Le problème, c’est que je ne pouvais rien faire pour le moment. D’abord, parce que tout ceci pouvait être un piège. Pourquoi cet étage m’était-il autorisé, au juste ?
Marianna n’était pas du genre à laisser des choses au hasard. Me laissait-elle accès à ce niveau dans l’espoir que je m’y aventure et disparaisse par "accident" ? Comptait-elle sur ma curiosité pour me faire tomber dans un traquenard plus grand encore ? Ou bien croyait-elle simplement que j’étais assez stupide pour porter cette information à la rébellion dès la seconde où j’en aurais vent ?
Non.
Elle était bien plus intelligente que cela.
Elle savait que je n’aurais jamais risqué ma vie pour un simple jeu d’espionnage. Elle savait que je réfléchissais trop, que je pesais chaque risque, chaque conséquence. Si elle avait voulu m’éliminer, elle l’aurait fait d’une manière plus efficace.
Alors pourquoi cet étage ? Je pris une inspiration lente.
Cela n’avait rien d’un oubli, rien d’une faiblesse. J’étais surveillée, analysée. Où que j’aille, où que je pose mon regard, la puce implantée en moi envoyait chaque information à Marianna.
C’était un test.
Elle voulait voir où je mettrais mon nez.
Si je ne disais rien, si je gardais ces informations pour moi, alors elle saurait que je préparais quelque chose, que je comptais les transmettre à l’extérieur. Voilà où était le piège. Le danger n’était pas d’avoir découvert cet étage, mais de ne pas en parler.
Je devais être prudente. Faire semblant.
J’étais censée m’être perdue en explorant mon "nouvel environnement", après tout. Alors si je retournais la voir immédiatement pour lui annoncer ma découverte, mon mensonge s’effondrerait.
Je devais jouer mon rôle. Garder mon calme. Et surtout, choisir avec soin mon prochain mouvement.
Levant une main apaisante, je me redressai lentement, évitant tout mouvement brusque. Mon cœur battait encore sous l’effet de l’adrénaline, mais une pensée vint balayer mon trouble : les caméras.
Elles étaient partout.
Je ne pouvais pas retourner voir Marianna, mais rien ne l’empêchait, ELLE, de me voir.
Chaque geste, chaque regard, chaque hésitation pouvait lui être transmis en temps réel. Je pouvais lui faire savoir ce que je savais, sans jamais avoir à retourner dans son bureau, sans rendre l’excuse de m’être perdue obsolète.
Je relevai la tête, quittant des yeux la créature recroquevillée dans sa cellule. Une main effleura discrètement mon bras, comme pour s’assurer que je ne flancherais pas, puis je fis demi-tour.
Je devais parler à Mina.
Je me pressais donc de remonter à mon étage pour retrouver ma colocataire en me mettant bien en face des caméras.
Je me pressai donc de remonter à mon étage pour retrouver ma colocataire, m’assurant de bien me positionner face aux caméras.
— Tu ne devineras jamais sur quoi je suis tombée en me trompant d’étage : des cellules entières de Krocodeilis dans un état déplorable. Il faudra que j’en parle à sa majesté, c’est inadmissible de traiter des êtres vivants avec si peu de considération. Ils devraient au moins être nettoyés.
Mina arqua un sourcil, croisant les bras d’un air entendu.
— Tu dis ça pour la caméra, pas vrai ?
— C’est exactement ça… Non mais tu te rends compte ? Les murs étaient noirs d’excréments séchés.
Je mis un point d'honneur à appuyer ma colère, les bras croisés, la mâchoire tendue, comme si l’indignation me faisait bouillonner sur place. Mina hocha discrètement la tête avant de soupirer.
— Tu comptes en parler aussi à la rébellion ?
— Évidemment que je leur en parlerai, mais je ne veux pas les déranger tout de suite. Marianna m’a posé tout un tas de questions sur les trous noirs, ça doit être important.
Mina fronça les sourcils, l’air soucieuse.
— Comment tu comptes leur transmettre ça ? Avec Marianna qui scrute nos moindres faits et gestes, c’est impossible de sortir sans qu’elle le sache.
Je pris une grande inspiration, comme si la simple idée de ma situation me répugnait.
— Je compte bien lui faire savoir, justement. Et puis… j’aimerais bien me dégourdir les ailes, j’avais commencé à apprendre à voler…
Mina me fixa, incrédule, avant de secouer la tête.
— C’est très bancal, ton truc.
— Non, sans blague, je ne suis pas au courant.
Je laissai tomber mes bras dans un geste las, comme si toute cette situation m’épuisait. L’agacement et la frustration devaient transparaître, c’était le but. Si Marianna observait toujours, elle ne devait voir qu’une citoyenne indignée qui n’avait aucune idée de ce qui l’attendait.
De toute évidence, elle ne m’aiderait qu’à réfléchir. Pourtant, quelque chose n’allait pas. Je le voyais à sa posture, à la façon dont elle évitait mon regard.
Je m’assis à ses côtés, tournant enfin le dos à la caméra pour lui offrir un semblant d’intimité.
— Tu veux en parler ? Je vois bien que quelque chose te travaille.
Mina baissa les yeux, silencieuse un instant.
— Je n’ai pas accès à l’étage dont tu parlais…
Elle secoua la tête, et une tristesse furtive passa dans son regard, comme si elle hésitait à mettre des mots sur ce qu’elle s’apprêtait à dire.
— Ma mère a subi une double mutation peu après ma naissance… C’est parce qu’elle est là-bas que je suis ici.
Un frisson me traversa.
— Je comprends mieux… Ne t’en fais pas, on la sortira de là.
Je posai une main légère sur son bras, un contact discret, mais sincère. Mina n’ajouta rien, mais son regard s’adoucit un instant, avant qu’elle ne détourne la tête, ravalant ses émotions.
Marianna ne m’appela plus. Toute la semaine, je déambulai dans la tour, sous couvert d’exploration. En réalité, j’analysais chaque détail : les panneaux, les accès, les zones interdites. Je traçais mentalement la carte de cette prison déguisée en forteresse. Puis, au détour d’une conversation surprise dans l’ascenseur, j’appris quelque chose qui changea tout.
—Vous irez à la prochaine vente aux enchères, samedi, Victoria ?
—Bien sûr que non, Scorpius. Elle laissa un léger sourire ironique effleurer ses lèvres. Contrairement à vous, la compagnie des rebelles ne m’enchante guère. Je suis un Goura, pas un animal de guerre.
—J’oubliais que vous autres, oiseaux délicats, préférez éviter de vous salir les mains en humiliant qui que ce soit.
—Il faut de tout pour faire un monde, n’est-ce pas ? Victoria haussait les épaules avec un air de dédain. Mais je suis certaine que votre frère sera ravi de ce genre d’acquisition.
—Mon frère est l’empereur, il pense au bien de sa patrie, répliqua Scorpius avec une froideur calculée. L’acquisition d’esclaves prêts à combattre pour une cause plus grande que leur propre existence est une nécessité. Le peuple ne devrait pas se sacrifier pour une guerre aussi futile que celle des droits des sauvages.
—Vos cousins et certains de vos frères font pourtant partie de nos soldats, répondit Victoria avec un sourire glacial, comme si elle pesait chaque mot.
—Ils ont de la chance d’être encore en vie, Scorpius laissa échapper un rire amer. Ils auraient dû être exécutés lors du couronnement, moi y compris. Mais ce monde est empli de contradictions, n’est-ce pas ? Il la fixa un instant, son regard glacé se faisant plus perçant, comme s’il évaluait chaque mot, chaque geste de Victoria.
Il devait être vendu samedi. Une semaine. Une seule semaine pour localiser les prisonniers, élaborer un plan et l’exécuter, tout en restant discrète, en maintenant ma couverture intacte. Mes accès était là : des jardins, une cafétéria, deux zones de jeu, trois arènes intérieures, une prison pour mutants prétendument incontrôlables. Mais chaque mouvement comptait, chaque endroit avait ses dangers.
La puce sous ma peau ne cessait de vibrer, traquant mes déplacements, enregistrant chaque instant de ma vie. Et les caméras, omniprésentes, observaient chaque geste, chaque souffle. Marianna, l'impératrice, contrôlait tout, manipulait chaque élément de ce jeu complexe.
Le pire restait les dignitaires venus d’autres villes, venus acheter des vies humaines, des combattants à déporter et à utiliser comme chair à canon. Ces vies étaient jetées dans la guerre, comme de simples objets.
C’était parfait….
Mais une lueur vint percer mes pensées sombres lorsque l’ascenseur s’arrêta à l’étage où j’avais surpris la conversation des pipelettes. Mon regard se posa sur une porte marquée d’un insigne distinct : un marteau surmontant une plaque de bois. Les ventes aux enchères. Nous étions au 98e étage.
Mon cœur s’accéléra. C’était ici. Si je parvenais à créer une diversion, je pourrais les faire sortir samedi. L’idée semblait presque réalisable… presque. Car je n’avais pas de diversion. Et même si j’en trouvais une, comment les faire évacuer sans attirer l’attention ? Comment réussir une évasion en plein jour sans réduire à néant des semaines d’efforts pour préserver ma couverture ?
J’avais l’information, mais elle ne m’avançait pas vraiment. Si je les faisais sortir moi-même, il me fallait une diversion. Mais si je créais la diversion, je réduisais à néant tous mes efforts pour m’intégrer dans cette tour. La seule solution était d’avoir un complice ayant accès à l’étage des enchères.
Moi, je ne pouvais pas y entrer. J’avais déjà tenté d’accéder à un autre étage interdit en me glissant derrière quelqu’un qui y était autorisé… Résultat ? Une dizaine de grilles étaient tombées lourdement du plafond, nous enfermant sur place. Une erreur que je ne pouvais pas me permettre de répéter.
Je me creusais la tête toute la soirée, levant parfois les yeux vers la queue de renard accrochée à mon mur. S’il avait été là, Stan m’aurait probablement souri avant de me prendre dans ses bras. Il m’aurait murmuré que tout irait bien, que je trouverais une solution, comme toujours. Que je n’étais plus seul.
Mais la réalité était tout autre. J’étais seul dans cette chambre, sans Stan, à échafauder des plans de plus en plus complexes… et qui, pourtant, ne fonctionneraient jamais.
Je n’avais pas l’autorisation d’entrer dans l’étage des enchères, et si je communiquais avec quelqu’un qui y avait accès pour orchestrer une diversion, nous serions tous les deux exécutés. De plus, quelle diversion utiliser ? Les mutants de la prison auraient été parfaits… si seulement je pouvais gagner leur confiance. Mais cela prendrait trop de temps.
Et même avec un complice, encore fallait-il qu’il ait accès à la zone des enchères.
— C’est prise de tête…
Ma propre voix me paraissait lointaine, presque étrangère. J’avais l’impression de me noyer dans mes pensées, d’étouffer sous le poids des questions sans réponse.
— Que tu parles toute seule à cinq heures du matin ? C’est sûr, c’est prise de tête.
Je sursautai violemment, manquant de faire tomber la chaise sur laquelle j’étais avachie. Mon regard balaya la pièce, le cœur battant à tout rompre. Mina était là, adossée au mur, l’air faussement détendu, un rictus amusé sur les lèvres. Depuis quand était-elle là ? Je n’avais même pas entendu la porte s’ouvrir.
— Non, c’est les enchères de samedi qui sont prises de tête, marmonnai-je en me redressant légèrement.
Elle haussa un sourcil, croisant les bras en me scrutant comme si elle cherchait à lire à travers moi.
— Ouais… Je suppose qu’elle te le fait aussi.
Je clignai des yeux, légèrement décontenancée.
— De quoi ?
Je fronçai les sourcils, toujours en train d’essayer de raccrocher les morceaux. Mina parlait avec une assurance déconcertante, comme si elle savait exactement de quoi il était question… alors que moi, je ne suivais plus.
— De te forcer à regarder toutes les enchères, répondit-elle d’un ton désinvolte, comme si c’était une évidence. L’histoire de bien te rappeler que tu lui appartiens et que tu pourrais finir dans cette cage toi aussi, si tu ne fais pas exactement ce qu’elle te demande.
Un frisson me parcourut l’échine. L’image de ces cages, de ces regards vides et de ces cris étouffés me traversa l’esprit avec une brutalité qui me coupa presque le souffle.
— Non, mais ça m’intéresse, répliquai-je rapidement, comme pour masquer mon trouble.
Mina laissa échapper un soupir las et s’étira comme un félin fatigué.
— Toute la semaine, c’est pareil. J’ai une dérogation pour accéder à cet étage précis, mais les autres jours, il m’est interdit.
Elle marqua une pause, me détaillant d’un regard plus perçant.
— Et pourquoi ça t’intéresse tant, au juste ? demanda-t-elle, penchant légèrement la tête sur le côté. Si t’as pas à y aller, ça devrait pas être prise de tête…
Je sentis mon estomac se nouer. Trop de questions. Trop de risques.
Je ne devrais probablement pas lui en dire plus, mais une idée germait doucement au fond de mon esprit. Un détail, une possibilité. Je n’avais pas le choix : je devais lui faire confiance.
D’un geste discret, j’invitai Mina à se rapprocher. Elle plissa légèrement les yeux avant de s’exécuter, intriguée.
— Je dois libérer les gens qui seront mis en vente samedi, murmurai-je à voix basse. C’est pour ça que je me suis laissé capturer. Mais j’ai besoin d’aide…
Elle haussa un sourcil, mais ne m’interrompit pas. Inspirant profondément, je lâchai la bombe :
— Tu crois qu’on pourrait échanger nos puces ?
— QUOIII ?!
Elle s’était reculée d’un bond, les yeux écarquillés, le souffle coupé par l’absurdité de ma demande. Son regard fouillait mon visage, cherchant à savoir si je plaisantais.
Le détail dans mon esprit avait fini de pousser.
— Écoute, dis-je en baissant encore la voix, ta mère est dans un étage où je peux aller. Moi, je dois me rendre aux enchères où toi, tu es invitée. Si on échange nos puces, tu pourrais créer la diversion dont j’ai besoin pour libérer mes camarades… et en profiter pour t’enfuir avec ta mère.
Mina ne disait rien, figée.
— Moi, j’aurai un alibi, poursuivis-je. Les caméras m’ont vue te dire que j’avais l’autorisation pour la faire s’échapper. Ce serait logique que tu fasses l’échange à mon insu et que tu m’envoies là où tu étais censée être.
Son regard se perdit un instant, luttant entre la peur, l’incrédulité… et une lueur d’espoir.
— Ce… ce n’est pas une mauvaise idée… murmura Mina, visiblement troublée. Mais comment tu comptes ouvrir la cage sans que personne ne te voie dans la salle ?
Sa méfiance n’avait pas complètement disparu. Elle analysait chaque mot, cherchant la faille.
— Je ne sais pas encore, admis-je. J’ai encore six jours pour y réfléchir.
Je marquai une pause, cherchant à capter son regard.
— Mais à deux, on trouvera mieux. Et puis, je n’ai pas encore visité toute la tour… Je peux encore apprendre des choses sur mon espèce et mes capacités.
Mina croisa les bras, pensive. L’idée faisait son chemin dans son esprit, je le voyais bien.
Juste quelques points "techniques" :
" répondit Victoria avec un sourire glacial, [...] Il la fixa un instant, son regard glacé se faisant plus perçant, ...", la répétition de "glacial" et "glacé", pourrait être remplacée je pense. Par exemple " répondit Victoria avec un sourire glacial, [...] Il la fixa un instant, son regard acéré se faisant plus perçant, ..."
"Il devait être vendu samedi." Je pense qu'il faut mettre "Ils devaient être vendus samedi", puisque ce sont "les prisonniers".
"Le pire restait les dignitaires venus d’autres villes, venus acheter des vies humaines,..." La répétition de "venus" n'est pas très heureuse. Tu pourrais peut-être mettre " Le pire restait les dignitaires arrivés d’autres villes, venus acheter des vies humaines,...", par exemple.
Sinon tout va bien et j'attends de voir ce plan être mis en exécution !