte dans le dernier véhicule à l'arrière. Les deux hommes en rouge montent à l'avant. Le plus grand fait décoller l'engin et le véhicule de police fonce vers le ciel.
Le petit se retourne et nous scrute au travers de ses petits yeux :
—Que vous a-t-il dit ?
—Des phrases banales, rien de grave.
On est crispé, s'attendant à des coups ou des remontrances.
—Concernant la simulation ! hurle le géant, ses épaules dépassent les dimensions du siège.
—Pas maintenant, siffle son compagnon. Ils sont peut-être pas au courant.
—La simulation ? reprend-t-on sans comprendre.
—Que vous a-t-il dit ? répète le petit. S'est-il montré agressif ?
Il nous regarde comme un serpent n’attendant qu'un mouvement de sa proie pour mordre.
—Quoi ! Non absolument pas ! Il a rien dit de particulier on vous dit ! répète-t-on. —Rien de particulier ? fait l'étranger. Rien…
Il hésite songeur.
—Okay, descendez, dit alors le géant.
On regarde autour de nous. Le taxi s'est posé sur l'un des deux grands immeubles. Une porte d'ascenseur s'ouvre.
Un autre homme en rouge en sort.
Nous ouvrons la portière et sortons du véhicule, une bourrasque nous déstabilise. Le bâtiment est d'un blanc pur, terne sous les nuages qui surplombent nos têtes.
Les deux premiers étrangers nous encadrent. L'homme qui vient d'arriver s'approche de nous et nous tend ses deux mains. Chacun de nous lui sert poliment une main.
Il nous sourit :
—Bonjour Castor, bonjour Pollux. J'aime bien vos noms, ils vous vont bien. Excusez-moi pour les mauvais traitements que nous vous avons infligé pour vous amener ici mais c'était nécessaire.
On le regarde, intrigué, on ne comprend pas en quoi ça l'était.
—Bonjour, dit-on quand même avec une politesse que la carrure du conducteur étranger suscite.
L'homme nous regarde intensément avant de poursuivre.
—Veuillez me suivre…
On suit l'homme docilement tandis que les deux premiers étrangers nous collent comme si l’on était des objets précieux. Le troisième homme, distingué, déborde d'une affabilité prévenante. Son visage osseux laisse apparaître des traits tirés ce qui ne l'empêche pas de sourire, lui aussi a des sentiments. Il a une démarche hésitante comme s'il s'interrogeait sur la route à prendre. Son vêtement rouge, fait d'une pièce, ajoute à l'aspect sérieux de sa personne.
La porte de l'ascenseur s'ouvre, on entre tous rapidement. L'étranger appuie sur quelques boutons. Les battants se referment et l'ascenseur commence à descendre. Il s’arrête bien vite alors qu’une voix enregistrée récite :
—Étage 9999.
À nouveau la porte coulisse et nous rentrons dans une pièce vide qui s’ouvre vers deux couloirs formant l'angle du bâtiment. On continue de suivre l'homme à travers le couloir qui nous fait déboucher sur une pièce chaude, accueillante. Un confortable canapé encadre un feu virtuel qui répand une douce chaleur. La lumière tamise repose les yeux après le blanc éclatant des couloirs.
On s’installe tous dans des fauteuils. Les deux malabars nous encadrent tandis que notre interlocuteur nous fait face. Il commence alors à plier et déplier ses jambes nerveusement comme s'il hésitait encore.
Un silence pesant s'abat pendant quelques instants. On commence à se demander si le sort de notre chauffeur est vraiment moins bien que le nôtre.
—Mmr ! Mmr ! fait le petit sournois en se raclant la gorge.
Le troisième étranger s'immobilise regarde l'autre homme puis prend la parole : —Votre métier vous plaît ?
—...
On ne répond pas, on sait qu'il s'en fiche, qu'il occupe juste le silence.
—Vous avez raison, dit-il en nous regardant, mieux vaut en finir.
Il se racle la gorge.
C'est alors qu'on comprend qu'il a peur, plus que nous. Cette fois on est carrément perdu.
Mais notre interlocuteur s'est décidé :
—Je suis William, vous pouvez m'appeler Will. Le petit c'est Jack et le géant c'est Bill. Nous sommes les administrateurs.
—De cette ville ? demande-t-on, attendant d'être surpris.
Pourtant Will continue ignorant notre question :
—Le chauffeur est un intrus, il s'est endormi pour vous rejoindre. C'est un des hommes de main de l'État. Il veut faire foirer la simulation. Je devrais dire : il voulait faire foirer la simulation.
—Qu'est-ce que vous dites ? Quelle simulation ? Pourquoi c'était un intrus ? Que lui avez-vous fait !
L'homme regarde les deux malabars, ils hochent la tête.
—Il est temps qu'on vous explique quelques petites choses.
Will cherche ses mots, hésite puis reprend :
—Vous êtes dans un monde virtuel…
Un silence tombe puis il enchaîne parlant très rapidement comme abandonnant un lourd poids.
—On vous a endormi pour vous faire entrer dans un autre réalité dont nous sommes les administrateurs. On vous a implanté des masses de souvenirs pour que ça vous paraisse naturel, pour que vous oubliez que vous étiez dans une simulation.
—Vous voulez dire que tout cela n'est pas réel ? Que les gens qu'on a rencontré sont des tas de chiffres !
—Non, ils font partie de l'expérience. On vous a tous endormis. Dix mille personnes ont accepté…
—On a accepté volontairement de faire partie de l'expérience ?
—Oui bien sûr ! Vous étiez tous conscients de votre choix et de ces conséquences. Pour simplifier le programme on vous a enfermé dans une ville sans connexion avec le monde externe. Et on a…supprimé vos sentiments, à tous, pour que l'expérience puisse commencer.
—Qu'est-ce que c'est que cette foutue expérience ?
—Vous voyez notre gouvernement a cherché à faire passer une loi : depuis le 23ème siècle, les ressources terrestres disponibles pour le développement de l'humanité se sont retrouvées en pénurie. Face à cela, a eu lieu cette discussion sur la loi des vies utilitaires. Elle légitimait mais surtout programmait de façon méthodique et légale l'élimination de toutes les personnes handicapées, que ce soit mentalement ou physiquement. Les éliminer comme poids inutiles. Des mouvements de protestation ont émergé partout dans le monde, moi à leur tête. J'ai demandé à faire l'expérience que nous faisons actuellement pour prouver au monde que nous avons besoin de vous... —Nous sommes donc vraiment siamois dans la vraie vie ? et les autres habitants ?
William reprit sa respiration :
—Parmi les volontaires vous étiez deux cents réellement handicapés, pour les autres on a simulé un handicap spécifique à chacun. Grâce aux négociations, l'État nous avait laissé trois années complètes pour prouver que notre théorie fonctionnait. Il reste encore deux mois de ce délai.
—Quelle était cette théorie ?
—À vrai dire, on ne savait pas trop quoi chercher. Il fallait que, malgré un environnement hostile aux conditions de la vie humaine, vous arriviez à “survivre” au contraire des gens normalement constitués. On a observé votre monde triste et morne, absent de sentiments, pendant deux ans sans que rien ne se passe puis vous vous êtes “réveillés”. Vous avez commencé à exprimer des sentiments. Sourires, joies, rires mais aussi pleures, tristesses et colères. Vous avez provoqué un dysfonctionnement dans le programme, vous l'avez contrecarrer.
On a décidé d'aller voir dans la simulation, d'aller tout vous expliquer, et surtout vous en sortir, mais l'un des hommes de main du gouvernement nous avait précédé. On a appris ça à la gare tout à l'heure. On n'attendait pas le train. On attendait les communications qu'il amène du monde réel aux administrateurs, les policiers du GE, qui séjournent dans la matrice. Nous avons espionné votre conversation par micro attendant le moindre prétexte pour vous arrêter. On vous a interpellé mais votre chauffeur, l'intrus, a pris la fuite. On a ouvert le feu avec des rayons pour vous réveiller.
—Que voulait nous faire l'homme de main ? fit-on, nageant en plein rêve.
—Vous tuer. Le gouvernement n'apprécie pas la réussite de l'entreprise. Le produit qu'on a fait respirer à votre chauffeur servait à le réveiller où la vrai police l'a accueilli.
L'administrateur nous regarde et reprend :
—Messieurs, vous avez sauvé tous les hommes et les femmes handicapés du monde. Nous vous en remercions. Vous avez laissé à notre monde son appellation d'humanité.
On reste silencieux, la vérité nous a heurté de plein fouet. Tout ce en quoi nous avions cru était faux…
Nous sommes dans une simulation participant à une expérience scientifique…
Les minutes passent. Les trois administrateurs nous laissent tranquille. Ils ne peuvent pas comprendre ce qu'on ressent.
On est sous le choc, seule la matrice nous empêche d'être submergée par nos sentiments.
—Pourquoi un train ? demande-t-on finalement. Un train qui ne s'arrête pas ?
William sursaute surpris de la simplicité de notre question, sûrement s'attendait-il a des cris ou des pleurs.
—Nous avions besoin de quelque chose de « naturel » pour réactiver chaque jour les effets du programme : effacement des sentiments, mémoire implantée, modification corporelle ou psychologique empêchant le développement d'une humanité normale…du moins jusqu'à ce que vous interveniez…je suis désolé pour vous, je comprends que ce soit dur de découvrir que votre vie était une illusion mais une autre plus belle vous attend dehors… Passez deux ou trois jours ici pour vous familiariser avec la nouvelle et vous nous rejoindrez.
On hoche la tête.
Trois jours ont passé.
Nous sommes à la gare. Un sifflement retentit. Les administrateurs ont décidé d'utiliser la vitesse du train pour nous réveiller.
On entend le train en loin. Il entre en gare. Il s'arrête.
Fin"