La tyrannie que je m’infligeais va enfin prendre fin aujourd’hui, d’une façon ou d’une autre.
Dans le bus qui nous menait vers une énième thérapie pour lui, mon amour, je voulais y croire, mais je n’étais pas sûre. Peut-être que ce matin ensoleillé, avec son thé trop léger, n’était pas suffisant. Mon estomac se tordait, pas seulement à cause de mes doutes. Les regards des autres passagers glissaient sur moi, ou peut-être pas... Peu importe, je les sentais quand même. Ils voyaient ma maigreur, c’était certain, même si j’avais fait semblant de l’ignorer. Jusqu’à récemment.
- Hey, ne t'en fais pas, Morgan, ça va bien se passer... On est là pour avancer, pas pour te faire du mal.
- Je n’y peux rien, Stan, je n’ai pas l’habitude d’être dehors. Ça me stresse un peu, tu le sais.
- Juste un peu ?
- D'accord, beaucoup.
- Ils n’ont juste pas l’habitude de voir une merveille pareille… Tes cheveux noirs sur ton teint de vampire ? Ils doivent s’en remettre. Et toi aussi.
Malgré moi, un léger sourire effleura mes lèvres, mais il s’effaça presque aussitôt. Un rire nerveux monta dans ma gorge.
- Merci, Stan, murmurai-je en baissant les yeux.
Je savais qu’il essayait de m’aider, et son optimisme obstiné méritait bien ça.
Mon regard glissa vers une femme assise en face de nous. Elle fixait les portes du bus comme si sa vie en dépendait. Ses doigts noués serraient un sac à main élimé, et j’imaginais qu’elle comptait mentalement chaque arrêt pour se convaincre qu’elle arriverait bientôt. Ça me rappelait un peu moi. Peut-être que je n’étais pas la seule à être pétrifiée par une chose aussi bête qu’un trajet en bus. Cette pensée me fit oublier, un instant, le poids qui m’écrasait.
- Enfin, ça s’arrête.
Je fus la première à descendre de cet engin de malheur, suivie par quelques passagers nauséeux et, enfin, Stan, pressé de savoir comment je me sentais. Après l’avoir rassuré, le guide nous autorisa à nous disperser. Ni une, ni deux, nous nous sommes mis à courir jusqu’à ne plus voir quoique ce soit du bus ou de ses occupants. Alors que je reprenais mon souffle, mon chevalier servant me prit dans ses bras et se remit à courir.
- Tu comptes m'embarquer où comme ça ?
- Dans un endroit où j'allais petit, une grotte sublime avec une source souterraine. L'eau y est potable, et les reflets sur les cristaux sont à couper le souffle. Je suis sûr que ça va te plaire.
- Et tu ne peux pas me laisser courir ?
- C'est un peu loin. Si on faisait ça à ton rythme, on n’y serait jamais assez tôt pour en profiter.
Il est vrai que mes dernières années d'enfermement m'ont salement amochée. Courir quelques mètres sans être au bord de l'agonie ? Impossible. Pourtant, dans ses bras, tout semblait plus facile, même si je devinais l’effort qu’il fournissait pour nous entraîner à cette allure.
Tandis qu’il avançait avec cette énergie inépuisable qui le caractérisait, je ne pouvais m’empêcher de le détailler. Ce n’était pas un prince des contes de fées, pas grand avec des cheveux blonds flottant au vent. Non, Stan était tout autre. Ses muscles discrets témoignaient de sa force, mais c’était surtout son sourire qui illuminait tout, jusqu’à la vie des inconnus croisés par hasard. Ses yeux, couleur d’herbe tendre, me faisaient penser à une prairie sous un soleil d’été. Ses cheveux bruns coupés courts, bien qu'ordinaires, encadraient ce visage où la chaleur et la sincérité prenaient toute la place.
Stan, c’était une présence : celle d’un roi déchu, humble mais inébranlable. Une âme capable de surpasser les plus grands hommes de ce monde ou du suivant. Et dans ses bras, doux et chauds, il m’offrait un refuge contre cette vie qui ne cesse jamais de nous briser.
Pris dans son élan, il ne fit pas attention et nous envoya dans le décor. Nous tournoyâmes dans la végétation, glissant jusqu’au bas d’une pente vertigineuse.
Il est vrai que mes dernières années d'enfermement m'ont salement amochée. Courir quelques mètres sans être au bord de l'agonie ? Impossible. Pourtant, dans ses bras, tout semblait plus facile, même si je devinais l’effort qu’il fournissait pour nous entraîner à cette allure.
Tandis qu’il avançait avec cette énergie inépuisable qui le caractérisait, je ne pouvais m’empêcher de le détailler. Ce n’était pas un prince des contes de fées, pas grand avec des cheveux blonds flottant au vent. Non, Jordan était tout autre. Ses muscles discrets témoignaient de sa force, mais c’était surtout son sourire qui illuminait tout, jusqu’à la vie des inconnus croisés par hasard. Ses yeux, couleur d’herbe tendre, me faisaient penser à une prairie sous un soleil d’été. Ses cheveux bruns coupés courts, bien qu'ordinaires, encadraient ce visage où la chaleur et la sincérité prenaient toute la place.
Stan, c’était une présence : celle d’un roi déchu, humble mais inébranlable. Une âme capable de surpasser les plus grands hommes de ce monde ou du suivant. Et dans ses bras, doux et chauds, il m’offrait un refuge contre cette vie qui ne cesse jamais de nous briser.
Pris dans son élan, il ne fit pas attention et nous envoya dans le décor. Je dévalai la pente à ses côtés, roulant dans la végétation jusqu’en bas.
- On est arrivés !!!
- Comment ça ?
- Regarde par là.
Juste derrière moi, une cavité s’ouvrait, sans fond visible. La grotte semblait plus hostile que splendide, mais Stan s’y engouffrait déjà, tout sourire. Je n’étais pas sûre de rien, mais en le voyant sourire ainsi, je n’avais pas le cœur de lui dire non.
- Tu es sûr que c'est la fameuse grotte dont tu me parlais ?
- Certain.
- Mais tu disais qu'elle est sublime avec une source souterraine, et que les reflets sur les cristaux sont à couper le souffle… Je ne vois rien de tout ça, je ne vois rien du tout en fait.
Marchant derrière lui, je m’engouffrais dans l’obscurité, suivant d’avantage le son de ses pas que la vus de sa corp à peine distincte.
- Mauvaise langue, attends avant de te faire des fausses certitudes.
-… Et ça va jusqu'où, ma « fausse certitude » ? Là, je vais finir par me péter la couenne.
-Tu ne vas pas me jeter un sort quand même, Morgan ?
- Qu’entendez-vous par là, M. Smith ?
Nous avons éclaté de rire comme des enfants, dans le noir. J'ai senti sa main se glisser dans la mienne et m’entraîner plus loin, à travers la pénombre. Il nous a fallu plusieurs dizaines de mètres avant de commencer à distinguer des ombres, et encore une bonne centaine avant de parvenir face à une merveille de la nature, cachée au cœur des sous-sols de nos montagnes.
Le spectacle en valait le détour : les cristaux étaient bien plus grands que ce que j'avais imaginé, certains atteignant la taille d'un être humain. La lumière qui émanait de l'eau, amplifiée par des miroirs naturels, apportait la lueur du soleil teintée de bleu ciel par l'eau cristalline d’une source d’une pureté à couper le souffle. Un breuvage naturel et rafraîchissant, bienvenu après l'effort de la course d'obstacles qui nous avait menés jusqu’ici.
Dans cette grotte, l'air était frais, presque glacial comparé à la chaleur douce du printemps à l'extérieur. Un froid apaisant qui engourdissait un peu la peau, contrastant avec la chaleur qui nous avait accompagnés tout le long du chemin. C’était un soulagement, un véritable répit après la sueur et la course.
La voûte qui nous surplombait était tout aussi impressionnante. J'aurais juré qu'elle avait été façonnée par de Vinci lui-même, d’une finesse stupéfiante, sculptée de scènes abstraites, du quotidien ou de mythes anciens, mais percée ici et là par d’immenses stalactites. Des plantes aquatiques ajoutaient à la sérénité du lieu : des nénuphars multicolores, des papyrus gigantesques, qui ne connaîtront jamais la misère que l'humanité inflige à la nature et à ses semblables.
Je m'assis au bord de l'eau, retirant le tissu de mes pieds pour les rafraîchir un moment. Le contact de l’eau froide sur mes orteils m'électrisa, un frisson agréable qui remonta le long de mes jambes. L’eau, fraîche et pure, m’invita à en goûter une gorgée. Elle glissa dans ma gorge, d’un goût presque sucré, cristallin, comme un soulagement après une longue soif. C’était un goût qui semblait n’exister que dans cet endroit secret, loin du monde.
- Mon père m'emmenait ici quand j'étais petit, il me disait « c'est ici que j'ai créé notre histoire avec ta mère, je te souhaite d'en faire autant. »
Je le regardais un instant, le sourire aux lèvres. Le prenait-il pour un sourire gêné ? C'était bien mal me connaître… Je laissais planer le silence, dans le doute. Après tout, il adorait son père, mais… il aimait aussi mon sarcasme, qui ne se gênait de rien en sa compagnie. Je jouais un instant avec l'idée, cherchant mes mots, leur donnant un brin de malice, accentué par celle dans ma voix :
- … Et tu l'as souvent sortie, cette histoire…
- Non, … Je sais que je suis sublime, mais je n'ai pas tant de conquêtes voyons…
C'est bien notre genre, incapable de parler sérieusement cinq minutes quand nous sommes seuls. Il aura au moins palier ça chez moi, mon sérieux inébranlable brisé par ce clown triste. C'est lui qui me fait rire, il est devenu ma joie de vivre.
Je me suis mise à chanter, sans aucune raison, juste chanter. Peut-être pour ressentir l'âme de ce lieu si particulier, les cristaux me renvoyaient ma voix comme rajeunie, comme si l'enfant que j'avais été me parlait, me rappelant que j'avais connu le bonheur et la joie, et qu'aujourd'hui, j'avais encore le droit de connaître ce bonheur.
Cette voix était celle d'une petite fille qui avait peur d'être seule. Je l'avais enterrée, enfermée sous une carapace, pour pouvoir tenir face à ma tristesse, pour ne plus tomber. Mais cette petite fille, c'était moi.
Mes yeux se sont mis à couler, pour la première fois depuis des années, je pleurais sans retenue, oubliant jusqu'à Stan, qui s'était empressé de me consoler. Mais malgré son geste avenant, je sentais qu'il comprenait. J'avais besoin de ces larmes, j'avais besoin de laisser sortir cette petite fille apeurée.
J'ai continué à chanter jusqu’à ne plus en avoir la force, essoufflée. Je ne tenais plus debout, et Stan m'a proposé de rester dormir dans cette grotte « aux sentiments ». Je m'endormais déjà dans ses bras, sans savoir comment nous rentrerions.
Je ne sais pas combien de temps nous avons dormi, mais je savais une chose : être réveillé par du rouge n’a rien, mais alors rien de rassurant.
La lumière rouge, d'abord douce, émergeait du fond de la source, un rouge sombre, presque noir, qui teintait l'eau comme du sang. Elle se diffusait lentement, envahissant l'espace autour de nous avec une froideur métallique. Ce n’était pas la douce lueur que l’on pourrait attendre d’un matin tranquille. Non, c’était une lumière qui transformait chaque recoin de la grotte en un champ de bataille figé dans le temps.
Mon cœur s’est serré sans prévenir. Ce rouge… il semblait se glisser dans mes veines, une chaleur qui n’avait rien de réconfortant. C'était comme si l’atmosphère elle-même se mettait à suffoquer, se resserrant autour de nous. Le rouge n’était pas seul. Des éclats orangés venaient se mêler à la couleur du sang, éclaboussant les cristaux de l'eau, les rendant presque méconnaissables, comme des débris laissés après une explosion. Puis, des nuances de violet vinrent s’ajouter à la danse macabre, vaporeuses, presque spectrales.
Je me levai précipitamment, les jambes lourdes et engourdies, mais mes pieds glissèrent sur le sol humide. Mon corps vacilla, et avant même que je puisse me rattraper, je m’effondrai sur le sol froid. Un choc sourd, ma tête se cogna légèrement contre une pierre. Le sol semblait se déformer sous la lumière, comme si la grotte elle-même se dérobait sous mes pieds.
L’air se faisait plus lourd, m’écrasant la poitrine. Je peinais à respirer, mon souffle court, irrégulier, étranglé. Le silence, d’abord paisible, était maintenant brisé par des bruits sourds, un bourdonnement étrange et oppressant, comme si quelque chose de monstrueux se réveillait dans l’obscurité.
Je n’arrivais pas à bouger. Je n’étais plus que spectatrice, noyée dans un tourbillon de lumière rouge, la lumière qui déchirait l’obscurité. Mon corps me semblait irréel, détaché de la scène. J’étais là, tombée, à la merci de cette lumière infernale. Les éclats de couleur m’enveloppaient, se répandant sur moi, chaque nuance de rouge, d’orange et de violet m’oppressant davantage.
Une secousse me traversa, mes mains tremblantes cherchant à se saisir de quelque chose, n’importe quoi, pour me relever. Mais tout semblait glisser sous mes doigts. Je fermai les yeux un instant, essayant de fuir l’intensité de ce spectacle macabre. Les visions, les couleurs, tout tournait autour de moi, m’enserrant dans une spirale de terreur indescriptible.
Et puis, tout à coup, je le sentis près de moi. Je n’avais pas vu Stan se pencher, il était là, tendant une main vers moi. Mais cela me sembla durer une éternité. Je n’avais pas l’impression d’avoir fait une chute brutale, le temps semblait avoir ralenti, figé dans l’horreur.
Il me releva lentement, comme si, tout à coup, le monde avait retrouvé un semblant de normalité. Mais moi, je restais tremblante, le sol toujours humide sous mes pieds.
- Qu’est-ce que c’est ?
- Peut-être le crépuscule… mais à cette heure, ce serait surprenant. Le mieux serait d’aller voir.
Je sentais la nervosité de Stan, son ton rassurant ne masquant qu’à peine la tension dans sa voix. Il essayait de m’apaiser, mais l’angoisse que j’avais ressentie en me levant n’était pas prête de s’éteindre.
- …
- Il faut bien comprendre ce qui se passe, non ? Ce n’est sûrement rien, juste l’effet de la lumière. Tu as peur parce que ce sont les couleurs de l’incendie, mais tu sais comme moi que ça ne peut pas venir d’ici. Tout va bien se passer, je te le promets.
Il disait cela avec cette conviction rassurante, mais au fond de ses yeux, il y avait cette lueur…
Je te mets dans ma PAL également, car je suis amatrice d'histoire comme la tienne !
J'ai survolé quand même, juste pour les tiret cadratin pour les dialogues — alt+0151 =)
Bon je dois écrite 150 minimum ... Je reviendrais dans l'après-midi, j'ai mis dans ma PAL pour retrouver le texte rapidement !