chap 12: evasion ( parti 2)

Notes de l’auteur : comme promis on fini au 14 juillet malgré quelque soucis qui m'ont empêché de posté. je m'excuse du désagrément au près de tout ceux qui ont attendu et espère que cette histoire aura plus

Je me réveillai en sursaut, le souffle court, trempée de sueur, le cri de mon père encore coincé dans ma gorge, le réveil affichait minuit.

Au matin, rien ne semblait aller, je le sentais bien. J’étais trop fatiguée pour réfléchir clairement et j’étais persuadée que mes chagrins allaient encore prendre les décisions à ma place. Je n'avais été bonne à rien, juste suffisamment consciente de mon environnement pour comprendre que les autres attendaient mon signal.

J'avais donné mon pain et quelques fruits à ceux du haut avant de me recoucher en moins d'une heure, mais rien à faire, impossible de trouver le sommeil. Je fis tout de même un signe au grand-père, qui m’avait confirmé l’efficacité de la poudre : un V formé avec mon auriculaire et mon annulaire. Deux nuits, l’histoire de tout être reposé, car la nuit serait longue. J’avais prévenu ceux du haut que je ne viendrais pas la nuit suivante et qu'ils devraient se reposer le jour suivant, dans la mesure du possible.

Je devais prévenir le plus grand nombre d’esclaves possible sans me faire repérer, et agir rapidement avant le premier changement d’équipe. Le temps était compté, et je devais répéter l’opération autant de fois qu’il y avait de groupes sans jamais attirer l’attention sur moi. Le système était simple, mais efficace. Je faisais passer le signe en utilisant mes mains, changeant subtilement ma position à chaque fois pour éviter toute suspicion. La difficulté résidait dans l’inconfort de la posture, mais c’était précisément ce qui rendait la méthode si efficace. Un simple V aurait été trop évident, trop commun, et aurait éveillé les soupçons des surveillants. Mais en détournant légèrement mes doigts, simulant une douleur ou une gêne, le signe passait inaperçu, tout en communiquant le message de manière claire.

Je savais que l’étage des enchères avait été rebouché et que la tyrolienne avait été coupée. Il me fallait maintenant trouver un étage plus proche des leurs, mais pas trop bas, pour pouvoir les faire sortir du mur sans être repéré. J'avais choisi de ne faire confiance à personne pour ce plan. Mais moi, je pouvais voler, et cela m’offrait la possibilité de tendre une nouvelle tyrolienne, suffisamment longue pour dépasser le mur d’enceinte de la ville, que je situais autour du 60ème étage. Les jardins étaient trop bas pour couvrir la distance nécessaire, le plus haut étant au 65ème étage. Les logements stratégiques, eux, étaient trop hauts, et je savais qu’à l’étage 283, il n’y avait pas de risques immédiats. La chambre de commerce aurait été parfaite, mais la sécurité avait été renforcée à la suite des deux évasions réussies. Quant à l’étage de Katatium, il commençait à être réinvesti, et leur centre de recherche n’avait jamais été vide… À l’étage 145, c’était sans doute mon meilleur choix. Les parois du centre de détention étaient renforcées, et je savais que je n’aurais jamais pu percer ces murs.

Je préférais leur donner rendez-vous à un étage dont je connaissais bien l’agencement. Aucun d’eux n’émit de refus catégorique, même si personne n'était particulièrement enthousiaste à l’idée de s’aventurer dans un endroit sécurisé rempli de mutants dangereux et assoiffés de sang. Pourtant, j'étais convaincue que tout se passerait bien de ce côté-là. Quant à l’autre partie du plan, il y avait peu de circulation la nuit dans le tour, et tant qu’ils se déplaçaient en groupes de deux ou trois, ils ne devaient pas paraître suspects. Le soir venu, Cassiopée semblait avoir des doutes, mais je me contentai de lui dire que mon plan avançait. Elle ne chercha pas à en savoir plus et je ne lui donnai aucun détail supplémentaire. Je partis ensuite dans ma chambre, le cœur lourd. J’avais hâte de partir, mais je pris tout de même un moment pour lui écrire un mot de réconfort, un simple au revoir. Il était difficile de ne pas laisser transparaître ma nervosité, mais je savais que c'était la seule manière d'aller de l'avant.

En l'entendant se coucher, j'enfilai une veste à capuche pour dissimuler mes ailes. J'eus cependant du mal à tout cacher : une partie d’entre elles dépassait encore, forçant certaines plumes à se glisser dans mon pantalon. Ce n’était ni confortable ni élégant, mais je n’avais pas le choix. Je savais que les gardes me repéraient principalement grâce à mes ailes, et je ne pouvais pas les laisser visibles à un moment aussi crucial, alors que nous allions déambuler dans les couloirs. Sans elles, je pourrais passer pour une dignitaire non mutée, désireuse de rester discrète sous sa capuche.

Je me faufilai ensuite dans les ventilations. À chaque serrure rencontrée, je glissai une plume dans le mécanisme ; elles s’ouvrirent toutes en même temps, comme prévu. L’effet était silencieux, rapide, presque élégant. La femme qui m’avait aidée m’attendait derrière l’une des portes ; je la laissai me suivre dans le bureau, que j’ouvris sans un bruit, l’oreille tendue pour m’assurer que nous étions seules.

— Passe devant. Les autres te font confiance : si tu passes devant, ils voudront te suivre.

— Je ne suis pas un leader.

— Moi non plus. Et pourtant, me voilà à te donner des ordres pour sauver tout le monde. Alors fais-moi confiance, et tout le monde sera sorti avant minuit. Compris ?

— Compris… mais tout le monde a peur. La plupart sont nés dans cette tour. On ne connaît pas le monde extérieur. Certains ont même exprimé l’envie de rester dans leurs cellules.

— Et pourtant, ils en sortent. Tu les as convaincus, toi et les autres. Alors maintenant, indique-moi ceux qui vous ont aidés à les faire sortir. J’en mettrai un par groupe. Descends à l’étage prévu avec le premier groupe : vos camarades d’en bas devraient commencer à arriver. Tu pourras leur confier les plus fragiles et rester là pour accueillir ceux qui suivront.

Dans le bureau de son Altesse, je pris un moment pour rassembler quelques papiers. Aucun n’était vital pour le fonctionnement de la tour : quelques correspondances houleuses, des relevés de recensement, des listes des dernières ventes d’esclaves… Il s’agissait surtout de documents concernant le monde extérieur.

— D’accord, je te fais confiance. Mais au moindre problème, tu n’entendras plus jamais parler de moi. Je te vendrais aux gardes sans hésiter pour protéger mon fils. J’espère que tu comprends.

— Totalement. Mais ne perdons pas de temps.

J’expliquai le plan aux autres habitants des cellules et composai une première équipe de cinq, qui descendit aussitôt. Ils devaient renvoyer l’ascenseur immédiatement après, pour qu’on le monopolise et qu’aucun garde ne puisse s’en servir pour monter.

Néanmoins, je restai attentive au moindre bruit dans les couloirs, tout en organisant les équipes suivantes. Je devais partir avec le dernier groupe, composé seulement de trois personnes : une louve, un hérisson… et moi.

Les équipes se succédèrent rapidement. Il était bientôt minuit, et il ne restait plus que trois groupes à faire descendre lorsque le premier problème survint : un garde prenait le deuxième ascenseur… et il s’arrêta à notre étage.

Je l’avais entendu arriver, postée juste devant les portes. Dès qu’elles s’ouvrirent, je l’assommai d’un coup sec à l’aide d’un dossier rigide. Il n’aurait pas le temps de donner l’alerte, mais son absence serait forcément remarquée.

Je le traînai jusqu’aux cellules et refermai la porte derrière moi sans un mot. Puis je me tournai vers le hérisson :

— Pars avec le prochain groupe. On doit accélérer le mouvement.

Si l’alerte est donnée trop tôt, tout est foutu.

J’étais soulagée d’avoir prévu un moyen de percer le mur sans bruit. Le travail avait déjà commencé avant mon arrivée, mais le risque, lui, n’avait jamais été loin. Il nous rattraperait dès que le garde donnerait l’alerte.

J’entrai enfin dans notre unique voie de sortie avec la louve et le dernier groupe, retenant mon souffle tandis que l’ascenseur descendait vers l’étage de tous mes espoirs… et de toutes mes craintes. Des semaines de préparation, de nuits volées et de mensonges murmurés m’avaient menée à ce moment. À la survie de ces gens.

Lorsque les portes s’ouvrirent, je bondis hors de la cabine et courus droit devant moi, jusqu’au fond de l’immense pièce, là d’où venaient les bruits sourds des coups contre le mur. Je laissai la renarde prendre en charge le dernier groupe. C’était à mon tour de frapper.

Papi Poudre m’attendait, une corde à la main, le regard déterminé, prêt comme s’il n’avait jamais douté une seule seconde. Une vie entière passée ici avait sans doute suffi à nourrir sa décision. Il n’attendait plus rien de ces murs, juste une dernière occasion d’en sortir debout, utile, libre.

— Comment ça avance ?

— Les éléphants ont presque fini d’ouvrir le mur.

— Je vais m’attacher…

— Un souci ?

— Si je ne suis pas assez rapide, on risque d’en avoir un gros. Dès que j’aurai décollé, commencez à vous préparer. Je veux que les premiers sautent dès que la corde sera tendue entre ici et le mur. N’oubliez pas que la descente se fait en deux temps : d’ici au mur, puis du mur à la terre ferme. Il faudra vous détacher, puis vous rattacher rapidement. Ça vous semble faisable ?

— On va gérer, t’en fais pas. Les seuls à vraiment surveiller, ce sont vos amis du haut. J’suis pas sûr qu’ils sachent faire un nœud.

— Crotte. J’ai oublié ce détail. Il me faut trois volontaires pour les aider…

— Tous ceux d’en bas savent faire des nœuds, c’est la seule chose qu’on nous apprend ici. Je me posterai sur le mur pour les rattacher, mon frère pourra les détacher une fois au sol. Il ne t’en manquera qu’un.

— La renarde. Les renards apprennent vite. Tu pourras lui montrer ?

— Bien sûr. Mais elle est où ?

— Elle arrive. Demande-lui pour moi si elle veut bien faire les attaches ici. Merci…

Je partis sans attendre sa réponse. Il n’y avait plus de temps à perdre. Je devais rejoindre les éléphants au plus vite pour me harnacher à la corde déjà solidement fixée aux structures métalliques des anciens dispositifs de recherche. À peine avaient-ils fait tomber la paroi que je m’engouffrai dans la brèche, portée par l’urgence, le cœur cognant aussi fort que mes ailes.

Mon objectif était simple, en théorie : atteindre le mur d’enceinte de la ville avant que les créatures nocturnes ne me repèrent, accrocher la corde à un des poteaux de communication, redescendre jusqu’au sol, y trouver un point d’ancrage et, enfin, m’envoler vers le camp rebelle pour ramener de quoi faire fuir tous ceux que j’avais promis de sauver.

Pas de pression, bien sûr. Juste la vie de plusieurs centaines de personnes sur les épaules. Une soirée banale.

Tout se déroula sans accroc jusqu’à mon atterrissage. Mais une fois au sol, le vrai cauchemar commença. Un désert sec, immense, vide de toute structure. Pas un arbre, pas une pierre, rien à quoi accrocher cette foutue corde. Et là-haut, certains avaient sans doute déjà sauté, suspendus dans le vide, attendant que la ligne se tende, coincés sur le flanc du mur comme des fruits mûrs prêts à tomber.

Je finis par tendre la corde moi-même, m’arc-boutant de tout mon poids, ancrant mes pieds dans le sable dur. Je n’avais aucun moyen de savoir si cela tiendrait… ni combien de temps il me restait avant que les éléphants ne décident de faire le grand saut.

Je fus soulagée en voyant émerger, à travers le brouillard épais de la nuit désertique, plusieurs silhouettes fines, légères, appartenant à des espèces agiles. Une fois les pieds posés au sol, je leur expliquai la situation en quelques mots pressés, le souffle court. Heureusement, ils comprirent vite l’urgence.

Je leur confiai la corde, qu’ils s’empressèrent de saisir à plusieurs. Leur plan était simple : se relayer pour faire descendre les plus lourds et échanger les positions au fur et à mesure, comme une chaîne de solidarité improvisée. Une solution imparfaite, mais elle tenait debout. Et surtout, elle était en marche.

Libre de mes mouvements, je pus m’élancer dans les airs, direction le camp rebelle. Par chance, ou par instinct, j’avais ouvert la tour du bon côté. Le camp était bien plus proche ainsi que si j’avais tenté de franchir la porte principale de la cité. Une ligne droite dans l’obscurité, un vol tendu par l’adrénaline et le battement régulier de mes ailes.

J’atterris au cœur du camp dans un nuage de poussière, les bottes griffant le sol, les plumes encore frémissantes. À peine avais-je touché terre que plusieurs lances furent braquées sur moi. Un cercle menaçant se forma autour de ma silhouette vacillante. Je levai les mains et les ailes bien haut, signe de paix autant que de fatigue.

— Je dois… parler à Patricia…

La foule s’écarta lentement, et elle apparut, encadrée par Sofidios. Décidément, ces deux-là ne dormaient jamais.

— J’en ai sorti de la tour, réussis-je à dire d’une voix rauque. Une centaine de personnes. Ils ne pourront pas arriver jusqu’ici à pied, et…

Mais je n’eus pas le temps de finir. Un long hurlement métallique fendit l’air, strident, agressif. Une alarme. Le signal que la ville venait de comprendre. Ils savaient.

Sans attendre, je déployai mes ailes et repris mon envol, le cœur battant. Il fallait que je retourne là-bas, vite. Mes évadés m’attendaient. Et ma renarde aussi.

— Combien il en reste…

— Vingt, peut-être trente... Mon fils est encore en haut pour rassurer les plus jeunes, mais ils ont trop peur…

Je lui fis un simple signe de tête, déterminée. Sans perdre une seconde, je pris la direction du mur que nous avions éventré. L’ouverture béait comme une plaie noire dans la paroi, dernier passage vers la liberté. Je repérai un enfant recroquevillé, tétanisé près du bord, et lui tendis la main. Il hésita, puis, tremblant, se hissa sur mon dos. Je m’élançai aussitôt, le déposai quelques étages plus bas près de sa mère, et remontai. Encore. Et encore. Et encore…

Chaque trajet devenait plus long, plus douloureux. Mes ailes se faisaient lourdes, mes battements moins précis. Mais je ne pouvais pas m’arrêter, pas maintenant.

Je venais tout juste de repartir quand, à l’atterrissage, ma cheville ploya sous moi. Une vive douleur irradia jusque dans mon mollet. Mon corps me trahissait enfin, m’offrant la preuve implacable de mon épuisement.

C’est à ce moment-là que Maxime fit son apparition. Il n’eut pas besoin de beaucoup de mots pour me faire comprendre qu’il prendrait le relais et qu’il devrait faire plusieurs voyages. Je hochai la tête, incapable de protester, et me redressai péniblement, lui assurant que je resterais pour surveiller les environs, même si je savais que je ne tiendrais pas longtemps.

Les premiers passages s’enchaînèrent avec une rapidité rassurante. À chaque aller-retour, six nouvelles silhouettes rejoignaient le groupe des évadés en sécurité. Un petit miracle, à chaque fois.

Mais au moment où je tentai de reprendre mon envol pour un dernier survol de contrôle, un vertige violent m’assaillit. Le ciel tourna au-dessus de moi comme une mer démontée, et je m’effondrai, lourde, impuissante, incapable de finir ce que j’avais commencé.

Je perdis connaissance, la terre froide sous ma joue, le goût amer de l’échec au creux de la langue. La dernière pensée qui me traversa fut celle-ci : j’aurais dû m’entraîner davantage. Mes ailes n’avaient pas tenu. Et des vies en dépendaient.

Je me réveillai dans une calèche bringuebalante, la tête lourde et les muscles douloureux. Au-dessus de moi, Marra me fixait avec un regard noir, une fiole vide à la main, sans doute le produit qui venait de me ramener à moi.

— Tu n’es qu’une idiote.

— Je sais…

— Tu aurais pu mourir dans cette tour !

— Je sais…

— Je sais que tu le sais, BellAthéna sans cervelle ! Ce que je te reproche, c’est de ne pas nous avoir prévenues, Maude et moi !

Il secoua la fiole d’un geste sec, comme si elle avait envie de me la faire avaler à nouveau, de force, juste pour le principe. Il était furieux, et à raison. Mais j’étais trop soulagée d’être encore en vie pour lui en vouloir.

— Je sais… je suis désolée… mais est-ce que tu m’aurais laissé y aller ?

— Certainement pas.

— Alors tu comprends ?

La colère vacilla dans son regard. Il baissa les yeux un instant, et quand il les releva, ce n’était plus que de l’inquiétude qui brillait dans ses prunelles douces.

— Oui… Je suis content que tu sois en vie. Et je suis content que tu l’aies fait. La moitié serait sûrement morte sans toi.

— À ce point ?

— Sous-nourris, exploités, frappés, avec un manque cruel de sommeil… Oui, même avec l’habitude, ils n’auraient pas tenu jusqu’à la fin des récoltes. Et ils n’avaient fait qu’un mois sur les trois réglementaires.

— Je comprends… Je ne suis pas pressée d’y retourner, mais… tu as des nouvelles de la tour ?

Il ouvrit la bouche pour me répondre, mais notre calèche s’arrêta brusquement, et une ombre de peur traversa son visage.

— Le Conseil veut te voir… seul à seul.

Je descendis rapidement, le cœur battant. Patricia s’avançait déjà vers moi, le regard strict, déterminé, presque inquisiteur. Je me redressai autant que je le pouvais, luttant contre la fatigue et les courbatures qui faisaient hurler chaque muscle de mon corps.

— Si je dois être jugée, autant que ce soit maintenant… et ici.

Ma voix portait, ferme, claire. Je voulais que tout le monde entende, qu’il n’y ait pas de discussions à huis clos, pas de pièces sombres où l’épuisement pourrait m’arracher plus que je ne devais dire.

Patricia soutint mon regard un instant, impassible, avant de faire signe à un rebelle. Elle lui glissa quelques mots à l’oreille, à voix basse, puis le laissa partir en direction de l’amphithéâtre.

Sofidios sortit le premier. Il avait le visage fermé, visiblement troublé, inquiet peut-être… mais il se reprit aussitôt qu’Ala posa une main ferme sur son épaule, lui rappelant silencieusement sa place au sein du conseil qu’iel présidait.

Un à un, les membres du conseil s’avancèrent et se placèrent face à moi, formant un mur d’austérité, aussi froids et fermés que lors de mon procès.

— Tu sais pourquoi nous voulions te parler ? demanda Ala.

— Évidemment… répondis-je sans détour. J’ai enfreint mon exil en venant dans ce camp pour demander votre aide. Vous aviez parlé de m’exécuter si cela arrivait, non ?

— Quoi ?!! Vous ne pouvez pas faire ça…

Tous les regards se tournèrent vers elle. La Fluxmarde du haut descendait à grandes enjambées l’espace qui nous séparait, l’indignation peinte sur le visage. Ses vêtements légers, bien trop fins pour la nuit froide, laissaient entrevoir une grande partie de son corps, et je fus soulagée qu’elle soit recouverte de fourrure, sans quoi elle aurait déjà bleui sous la morsure du vent.

Elle s'arrêta près de moi, haletante, le regard lancé comme une flèche vers le conseil. Son attitude frôlait l'insubordination. Et pourtant, en cet instant, j’en étais presque reconnaissante.

— Elle nous a tous sauvés ! Vous ne pouvez pas la sanctionner pour être revenue ici malgré son exil ! Elle l’a fait pour nous ramener sains et saufs !

La voix de la Fluxmarde tremblait à peine, non pas de froid, mais d’émotion. Elle fit un pas vers le conseil, les poings serrés le long du corps, le regard brillant d’une colère contenue. Elle avait du mal à rester immobile, partagée entre le désir de crier et celui de pleurer.

— Regardez-nous ! lança-t-elle en ouvrant les bras, comme pour mieux désigner le petit groupe d’exilés rassemblés derrière elle. Mon frère tremble de froid ! Beaucoup de mes amis boitent ! L’armée nous aurait rattrapés en un rien de temps...

Sa voix se brisa un instant, mais elle inspira profondément et reprit, plus féroce encore :

— Les esclaves classiques auraient été capturés, ramenés au bercail… Mais nous ? Une fois sortis de nos cages, on n’était plus assez “purs” pour les harems. Ils nous auraient tués. Là. Sur place.

Un silence pesant suivit ses mots. La Fluxmarde baissa enfin les yeux, ses épaules frémissantes sous l’effet de l’adrénaline et du froid. Mais elle tint bon, fière et droite, refusant de laisser la peur parler à sa place.

Je pris ma nouvelle amie par les épaules, la reculant doucement mais fermement. Son regard lançait des éclairs, et ses muscles étaient tendus, comme si elle allait bondir pour frapper chacun des juges un par un. Je sentais sa colère bouillir sous sa peau, mais ce n’était pas le moment de lui laisser éclater.

Patricia, elle, restait impassible. Elle savait que c’était le moment ou jamais pour appliqué sa parole. Elle s’avancat a mes coté et se tourna vers le conseil.

— Chers membres du conseil, dit-elle d’une voix claire, assurée. Vote à main levée : suite aux événements de cette nuit, considérons-nous que Morgan a apporté les preuves de sa loyauté, comme elle s’y était engagée lors de son procès ?

Un silence tendu précéda l’instant décisif.

Puis une main se leva.

Puis une autre.

Et encore une.

Jusqu’à ce que toutes soient levées. Même celle de Nekras, qui m’avait condamné si durement à l’époque, restait haute, bien en vue. Son expression demeurait fermée, mais il ne tremblait pas.

Puis les regards se tournèrent vers elle, incrédules, tandis que le secret de Patricia venait d’être révélé au grand jour. Elle ne parlait pas seulement français, elle en usait avec une maîtrise parfaite, et mais conseil, frappé par cette révélation, ne pouvait ignorer la gravité de ce qu’elle venait de laisser échapper. Ala lui fit signe de la suivre et le reste de la foule se dissipa.

De toute évidence, mon exil était terminé.

Lâchant ma sauveuse, je la regardais avec une gratitude profonde et, instinctivement, je lui caressais doucement le dos, réalisant l’ampleur de ce qu’elle avait fait pour nous tous.

— Avec tout ça, je ne t’ai même pas demandé ton nom…

Elle baissa les yeux, comme une vague de honte traversant son regard. Une hésitation s’installa dans l’air, avant qu’elle ne réponde d’une voix douce et presque timide.

— Je n’en ai pas…

Ses mots étaient simples, mais ils frappèrent comme un coup de poing dans le ventre. Elle évita mon regard, son corps raide, la douleur d’un passé écrasant la fierté qu’elle semblait avoir perdue.

— Aucun des "jouets" de l'Impératrice n’en a…

Je sentis un frisson me parcourir, une vague d’indignation, mais je savais que ce n’était pas le moment de m’emporter. Je voulais réparer ce vide, ce manque, même si je ne savais pas encore comment.

— On va arranger ça tout de suite. Je ne t’appellerai jamais par un numéro… Laisse-moi réfléchir… Stanka, ça te plairait ?

Elle prit un moment, son regard perdu dans le vide, la patte posée sur son menton, comme si elle cherchait à comprendre ce qui venait de se passer. Elle semblait presque déconnectée, comme si le concept même d’un nom était étranger à sa réalité.

— Pourquoi pas… C’est un peu étrange… Pourquoi tu veux m’appeler comme ça ?

Une goutte de sueur froide coula le long de ma nuque, et une étrange tristesse monta en moi. J'avais envie de lui expliquer, de lui dire pourquoi j'avais choisi ce nom, mais une partie de moi hésitait encore.

— Je te le dirai un jour… mais pour l’instant, va rejoindre ta famille, d’accord ?

— D’accord…

Elle ne protesta pas, mais je sentis la perte de son énergie, l’ombre de son passé à nouveau peser sur ses épaules. Elle tourna les talons sans un mot de plus, s’éloignant doucement, mais je savais qu’un petit morceau de ce fardeau qu’elle portait venait de lui être enlevé.

Soupirant face aux récents événements, je me tournai vers Sofidios, un sourire fatigué mais sincère aux lèvres. Pourtant, à peine nos regards se croisèrent, je détournai les yeux. Ce que j’avais à lui dire allait briser l’instant.

— Que t’arrive-t-il, ma chère ? Ce sont pourtant de bonnes nouvelles.

Sa voix se voulait douce, apaisante. Il ne comprenait pas encore. Mon sourire se fana.

— Je sais… Mais ce qui vient ensuite ne l’est pas.

Je pris une inspiration, consciente du poids de mes mots.

— Cassiopée est la conseillère de Marianna… Et Ariane est cryogénisée.

Un silence pesant s’installa.

Je tournai lentement la tête vers lui. Il avait blêmi. Son visage restait figé dans un sourire figé, forcé, comme si ses muscles refusaient de trahir l’ampleur du choc.

— Alors elles sont bien ici… souffla-t-il enfin, la voix tremblante sous le calme apparent.

— Je suis désolée, murmurai-je. Il n’y avait pas de bonne manière de te l’annoncer…

Il secoua la tête, comme pour chasser la douleur, pour ne pas s’effondrer devant moi.

— Ne t’en fais pas… Mes sœurs sont fortes. Elles tiendront. Le temps que nous trouvions une solution, elles tiendront.

Sa voix était plus ferme, cette fois. Déterminée. Mais ses yeux, eux, criaient tout ce qu’il refusait de montrer.

Plus que jamais, j’avais besoin d’espace. De respirer. De silence.

 

La poitrine trop serrée, les idées en vrac, je baissai la tête et me mis à marcher, droit vers ma colline. Celle que j’avais presque faite mienne. Celle où le vent balayait tout, même les pensées.

L’un des rares avantages à ne pas comprendre la langue des gens qui m’entouraient, c’était de pouvoir ignorer leurs jugements. Les regards, les chuchotements… tout glissait sur moi comme l’eau sur les plumes d’un oiseau.

Mais maintenant que je comprenais leur langue… chaque mot, chaque murmure s’incrustait dans ma tête. Chaque rumeur résonnait contre mes tempes avec une violence sourde.

Je n’en pouvais plus.

Mais ce n’était pas leur jugement qui me détruisait le plus.

Non.

Le plus douloureux, c’était le mien.

Arrivant en haut de ma butte, je laissai mon regard glisser sur la cité, là-bas, blottie sous la nuit.

Tout ce qu’il s’y était passé me revenait en pleine face.

Je n’y avais pas eu un seul instant de répit. Pas une seconde pour souffler.

J’étais heureuse d’en être sortie… et pourtant, mes pensées refusaient de me laisser tranquille.

Je repensais aux gens qui étaient retournés là-bas. À ceux qu’on n’avait pas pu sauver. À tout ce que j’avais commis.

Et surtout, à Cassiopée… que j’avais laissée seule, face à elle.

Marianna ne lui ferait aucun cadeau. Je priais pour qu’elle ait eu la présence d’esprit de brûler la lettre, comme je le lui avais demandé. C’était tout ce que je pouvais espérer, maintenant.

Je n’avais laissé que peu de choses derrière moi dans cette tour.

Mais ce peu, je le regrettais de tout mon être.

Il arriva derrière moi, silencieux, et s’assit dans l’herbe. Naturellement.

Moi, je restais debout. J’étais encore prise dans la mécanique de la tour, dans ses règles absurdes : on ne s’asseyait que pour manger. Et encore.

Il m’invita d’un geste à le rejoindre.

Je ne pouvais pas.

— Je crois que j’ai besoin d’un moment toute seule.

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DSWritter
Posté le 05/08/2025
OK du coup je retire ce que j'ai dit au début, je veux que Morgan finisse avec Cassiopée X)

Mais du coup, je ne comprends pas, c'est la fin de ton histoire ? C'est trop triste, il y a tellement de chose que je veux encore savoir T_T Vivement le tome 2 *_*

En tout cas bravo pour ton travaille, tu t'es vraiment creusé les méninges !
M.A.Frogerais
Posté le 05/08/2025
n'hésite pas a me donné tout tes questionnement qui reste en suspent, sa peut m'aidé pour le tome 2
P.S.: c'est fait exprès de donne un peut de frustration, sa me fera vendre le 2 plus facilement ;)
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