Il allait le faire. Il en était capable.
Cela lui demandait bien plus de courage qu’il en avait. Mais il allait le faire.
Axel Rodd avait des origines françaises et anglo-saxonnes, des yeux couleur noisette et des longues boucles blondes. Tout cela suffisait normalement à lui donner des points d’avance avec la plupart des filles qu’il rencontrait. Cela n’avait pourtant pas suffi avec Clara. Il avait été un timide maladif pendant toute son enfance. Désormais, il avait seize ans et les attentions particulières des filles de son établissement l’avaient totalement changé. Il avait pleinement confiance en lui. Il était prétentieux, et il marchait en carrant les épaules dans la cour de récré et ferait de même une fois au lycée à la rentrée. Il était prêt pour le lycée, les études supérieures, et tout ce qui viendrait après. Il avait d’ores et déjà la sensation d’être un homme. Il ne lui manquait plus qu’un costume trois pièces et une paire de chaussures cirées, pour pouvoir s’épanouir dans le monde du travail, briller dans les réunions, et faire tout ce qu’un jeune homme ambitieux et vigoureux pouvait faire une fois dans le monde des organismes caféinés et des tenues tirées à quatre épingles des adultes.
Axel tira sa bouche sur le côté.
Il se préoccupait beaucoup de l’avis de la gent féminine. Il tirait beaucoup de fierté de sa place de premier dans le classement débile des plus beaux types du collège. Il tirait beaucoup de fierté d’être abordé par une jolie brune chaque fois qu’il était en vacances à l’étranger, et qu’il mettait le pied dans le restau d’un hôtel. Peut-être était-il autant intéressé par ce que les filles pensaient de lui, uniquement à cause de son âge. Ou peut-être était-il juste un garçon très limité intellectuellement. En réalité, peu importait. Il était trop stupide pour savoir laquelle de ces deux explications était la bonne. Il allait bientôt intégrer le monde du travail, toucher un salaire, avoir son propre appartement. À côté de ces considérations, de ces aspirations, les pensées de son cerveau étaient toutes accaparées par la personne qui était assise juste à côté de lui.
Le jeune homme se tourna vers la jeune femme. Clara avait le même teint hâlé que lui, de longs cheveux noirs, des yeux pétillants, et un nez légèrement courbé en bec d’aigle. Les garçons de son âge rêvaient d’Emily Ratajkowski, lui rêvait de Clara Verriers. Il pensait déjà aux restaurants huppés dans lesquels il pourrait l’amener, un attaché-case à la main, et un haut de costume chic sur le torse.
Il avait aperçu la jeune femme deux ans auparavant à Roissy Charles de Gaulle. Il avait été le plus heureux du monde en la voyant monter dans son avion, puis dans son autocar sur la route de l’hôtel Marmara. Ils s’étaient parlé, avaient passé sept jours et six nuits à papoter ensemble autour de la piscine, puis ils étaient rentrés en France à Paris. Axel n’avait plus été capable de la sortir de sa tête depuis. Elle, l’avait oublié dès qu’elle avait posé le pied sur le tarmac. Elle avait pris le temps de répondre aux messages qu’il lui avait envoyés dans un premier temps, et dans un premier temps seulement.
Les deux étaient tombés l’un sur l’autre par hasard à l’occasion d’une soirée une semaine plus tôt. Contre toute attente, elle avait accepté de venir un après-midi chez lui le temps de regarder un film, lorsqu’il lui avait proposé. Aujourd’hui, ils étaient tous les deux allongés sur le canapé de son salon. La baie vitrée faisait scintiller les cristaux du lustre au plafond, à mi-chemin de la télé et de l’écran plasma.
— Mec, rappelle-moi pourquoi on regarde ce truc déjà ?
La voix de la jeune femme était grave. Presque enrayée.
— C’était ça ou l’autre daube de Rick et Morty…Le scientifique fou qui crée des portails pour se déplacer de dimension en dimension était pas assez bien pour toi alors, du coup on a dû reporter notre choix sur ça.
Axel reporta son attention sur la TV. Ils regardaient Les Gardiens de La Galaxie. Le superhéros Peter Quill dansait sur « Ooh Child » de The Five Stairsteps dans la scène iconique de la fin du film. Dans quelques secondes, il réglerait le compte de Ronan l’accusateur et l’empêcherait de réduire la surface de la planète Xandar en cendres. Tout autour de Peter, une foule d’humanoïdes aliens s’était attroupée. Ils avaient des couleurs de peaux et des caractéristiques physiques d’une grande diversité. Il y avait des krees, reconnaissables à leur peau bleu clair et à leurs yeux de la même couleur, et des shi’ar, qui avaient la peau jaune et des tatouages violets sous les pommettes.
Le film allait se terminer. Clara allait bientôt rentrer chez elle. Il prit son courage à deux mains et passa à l’action. C’était le moment de tenter quelque chose. Il descendit sa main sur son bras. La jeune femme frémit. Il fit ensuite glisser sa main dans la sienne.
Clara sauta hors du canapé.
— AH ! Je t’ai pris en flagrant délit ! lança-t-elle, les yeux écarquillés en réajustant son haut Adidas.
— Je comprends pas.
Il se redressa en passant sa main dans ses cheveux pour se donner une contenance.
— Ne fais pas l’innocent, mec. Si on n’a jamais été amis, ce n’est pas parce que je ne répondais pas à tes messages, mais bien parce que tu voulais qu’on soit plus qu’amis. Je suis venu aujourd’hui juste pour pouvoir le prouver.
Axel ne savait pas où se mettre. Il quitta le canapé en serrant la mâchoire.
— On n’a pas été amis ces deux dernières années car…je n’étais pas honnête avec toi et je ne voulais pas de l’amitié ? Tu t’entends parler ? Je voulais quoi alors, de l’amour ?
— Je sais que c’est le cas Axel, tu vas faire quoi ? Prétendre le contraire ?
Le jeune homme entrouvrit la bouche pour répondre. Aucun son n’eut le temps d’en sortir.
Les deux ados se sentirent aspirés dans un vortex. Ils furent happés dans un trou et recrachés de l’autre côté. Projetés sur le sol.
Axel haleta en se redressant. Il plissa les yeux. La nausée lui faisait tourner la tête. La scène avait été si rapide qu’elle avait semblé presque irréelle. Il regarda autour de lui. Son cœur se mit aussitôt à battre à cent à l’heure. Son pouls s’affola. Il y avait de l’herbe sous ses pieds nus et des plaines violettes tout autour d’eux. Ils étaient au bord d’une falaise. Elle dominait une ville faite de cubes de pierre couronnés de longues antennes en argent.
Le jeune homme fronça les sourcils. Il voyait au loin en contrebas des kree, des shi’ar, et d’autres races qui n’auraient normalement dû exister que dans les studios dans lesquels ils tournaient Les Gardiens de la Galaxie. Il y avait un problème, quelque chose qui n’allait pas. Axel ouvrit sa bouche en grand. Il essayait tant bien que mal de reprendre sa respiration.
Clara se prit la tête dans les mains.
— Qu’est-ce…Qu’est-ce que tu nous as fait ?
Axel aurait voulu lui dire qu’il n’y était pour rien. Mais il était paralysé. Et transi de peur. Un instant plus tôt, ils se trouvaient dans son salon. Un instant plus tard, ils se retrouvaient ici, quelque part, loin de chez eux, entourés de plaines violettes. Le jeune homme écarquilla les yeux. Une tache rouge venait d’apparaître sur son avant-bras juste après qu’il se soit pincé. Ils ne rêvaient pas. Ils venaient bel et bien d’être téléportés comme par magie loin de chez eux. Axel referma les paupières. Il repensa au film qu’il regardait quelques instants plus tôt, à l’odeur de l’encens dans son salon, aux rayons de soleil à travers la baie vitrée, et à tous ces petits pixels sur l’écran plasma. Il tenta de comprendre ce qui avait bien pu se passer. Pourquoi l’herbe en dessous de ses fesses était-elle de couleur violette et pourquoi avait-il la sensation d’avoir fait plusieurs tours de montagnes russes ?
Axel courba l’échine. Un frisson lui donna la chair de poule. Lui et Clara étaient loin de chez eux, au beau milieu de la nature. Et là, à quelques mètres d’eux seulement, au beau milieu de cette nature sauvage, se trouvait un animal en train de les épier. Axel le vit avant d’entendre ses pas lourds faire trembler le sol.
Un prédateur de deux mètres de haut, avec une mâchoire de requin blanc, sortit des fougères pour se ruer sur eux. Il y eut une effusion de sang, puis le cri de Clara, qui s’écroula la première. Les épaules de la bête ondulèrent sous sa fourrure grise. Sa mâchoire se planta dans le torse d’Axel et le plaqua au sol. Le jeune homme cligna des yeux. Les crocs du félin avaient déjà brisé ses côtes. Et perforé ses poumons. Il sentit la vie s’échapper peu à peu de son corps. Ses paupières se fermèrent. Il n’était déjà plus un adolescent à la tête bourré d’informations totalement inutiles et futiles sur des univers et des mondes qui n’existaient que dans l’esprit des artistes qui l’avaient créée, et pour le bon plaisir des millions de spectateurs qui se déplaçaient dans les cinémas pour voir les films qu’ils avaient fait naître. Il était un adulte, et il était sur le point de mourir.
Ce premier chapitre fourmille d'idées, tu ne perds pas de temps. Je ne me suis pas ennuyé à la lecture^^ Je te mets mes remarques au fur et à mesure :
Tu poses tout de suite le personnage d'alex : confiant, ambitieux, intéressé par les filles et prétentieux. Au moins, il a du relief^^
Le passage où ils sont projetés mériterait d'être un peu étayé (qu'est-ce qu'il ressent ? "Les deux ados se sentirent aspirés dans un vortex. Ils furent happés dans un trou et recrachés de l’autre côté. Projetés sur le sol." je trouve que c'est un peu court.
"Ils venaient bel et bien d’être magiquement téléportés sur une autre planète." La conclusion vient peut-être un peu vite, un évènement comme ça est tellement étonnant que je les verrais rester dans le déni dans un premier temps.
L'arrivée de la créature montre l'hostilité de la planète, cette chute est intrigante. Elle pourrait peut-être arriver un peu plus tard (si tu prends plus le temps de développer la téléportation).
Sinon, ton style est très agréable à lire.
Bien à toi !
Content que tu trouves mon style agréable à lire.
Merci pour ton retour détaillé !
T'as raison, je devrais étoffer le moment où ils sont projetés dans un autre univers car c'est carrément un moment très important dans l'histoire. Il mériterait définitivement d'être creusé un peu plus ! :D
Je pense garder l'arrivée de la créature hostile à la fin de ce chapitre, mais elle sera sûrement décalée un ou deux paragraphes plus bas quand j'aurai épaissi le passage sur le vortex !
J'essaie de faire en sorte qu'il y ait beaucoup d'action dans le récit, j'espère que c'est réussi ^^
(Au passage, c'est Axel, pas Alex haha ^^)
En tout cas, merci de m'avoir lu !