Ce soir j'en sors celles qui galèrent

Notes de l’auteur : Une sorcière s'est infiltrée dans une boîte de nuit. Mais si elle invite les hommes à danser, ce n'est pas pour les embrasser...

Elle se tenait dans la lumière de la boîte, les hanches recouvertes d'une potion mauve dans laquelle passent en crépitant des rivières sinueuses, les lèvres grasses du suc des arbres qu'elle a bu à la racine, le verre tendu entre ses ongles longs et pointus, poignards cliquetants sur le verre transparent, les cheveux liquides comme une masse d'encre écoulée, matière souple du néant qui s'étend dans une torsion empesée, les yeux qui font basculer l'or et l'orgueil, éclatement de bombes jetées à chaque battement de cil jusqu'aux cercles optiques supérieurs, c’est l’arrêt du coeur planté par chaque diamant que son iris invoque à la faveur du choc entre son âme et les leurres. De sa bouche sortent des filaments de pénombre, fumées qui se déversent en hantises profondes, et son regard de cauchemar promène des hurlements, on y voit courir des loups sans tête, des prêtres défroqués, des renards accouplés à la lune et des serpent aux mandibules d'homme.

L'ongle tendu a creusé l'air, a déchiré la tapisserie des atomes, et y a fait entrer l'oeil d'un démon, qui appuie ses griffes sur la matière du réel, jette un coup d'oeil à droite et à gauche, elle le remet en place d'un Ttss" désapprobateur, lui donne l'égo d'un mâle imprudent qui s'est collé à d'elle, l'oeil lubrique et la possession dans les mains, le démon ouvre la bouche toute grande longue langue rouge absorbe et s'en régale, elle reprend et glisse son ongle sur l'ouverture d'outre-monde, elle se referme et disparaît dans les bleus de l'air empoussiéré.

Elle jette un coup d’oeil autour d’elle et repère déjà l’étendue des dégâts. Des gars pas très sûrs d’eux qui pestent contre celles dont les jupes lestées par le poids de leurs fesses avancent fièrement et sans les regarder. Elle se lève et laisse les fleuves murmurants glisser après elle, un styx agité de milles gargouillements, comme une chevelure de langues étirées. Elle en repère un dont l'oeil mate un peu trop une meuf qui a l’air terrifiée, elle ne bouge plus déjà, le souffle coupé. Elle s'approche de lui, d'un coup elle s'enfonce entre la paupière et l'iris, l’ongle va chercher le nerf optique derrière le globe, le sectionne, le jette dans le verre de cocktail d’eau claire, la vodka voit voguer l’olive ainsi présentée, encore toute sanglante, son pote reprend le verre et le boit en lui faisant un clin d’oeil. Elle soupire et l'ignore, un autre s'approche et va violer celle qui s'est endormie ivre près des basses trop fortes. Elle se penche sur le bâtard, tous ses bijoux tintent comme un ruissellement de trésors de pirate, elle lui prend la langue du bout de ses dents, et l’arrache, son cou musclé comme celui d'un chien de chasse. La bouche couleur de jais de trop de sang échappé est un trou au milieu du visage, ça jaillit comme une fontaine de vin, elle crache le morceau de viande et boit à sa source de jouvence.

Tous la regardent mais personne ne l'arrête, les sortilèges sont trop puissants. La tenue assortie, accessoires scintillants dans le noir, plongeant décolleté c'est l'assommoir des pensées, on succombe par la succulente chute entre les seins écartés, sans crainte elle s'est toujours inspirée de ses plus sexuels instincts pour tisser les subtilités de son destin, quel dessein prestigieux pour une satanée que d'être sensuelle à en faire céder les murailles de la psyché, cité si mal gardée, elle y glisse sa langue et ses charmes et susurre les sentiers dissimulés du stupre. Les bras cassés harmonies retrouvées des figures sacrées, danse tordue et lascive des hanches qui basculent, les bracelets d'or qui lui furent données lors du sabbat tintent et étincelles brièvement, la nuque inclinée et pleine d'empathie comme Marie au pied de la Croix, pleurant les ennemis qui l'ont défiée, leurs cadavres étirent des yeux navrés vers ses augustes hauteurs. Parures orangées de ces lieux de calamité, elle danse mais la transe n'est pas le don de toutes celles qu'on a brûlées à Salem, elle seule parmi les autres parvint à danser dans les flammes, et de ses épaules déployées, de son rire argenté, on n'a gardé que la silhouette de cendre qu'au sol elle a laissée.

Ses poignets équitablement parés sont le rappel de la loi d'égalité, elle les entrechoque croisés et créé le pentacle comme un couronnement, les cuisses prêtes à éclater le short de cuir à chaque mouvement, un tatouage est répandu en pectoral, comme aux frontons des églises on y voit des gargouilles grimaçantes aux figures dévastées, reliefs des encres grises, elle caresse leurs yeux agités qui se meuvent encore une fois sa main passée, figurant les dieux qu'elle a battus dans les forêts obscures, les monstres domptés aux enfers et les éternités récitées à des royaumes oubliés. Oui elle a vu tous les temps s'écouler derrière la forme de sa tempe empoisonnée, elle exhale ces âmes déchues et éméchées, et le liquide coule sur ses lèvres rondes au parfum d'amande, les souplesses divines que suggèrent leur étirement moqueur lorsqu'elles effleurent l'éclat de ses dents.

Brille tout au fond de la nuit les rumeurs des planètes déchues qui l'ont vue boire le ciel sous les effondrements du monde d'alors, tout était perdu dans le noir et les vêtements étaient de vents brodés à même la tempête. Elle arrache une gorge sur un beat bien rythmé, rappeler à la bite où est sa place, le sang descend comme des trainées adipeuses entre ses doigts légers, elle renferme et fait claquer sa main, les projectiles pourpres atteignent ses joues comme une foudre dispersée. Son regard est inflexible, quand elle considère les choses ce n'est que pour les observer d'un regard plus vieux que le monde, plus profond que les plis superposés des roses, plus sacré que les mots de dieux aux lèvres écloses.

"Mec, cette année c'est la saison de la sorcière" dit-elle à la gorge déchirée. Le cocktail "Blood of Christ" dans les mains, lorsqu'elle marche le sol se dérobe, tourbillon des regards venimeux, elle sait bien que les serpents dansent sous les pantalons, claquement des doigts, des boucs bêlent après elle désormais, priapisme des figures mythiques. Un homme centaure aux brutalités célébrées l'aborde le torse plein des menaces contenues, le regard faussement doux et le sourire menteur, elle souffle un peu de pluie cueillie au dos mêmes des heures, les liquides frondaisons de sa chevelures tombent près de son épaule, et elle laisse derrière elle le cadavre effondré. Plus loin elle entend le DJ faire retentir l'explosion sonore qui tord les corps, elle passe sur ses doigts les bagues qu'elle donne aux bêtes quand commence la chasse au cor.

Le turquoise d'une lumière disco glisse sur son dos, elle fait tourner un peu de maléfice au dehors quand la drague est propice, la meuf a dit non le mec ne la lâche pas, elle embrasse ses lèvres sèches et en les retirant y laisse quelques crapauds qui sautent de la bouche pustuleuse à l'envie. Les glissements malfaisants des mécontents l'environnent, on a vu les corps, on a sonné l'alarme, elle brusque les oriflammes des lampes et d'un coup de sa chevelure d'estampe, s'environne d'un sortilège opaque, et s'enfuit dans la nuit, filant dans la ville, vive louve vertueuse, sentant dans les rues sales les miroirs que font les nuits profondes, elle voit d'autre louves courir, les muscles gonflants sous le poids des lumières si vites dépassées.

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Rimeko
Posté le 17/11/2023
Hello !
Beau jeu de mots sur le titre, déjà. Ensuite, j'aime beaucoup l'idée de cette sorcière / créature (elle ne me paraît vraiment pas humaine) qui séduit, pas pour le plaisir du meurtre à la Veuve Noire (ou du moins, pas seulement), mais pour protéger ses "sœurs". Certains images / phrases sont MAGNIFIQUES, mais il y a tellement (et certaines phrases sont très longues) que je n'ai pas trouvé ça très fluide à lire. C'est vraiment plus un poème qu'une nouvelle.
En tous cas, merci du partage !
MidnightCat
Posté le 18/11/2023
Hello! Olalala merci infiniment pour ce retour si enthousiaste!! :D Ça me touche énormément, je suis enchantée que tu aies été sensible au jeu de mots du titre ainsi qu'à la poésie des images ! C'est effectivement beaucoup plus un poème qu'une nouvelle, je m'en rends de plus en plus compte... Oui le manque de fluidité et la confusion font partie des remarques récurrentes quant à ce texte, merci beaucoup de me le signaler à ton tour, ça me montre que c'est un élément auquel il faut que je prête une grande attention pour les prochains textes que je publierai! Avec plaisir pour le partage, merci à toi pour ton commentaire si encourageant!
Herbe Rouge
Posté le 04/11/2023
Bonjour,
J'avoue être restée un peu confuse sur pas mal de passages, et n'aurais pas compris qu'il s'agissait d'une boîte de nuit sans la note tout au début :)
(d'ailleurs, malgré la note, j'avais imaginé un démon plutôt qu'une sorcière, un démon qui sortait de son monde pour entrer dans le notre, ce que j'aime bien comme idée).
Bien écrit cependant, même si je verrais bien un retravail sur cette histoire pour qu'elle soit un peu plus explicite.
MidnightCat
Posté le 04/11/2023
Bonjour Herbe Rouge!
Oui je comprends tout à fait, c'est vrai que le décor aurait gagné à être posé un peu plus clairement! J'en prends bien note pour le prochain du texte du même genre. C'est vrai qu'elle a quelque chose du démon aussi cette sorcière, les deux peuvent fonctionner je pense. Très heureuse de savoir que tu trouves cela bien écrit dans l'ensemble, merci! Et merci aussi pour le conseil, je vais sans doute effectivement la retravailler pour la rendre un peu plus lisible ,étant donné tes retours ainsi que ceux de Feydra ;) Merci beaucoup pour ton commentaire en tout cas :D
Feydra
Posté le 04/11/2023
J'ai compris l'essentiel de l'intrigue. Cette sorcière est fantastique et tu crées des images vraiment très intense et très visuelles. L'horreur est à son comble dans cette boite de nuit, mais personne ne s'en rend compte ou presque. J'aime beaucoup sa fuite dans l'obscurité de la nuit à la fin. C'est un récit intense.
Cependant, j'ai eu beaucoup de mal à visualiser et à comprendre certaine scène ; c'est parfois confus. L'empilement des images et les phrases très longues sont parfois difficiles à lire. 😊
MidnightCat
Posté le 04/11/2023
Merci beaucoup pour ton retour Feydra! :D Je suis très heureuse de savoir que tu as apprécié l'intensité du récit ainsi que les images. Merci également pour ce retour très constructif sur le caractère un peu confus des scènes, je vais y travailler! C'est très cool de savoir ce qui peut poser problème dans la lecture, on ne s'en rend souvent pas compte soi-même malheureusement. Oui la scène de fin avait une belle énergie, je suis contente que tu l'aie sentie! ^^ Encore une fois, merci pour ces retours et d'avoir pris le temps de me lire, je vais prendre tes remarques en compte pour mes prochains écrits ;)
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