Pendant que tous les autres enfants vivaient la liberté retrouvée de l’été dans la rue et aux idylles fugaces, les enfants de Maât étaient toujours vus s’entrainant sur l’herbe de l’arrière-cour, et se disputant sur des questions importantes dont Typhenn ne prêtait pas attention.
À 17 ans, peut-être 18, les trois garçons n’étaient que sourires malicieux et prompts aux problèmes. Tout devait constituer un défi, seule l’adrénaline était digne de leur attention fluctuante.
« Comment pouvaient voir les chepesou en étant aveugles ? Existait-il vraiment des doubles maléfiques quelque part dans le monde ? Et si c’était vrai, cela ne les rendrait pas tous en partie divins ? Est-ce qu’un homme pouvait vraiment se battre les yeux bandés ? » Cette question ouvrit la voie à plus qu’une paire de bleues, et de nouvelles questions. « Si on mettait les os durs des enfants de Maât de côté, étaient-ils vraiment humains ? Qu’est-ce que qui les rendait différents ? » demanda un jour Ronan. Aucune réponse ne vient de Rafe, il avait donc changé de sujet vers une énième question idiote. Une alors qu’il s’amusait à incarner les grands dieux, Seth et Horus ou beaucoup d’autres.
Typhenn n’avait que 12 ans, presque aussi minuscule qu’elle ne le serait jamais, et se débattre avec leurs forces brutes suffisait à ses journées, par la déesse Sekhmet, c’était assez pour deux heures. Elle ne pouvait donc que se concentrer et suivre le mouvement sans devenir un grain de sable dans l’engrenage.
Entre Rafe et Titus, ses cousins, leur ami Ronan sortait du lot. Il avait toujours appris plus vite, son esprit ne se reposant jamais sur un échec, il glissait dessus. Tout échec, problème exigeait une solution. Il se servait de sa force uniquement lorsque l’ennui le prenait. Depuis quelque temps, sa fascination pour les casse-têtes ne le quittait pas.
Il s’assit, sentant la sueur et dégoulinant sur le porche entre un de ses casse-têtes et une bouteille d’eau.
D’ordinaire, Rafe utilisait cette courte pause pour le questionner à propos de ses séjours sur les terres druides. Ses séjours étaient toujours entourés de mystères. Elle aimait somnoler au son de leur voix évoquant des forêts sombres, d’arbres magiques et de lettres d’encres sur la peau. Elle rêvait alors de femmes aux cheveux rouges et de vieux hommes habillés de blanc. Surtout par un jour d’été aussi chaud qu’aujourd’hui alors que toutes les fleurs et feuilles se tenaient immobiles à l’arrière-cour des Alexandre. Ce jour-là, Rafe alla droit vers Titus.
Alors, la petite Typhenn s’installa à côté de lui.
— Une bonne nouvelle, mini Tina ? Ronan lui offrit un clin d’œil. Elle pouvait sentir son inquiétude lorsque ses yeux se posèrent sur son bras plâtré.
Elle haussa les épaules, voulant paraître plus forte, même si se faisant, des éclairs tressautaient encore dans son dos.
Rafe et lui avaient échangé quelques mots durs à voix basse, puis s’étaient tus aussi vite que le ton était monté. Encore maintenant, ce plâtre était la raison principale derrière la froideur persistante entre les deux garçons. Ronan détestait avoir tort, et ne s’inquiétait pas de se retrouver à deux contre un. Il laissa donc la situation stagner.
Si seulement il envisageait les relations humaines avec autant d’intérêt et de besoin d’harmonie que les puzzles qu’il résolvait, pensa Typhenn. Elle pouvait voir que cette glace persistante rongeait Rafe et Titus. Mais, cela concernait les garçons, et pour cette raison elle n’interviendrait pas, à moins qu’elle souhaite se faire mordre.
Typhenn avait un sujet plus important à aborder, elle essaya donc d’une voix basse :
— Une compétition aura lieu dans deux semaines, elle en avait déjà parlé à Rafe, mais il n’avait pas voulu entendre un mot, encore moins alors que le père de Typhenn était constamment sur son dos. Peut-être que Ronan pourrait le convaincre de participer.
Ronan imposa une torsion à son jeu de bois, puis une seconde. La chose refusait de se rendre.
— Tu ne pourras pas participer dans ton état, Ronan serra les dents, même s’il essayait d’éviter d’employer un ton acéré, car sa colère n’était pas dirigée vers elle. Sa voix blessait tout autant.
— Je voudrais y aller, lui confia Typhenn, en tant que supporter me suffirait. Presque tous les enfants de mon âge peuvent aller voir la compétition. Et, je n’ai jamais vu les souterrains.
Ronan soupira comme un vieil homme. Sa requête était-elle trop plaintive ?
— Je ne suis pas sûr que maintenant soit le moment idéal.
Ronan reposa le casse-tête, ses mains inertes sur ses genoux.
— À deux, vous seriez la meilleure équipe, insista Typhenn.
— Tu laisserais Titus derrière.
Une attaque directe que Typhenn savait contrer.
— Jouer de sa guitare insupportable jusqu’à pas d’heure l’intéresse beaucoup plus, de toute manière.
Ronan marqua une pause, elle se sentit soudain très loin de lui alors qu’il se parlait à lui-même :
— La meilleure équipe. Cela pourrait le tirer de ses pensées sombres, puis il se tourna vers Typhenn, ses yeux vert et marron pétillaient presque. Je vais voir ce que je peux faire. En attendant, guérit vite que l’on puisse reprendre ton entrainement.
Ronan lui offrit un sourire amer. Elle n’arrivait pas à savoir s’il s’incluait dans l’entrainement.
— Ouais, le plus vite possible, marmonna Typhenn.
Elle devra résoudre le problème de ses os fragiles, ou devenir plus dure à la douleur, se dit-elle en serrant le poing de son bras brisé. Un jour, elle ne serait plus une petite fille, un jour elle deviendrait aussi forte qu’eux, voire plus forte encore.
Ronan lui lança son maudit casse-tête défait qui atterrit sur ses genoux. Qu’était-elle supposée faire avec cette chose ?
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