C’était à nouveau un parcours vers celui qui était peut-être mort ou peut-être vivant

Par Selma

5 février 2050

 

Emilio ! Cria Irène dans la cage d’escalier.

Était-il descendu malgré ce qu’elle lui avait dit ? Elle répéta son appel.

_ Maman, je …

Irène n’entendit pas la fin. Un bruit épouvantable avait interrompu le petit garçon. Il hurla. Irène hurla. Elle se précipita vers le rez-de-chaussée. Elle dû s’arrêter quelques marches plus haut. Une vague d’eau et de boue était en train de le submerger. La porte fenêtre avait cédée sous la pression du torrent.

 

20 février 2050

 

Irène regarda attentivement dans la direction d’où lui était parvenu le son du sifflet. Elle fit avancer Petit Robert encore un peu. C’était à peine visible. Cela ressemblait aux branches qui jonchaient le sol ça et là. Mais Irène la vit. Il y avait une personne dans la neige, dont seul le torse dépassait. Les mains étaient agrippées à une branche. Cette personne avait dû ignorer la rivière que la neige dissimulait. Irène sauta à terre. Elle ne réfléchit pas une seconde, elle prit à peine le temps de se retourner pour dire à Petit Robert,

_ Reste là et soit sage !

Elle se précipita dans la direction, tentant de se faire légère sur la neige. C’était à nouveau un parcours vers celui qui était peut-être mort ou peut-être vivant.

 

5 février 2050

 

Irène balaya le salon du regard. Un bruit lui indiqua que quelque chose avait été propulsé contre la vitre de la double porte fenêtre. Sans réfléchir, elle sauta dans les masses d’eau et de boue et nagea tant bien que mal vers l’origine du son. Elle avait du mal à avancer, des objets l’empêchaient de progresser. Mais elle le vit. Son petit garçon était devant elle.

 

20 février 2050

 

Irène sentit son pied briser une couche de glace et s’enfoncer brusquement. Son cœur manqua un battement. Elle perdit l’équilibre et tomba à quatre pattes. Elle réussit à dégager sa jambe et se releva. Elle continua et atteignit enfin la propriétaire du sifflet. Blanche ne la regardait pas. Elle fixait la neige, mais ses mains tenaient toujours la branche fermement. Les trois quarts de son corps avaient disparus sous la surface. Irène ne s’approcha pas trop, de peur de s’enfoncer à son tour, mais se mit à genoux et étendit son corps pour saisir Blanche sous les aisselles. Elle savait pertinemment que plus le poids est réparti sur la neige, moins on risque de s’enfoncer. Elle ferma les yeux et tira de toutes ses forces.

 

5 février 2050

 

Elle prit Emilio dans ses bras et retourna vers l’escalier. Elle était dans l’eau jusqu’au nombril ; traverser le salon était un combat. Elle progressait avec lenteur. Arrivée à la première marche qui n’avait pas encore été gagnée par l’inondation, elle appela au secours, essoufflée et dégoulinante. Elle n’avait pas regardé Emilio une seule fois durant sa traversée. Elle était en larmes sans même en avoir conscience. Elle tremblait de tous ses membres et ne se rendit pas compte que Thomas était déjà à sa hauteur. Il lui prit Emilio des bras et couru à l’étage. Elle le suivit, se rendant à peine compte du goût acre de l’eau qu’elle avait avaler.

Quand elle atteignit le bureau, elle eut une vision d’horreur. Thomas faisait un massage cardiaque à un Emilio défiguré. Dans sa main, il tenait Bärchen, son ours en peluche. Son visage était en sang, mais Irène n’arrivait pas à voir où se trouvait la plaie.

_ Va chercher un torchon ou n’importe quoi, il faut fermer la plaie, ordonna Thomas.

Irène courus dans la salle de bain et revint avec une serviette qu’elle appliqua sur l’endroit indiqué par Thomas.

_ Ne t’inquiète pas mon petit Emilio, tout va bien se passer, lui chuchota Irène.

Mais l’enfant avait les yeux clos. Son corps tressautait sous les massages cardiaques de Thomas. Irène continua à lui parler doucement, de le rassurer, de se rassurer elle même. Mais ses paroles n’avaient pas de sens car elle n’arrivait plus à penser. Elle était angoissée. Elle sentait qu’un poing venait de s’abattre sur la vie tranquille qu’elle avait menée à Schuld.

_ Mais réveilles toi enfin ! S’écria Thomas au bout d’un moment, désespéré.

Irène le regarda et son expression la glaça. Thomas avait cessé de réanimé l’enfant.

_ Non ! Fit-elle dans un murmure, haletante, non, ne me dis pas que c’est fini !

Thomas ne répondit pas.

_ NON ! Hurla-t-elle, NON NON NON !

Thomas éclata en sanglot et leva le corps de son fils pour le serrer une dernière fois contre lui.

Irène se prit les cheveux et les tira, se les arracha, affligée de douleur. Elle tremblait et sanglotait. Elle ne contrôlait plus son corps.

_ Pourquoi je n’ai pas été plus rapide ! Hurla t-elle, j’aurais dû te demander, tu aurais pus le ramener plus vite. JE SUIS HORRIBLE !

_ Il s’est cogné la tête, Irène, sanglota Thomas.

_ CHUT, ne me dit rien, je veux pas savoir !

Elle sorti du bureau et revint avec Hasi, le lapin en peluche qu’elle posa à côté de Emilio.

_ Il est descendu pour chercher son nounours, le meilleur ami du lapin, dit-elle d’une voix faible, il avait dû l’oublier.

 

20 février 2050

 

La glace se brisait autour de l’enfant et la neige tombait dans la rivière. Irène reprit son souffle et tira une dernière fois. Blanche atterrit à ses côtés. Irène la souleva et la prit dans ses bras avant de courir aussi vite qu’elle put vers la terre ferme, alors que la glace commençait à se briser autour d’elles, et la neige à disparaître dans l’eau. Irène poussa un soupir de soulagement tout en reprenant son souffle, puis elle chercha Petit Robert du regard. Il n’avait pas écouté les instructions à la lettre. Il s’était éloigné au pas, et ne s’arrêta pas lorsque Irène le lui ordonna. « Il faut croire qu’il ne comprend pas la langue des humains, celui là », se dit-elle sans même se rendre compte que sa pensée était absurde. Elle assis la fillette par terre.

_ Est-ce que ça va ? Fit elle en s’accroupissant.

Blanche la regardait d’un air effaré. Tout son visage avait une teinte bleuâtre. Au bout de quelques secondes, elle éclata en sanglot. Irène la prit dans ses bras.

Puis elle elle troqua son casque contre le bonnet de Blanche et inversement, avant de prendre à nouveau la fillette dans ses bras et de rattraper Petit Robert. Elle empoigna les rennes et s’enfonça dans la forêt, à la recherche d’une souche d’arbre. Irène sentait à quel point Blanche était trempée et glacée. Elle sanglotait toujours contre son épaule et s’agrippait à son mentaux comme elle avait dû s’agripper à la branche.

Irène trouva un arbre mort, allongé au travers de la forêt. Elle hissa Blanche sur Petit Robert et la suivie grâce à son trépied.

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