Et je l’ai vu, moi, je vous le dis, je l’ai vu ce jour-là sur les pavés ocre et sales de la grand-route qui longe la mer avec une rigueur sans nom, inattendue, inquiétante, et lui qui marchait dessus, qui marchait sur cette inquiétude et cette rigueur que ne peut exprimer qu’une pierre avec une couleur aussi, aussi singulière, riche et chaude à la fois tout en indiquant quelque chose de presque surréel, une couleur qui tranche sur l’herbe fraiche, la terre humide, les fleurs de printemps, le bleu d’un ciel immaculé ; il marchait sur tout cela comme si ça ne l’atteignait pas, le malfrat, le gonflé, le morveux, le grand morveux de trente-sept ans, je l’ai vu là-bas, marcher, me tourner le dos en avançant, dans son costume, plonger dans les lignes de fuites sans se presser, aspiré, happé, bouffé par l’horizon irrespirable et sans répit de mes peines, de mes courages, de mes fuites et de mes trous noirs, je l’ai vu se déliter dans le jour, se déliter sur le paysage, dans le brouillage soudain des choses, de l’air, de l’atmosphère embrumée comme un nuage de mauvais présage mais aussi doux que blanc coton qui soudain s’abat dans la douceur la plus suspicieuse, je l’ai vu, je vous le dis, arpenter mon inconscient, mon subconscient, ma conscience dans le plus grand et le plus effronté des crimes, mais c’est un scandale, mais c’est un viol, comment voulez-vous que je fasse, comment voulez-vous, dites-le moi, je vous en prie, moi je vous dis qu’il me déchire, comment voulez-vous que je me répare, que je me reconstruise, qu’un jour à nouveau je me sente propre, immaculée, pure, maintenant qu’il est entré, qu’il s’est immiscé, qu’il a tout détruit, tout entaché, tout brûlé de sa froideur apathique, je suis enfoncée dans le drame le plus grave et comment voulez-vous donc que je daigne m’en remettre ?
C'est à la fois une histoire floue et dans laquelle on peut facilement se retrouver selon moi.
Et j'adore ce principe de ne faire qu'une seule place. Cela renforce le message avec une force phénoménale. Je garde l'idée dans un coin de ma tête !
Je ne trouve pas de qualificatif ^^ et il n'y a rien à redire au style. C'est tellement subjectif. En tout cas moi ça m'a beaucoup plu.