Chap 5

Deux semaines s’étaient écoulées depuis l’arrivée de Melinda et Bastien et elle avaient trouvé un certain équilibre dans leur vie quotidienne. Question travaux, celle-ci avait imposé deux choses, qu’ils terminent la chambre de son colocataire pour qu’il ne dorme plus entouré de clous et autres dangers et que la prochaine étape à franchir soit la rénovation de la salle de bains. La petite douche en kit qu’ils utilisaient au quotidien était un véritable cauchemar pour Melinda qui supportait de moins en moins d’être ainsi enfermée comme une sardine pour un moment qu’elle affectionnait particulièrement.

En ce qui concernait les choses plus personnelles, Melinda avait dû retourner plusieurs fois à l’hôpital prétextant faire des contrôles pour sa main, bien qu’il s’agissait en réalité de consultations en prévisions du traitement pour son sang sois-disant malade. Elle n’avait pas l’intention qu’il soit au courant d’une telle chose, malgré que la pensée de goûter son colocataire ne l’avait pas quitté depuis la soirée pizza. Elle avait pourtant plus de volonté que ça, mais jour après jour, à force de vivre dans une telle proximité, elle ne pouvait s’empêcher de s’enivrer de l’odeur qui dégageait de lui. Le fait qu’il se blesse régulièrement n’avait pas aidé, mais elle s’était retenue de ne pas lui lécher le doigt pour le… soigner. Cette simple pensée lui fit monter le rouge aux joues, elle avait déjà eu le béguin pour des humains, mais jamais spécifiquement pour leur sang. Un facteur n’était cependant à ne pas négliger, elle s’était affamé depuis près d’un an pour que ses résultats nécessitent une transfusion, sa faiblesse était peut-être… en partie à l’origine de son désir.

 

*

 

Bastien essuya la sueur qui lui coulait du front du revers de son bras, mais sans grand succès. Depuis l’arrivée de sa colocataire, il s’était occupé uniquement de sa chambre. Elle avait des idées bien arrêtées sur les choses, mais sans doute que si son lieu de vie était moins… délabré, il arriverait peut-être à se détendre un peu. Aujourd’hui, il enduisait les têtes de vis et les bandes du placo. C’était un travail long et fastidieux mais qui donnait cet aspect propre, lisse et terminé une fois accomplit. Il s’en sortait un peu mieux que pour la première chambre, mais cela demeurait éreintant.

Son téléphone se mit à sonner et il entrevu cela comme un arrêt forcé de ses efforts pour lequel il n’hésita pas un instant. Il récupéra son portable et s’assit au sol, reprenant son souffle et répondit :

« Allô ?

- Bonjour Bastien, j’aurais besoin que tu fasses plus d’heures cette semaine… »

Bastien retint un soupir en entendant son patron, il le coupa sans tarder.

« Michel, on a passé un accord. Je réduis mes heures pour avoir le temps de rénover ma maison et tu me laisses avoir ce temps libre. Si j’accepte cette semaine, tu me redemanderas la semaine prochaine, puis la suivante et encore. Au final, je me retrouverais sans temps libre et avec une moins bonne paie.

- Tu dramatises pas un peu les choses là ? Rétorqua son patron.

- Si seulement. D’ailleurs mon enduit vas sécher, aller bonne journée Michel. »

Bastien raccrocha sans attendre de réponse. Si dans ses jeunes années, il avait été plus malléable, il n’était plus le jeune homme naïf arrivant sur le marché de l’emploi. Loin de là même, il était prêt à accepter un job moins bien payé si les conditions de travail étaient meilleures. Il posa son téléphone au sol et le regarda vibrer de nouveau afficha le contact de son patron. Ce dernier ne lâcha pas facilement mais Bastien avait une technique infaillible pour lutter contre l’acharnement. Il récupéra son portable et l’éteignit. Il n’attendait pas d’appel et sa colocataire était sur place, en soi, son téléphone ne lui servait à rien en cet instant.

 

*

 

Melinda entra dans la chambre de Bastien tandis que celui-ci enduisait les murs, luisant de sueur. Elle le regarda de nouveau en détail et aucun doute, il n’était pas son type d’homme. Bien qu’il avait un certain charme, il était banal, normal, avec les défauts des humains de cette époque. Elle sourit en le voyant travailler avec acharnement, au moins, il était assidu à la tâche, même s’il était un parfait débutant.

Elle s’éclaircit la gorge pour s’annoncer et prit la parole :

« Salut Bastien, je sais qu’on en a pas reparlé depuis un moment, mais comme j’ai besoin d’une voiture au moins temporairement, est-ce que tu me laisserais tenter de réparer celle dans le garage ? »

Bastien s’arrêta et tourna la tête avant de répondre :

« Salut Melinda. Bah écoute, si t’arrives à faire démarrer ce vieux taco, je serais ravi de te le prêter un temps. Comme je t’avais dit, mon but était de la vendre pour financer les travaux, mais comme je n’ai ni les moyens de la réparer et que la vendre en état serait une perte. Je te laisse carte blanche. 

- Merci, répondit-elle avant de reprendre, au fait, tu as besoin d’aide ? »

Bastien regarda le mur sur lequel il travaillait puis se retourna de nouveau.

« Je devrais m’en sortir, une fois que ça aurait séché par contre, je veux bien de l’aide pour le coup de ponçage et le couches de peintures.

- Ça marche. » répondit Melinda avec un sourire.

Melinda fit demi-tour et ne put s’empêcher de prendre une grande inspiration. Au milieu des odeurs de plâtres, de métal et des outils, celle de la sueur de Bastien était une invitation à venir lui mordre le cou. Comment diable pouvait-elle craquer pour un parfait inconnu, qui de surcroît ne lui plaisait pas, enfin pas… Elle se mordit la langue et sortie plus vite de la chambre. D’un pas rapide, elle se dirigea vers le garage et découvrit la voiture qui y pourrissait. Le terme était sans doute un peu fort, car la poussière était présente en maître mais aucune odeur de moisie ne s’en dégageait. Elle entra dans le véhicule et trouva les clés sur le contact. Par acquis de conscience elle démarra mais la voiture ne lâcha pas le moindre bruit. Melinda chercha la trappe pour ouvrir le capot puis une fois déverrouillé, se posa comme une connaisseuse au dessus du moteur. Il serait faux de dire qu’elle avait participer à la conception des voitures, mais elle avais suivit cette évolution de près. Elle posa son pouce une de ses incisives et força légèrement. Une petite entaille prit forme et elle fit tomber une goutte de sang sur le moteur. Elle se concentra et se mit à contrôler cette petite part d’elle même qui parcourut en détail chaque partie des pièces de la voiture. Ensuite, elle soigna sa petite plaie au doigt d’une pensée.

Melinda s’assit sur un tabouret et respira profondément, le temps que la fatigue intense provoquée par l’usage de son pouvoir de contrôle du sang ne s’allège. Une dizaine de minutes plus tard, elle se redressa et fit face au moteur. Le travail n’était pas énorme pour espérer faire démarrer cette voiture. Il y avait quelques ajustement à faire, renouveler les liquides et évidemment, changer la batterie. Elle en aurait pour un ou deux jours maximum. Une pensée pour son colocataire fit lever les yeux au ciel à Melinda. Il était grand temps qu’elle soit transfusée pour que cette fixation étrange prenne fin.

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