Melinda tourna une page de plus du journal de petites annonces qui l'occupait ces derniers jours. Elle n'avait pas encore trouvé un logement qui lui convienne, cependant, sa nouvelle identité était arrivée pile à temps pour son départ. C'était devenu une habitude, une routine sans danger. En levant son regard sur son portable, elle sourit. Dans quelques heures son vol décollait et elle recommencerait tout à zéro, une fois de plus.
En s'installant dans l'avion, Mélinda éteint son téléphone et s'enfonça au fond de son siège. Pour cette fois, elle avait choisit de tout reprendre en France. Elle atterrirait à l'aéroport de Lyon, puis prendrait un taxi pour rejoindre sa nouvelle résidence. Elle avait finit par trouver une chambre chez l'habitant, quelque chose de parfait, le temps de prendre ses marques. Lorsque le décollage fut annoncé, elle enfila ses écouteurs et mit la musique à fond.
*
Bastien se réveilla brusquement au moment où son téléphone sonna. Il le prit et se frotta les yeux de sa main libre le temps de voir assez clairement pour lire. Ce n'était pas un appel mais un mail qu'il venait de recevoir, d'un correspondant inconnu. Il soupira, pourquoi n'avait-il pas coupé le son en se couchant? Plus par dépit qu'autre chose, il ouvrit le message et le lut en diagonal. Il sourit légèrement. Il allait devoir prendre un peu de temps mais son annonce de location venait enfin de trouver preneur.
Il regarda de nouveau l'heure et vit qu'il était déjà cinq heures du matin. Sa nuit était fichue de toute façon. Il se leva et alla prendre une douche. Une fois bien réveillé et devant un thé fumant, il répondit au mail sur son téléphone.
« Bonjour,
La chambre est toujours disponible et le prix reste le même. Comme indiqué dans mon annonce, cette pièce est rénovée mais le reste de la maison est en travaux. Si vous êtes intéressé malgré les aléas du bruit et des inconvénients liés au chantier en cours, appelez moi sur mon portable à votre arrivée en France.
Cordialement. »
Bastien regarda autour de lui, les murs délavés, le sol craquelé et le frigo branché sur une rallonge depuis une autre pièce de la maison lui arracha un rire nerveux. Qui accepterait de vivre ici une fois qu'il ou elle aurait vu l'état des parties communes. Payer les frais de succession avait mis à mal tout ce qu'il possédait. Maintenant, il vivait dans des murs et un toit qui lui appartenait mais cela s'arrêtait là. Tout était à refaire, de la plomberie, en passant par l'électricité et tout le reste. En terminant une première chambre, il avait pensé à la louer pour renflouer un peu son compte et facilité l'avancée des travaux. Cependant, cela faisait des semaines et c'était la seule offre qu'il avait reçu. Il évacua comme il le put ces pensées négatives et se mit au travail.
*
Melinda s'aspergea d'eau à plusieurs reprises, elle était enfin sur la terre ferme et les sueurs froides que le vol avait provoqué chez elle n'avaient pas encore prit fin. Elle se sentait ridicule, comment pouvait-elle si mal supporter l'avion et n'être même pas stressée de passer la douane. C'était ironique, mais elle ferait avec. Après quelques minutes, elle se dirigea enfin vers la sortie de l'aéroport, passa la sécurité sans heurt et s'arrêta une fois dehors. Elle prit son téléphone et l'alluma. Ce dernier sonna à plusieurs reprises, elle vérifia ses messages et composa le numéro de son futur colocataire. Après quelques sonneries, il répondit:
« Oui allo.
- Bonjour, je suis Melinda, nous avons échangé des mails concernant votre chambre à louer. Je viens d'arriver en France et le prix et vos conditions me conviennent. Puis-je venir directement ?
- Je serais tenté de vous dire oui, mais je dois vous prévenir que la maison est loin d'être un palace. Vous risquez de changer d'avis une fois sur place... à vous de voir.
- C'est tout vu. Je prends un taxi, je vous enverrais un message pour vous informer de mon heure d'arrivée. Au revoir. »
Sans attendre de réponse, Melinda raccrocha. Pendant les heures suivantes, elle dormit dans le taxi.
*
Bastien regarda son portable une fois de plus. C'était bientôt l'heure annoncée par sa future colocataire. Il soupira, c'était une bonne nouvelle d'avoir enfin trouvé quelqu'un, mais il craignait qu'elle ne soit pas capable de l'aider. Elle avait certes accepté par téléphone, cependant une fois devant la maison et pire une fois entré... Il soupira de nouveau. Depuis la pièce où il refaisait les murs et l'isolation, il entendit une voiture entrée dans sa cour. Il défit sa ceinture d'outils et s'épousseta avant d'aller à la rencontre de la nouvelle arrivée.
Le chauffeur du taxi immobilisa son véhicule prêt à repartir quand Bastien le rejoignit. La porte arrière s'ouvrit et une femme aux longs cheveux noirs et aux yeux marrons en sortie. Elle avait le visage endormit et marqué par les motifs de son pull en laine. Il s'approcha et se présenta à la nouvelle venue.
« Bonjour, je suis Bastien.
- Moi, c'est Melinda. Enchantée, répondit-elle en émergeant doucement de son sommeil.
- De même, répondit-il par automatisme, je vais vous montrer la chambre et... la maison. »
Elle sourit et récupéra sa valise, avant d'emboîter le pas de son colocataire. Derrière eux, le taxi quitta la cour. En entrant dans le hall d'entrée, elle ne put s'empêcher de lâcher quelques mots:
« Ha bah... quand même.
- Je vous avais prévenu... mais je comprendrais si vous changiez d'avis. » répondit-il, gêné par la situation.
Elle sourit et reprit la parole:
« Non rassurez-vous, mais... si vous me le permettez...
- Allez-y et si vous êtes d'accord, tutoyons-nous, si nous sommes amenés à vivre ensemble, je préfère plus de familiarité.
- Bien, je me montrerai donc honnête et directe. Tu sais vraiment ce que tu fais ? Je n'ai pas vu un chantier aussi chaotique de toute ma vie. »
Bastien demeura silencieux quelques secondes, accusant le coup d'une telle déclaration. Elle n'avait pas tort mais cela faisait mal quand même. Il déglutit et se força à sourire.
« J'ai jamais rénové une maison de ma vie et je n'ai pas les moyens de faire venir des professionnels pour s'occuper du chantier. Alors j'apprends par la pratique et avec de vidéos tutos sur internet. »
Il marqua une pause et reprit:
« La chambre est part là. »
Melinda le suivit en silence et sourit en découvrant la pièce. C'était sommaire mais propre, peint en blanc, avec un lit, un bureau, une fenêtre donnant sur un champs, au delà la visibilité était insuffisante avec la nuit qui tombait. Elle offrit un sourire à son colocataire et annonça:
« Ça me convient. Les prises fonctionnent ?
- Oui, cependant je dois souvent couper le courant pour le chantier.
- Pas de problème. Pour ce qui est du loyer, je te ferais un virement chaque début de mois. Quant aux autres dépenses, j'achèterai moi-même ce qui va me manquer dans la chambre et on fait cinquante cinquante en ce qui concerne les courses.
- Vraiment ? Demanda-t-il surprit.
- Oui, je ne m'attendais pas à être nourrit avec un loyer aussi bas. De plus, si je voulais vivre et manger seule, je n'aurais pas choisit une colocation, répondit-elle en souriant, pour ce soir en revanche, entre le décalage horaire et ma journée de voyage, je vais me coucher.
- Oui... désolé. » dit-il en sortant précipitamment.
Une fois seule dans la chambre, Melinda sourit en entendant Bastien lâcher un gros soupir derrière la porte. Pour un humain, il était assez banal, qu'il s'agisse de son apparence ou de son physique, mais il avait un caractère qui ne lui déplaisait pas. Tant qu'il ne découvrait pas la vérité à son propos, cette colocation devrait bien se passer. Cependant, elle avait plus urgent à gérer pour le moment, sa fatigue était anormale, enfin... elle était le signe d'un besoin vital. Il était temps pour elle de boire à nouveau du sang.