Theia regardait Oléthros debout, en face d’elle, adossé au mur. Il lui souriait, l’air serein. Avant qu’elle puisse lui demander ce qu’il faisait dans sa chambre, son frère prit feu sous ses yeux. Elle se leva d’un bond en réprimant un cri lorsqu’il lui fit signe de se calmer. Déjà, l’odeur de chair brûlée lui retournait l’estomac alors que lui, continuait à lui sourire. Il s’approcha et lui dit d’une voix lointaine et étouffée :
— Je t’attends Theia !
C’est là qu’elle ouvrit les yeux. Elle était seule. Pas d’Oléthros, pas de feu, mais une odeur bien réelle. Le sacrifice avait commencé. Un nouveau membre du précieux clan des Thuseia faisait don de sa vie pour le bien de tous. Theia ne voulait pas y assister. Elle regarda son poignet et y vit la funeste lettre grecque marquée au fer rouge. Ce « θ » qui faisait de son existence une chose aussi essentielle qu’éphémère. Cette simple marque la rappelait en tout temps à son destin. Quelques semaines plus tard, c’est elle qui sera sur l’autel sacrificiel élevé face aux temples divins. Ce sera la fumée sacrée de son corps qui sera donnée en offrande aux Esprits Élémentaires et les restes de sa chair qui seront offerts aux animaux sacrés. Quelques semaines plus tard, elle aura été honorée, elle aura contribué au « Salut de l’Humanité. » Comme l’avait fait son frère avant elle.
Après avoir chassé ces idées de son esprit, elle enfila une tunique légère avant de sortir dans les rues de Neoacheos. Tout ce qu’elle désirait, c’était s’éloigner le plus rapidement possible de l’odeur, des souvenirs et de son destin. Elle déambula dans le village, désert en raison de la cérémonie sacrificielle, et s’arrêta un moment devant la Boulê. Elle lut l’antique inscription sur le frontispice : « Les Dignes Héritiers de la Piété seront le Salut de l’Humanité. » Tout la ramenait à son sort. Elle se remit en marche en direction de la forge du village où elle trouverait Keiôs. Elle savait qu’il n’assisterait pas non plus à la cérémonie. En arrivant, elle le vit assis derrière un bureau poussiéreux dans un coin de la pièce. Tout autour de lui, une dizaine de vieux livres étaient ouverts. Il lui fit un geste de la main sans lever les yeux de son livre.
— Tu ne célèbres pas nos héros ? demanda-t-elle avec un rire sans humour.
Il lui sourit avec une chaleur qu’il était le seul à pouvoir transmettre dans de tels moments. Déjà, le poids qui pesait sur sa poitrine s’allégeait.
— Tu devrais être plus prudent avec tes livres, reprit‑elle, tu ne sais pas où ton érudition va te mener.
— Pourquoi pas à la vérité ? lui répondit‑il. Ne veux-tu pas savoir quelle est la vraie raison pour laquelle tes jours sont comptés ?
— Tu sais très bien que si mais je te dis juste d’être prudent. Pense à ta mère. À force de trop poser de questions, elle a fini par mystérieusement disparaître.
— Ma mère … Elle savait Theia ! Je le sens. Elle m’a laissé ces livres, ils sont la clé. Il me faut juste les déchiffrer. Je n’y arriverai pas à temps pour aider Arété mais je peux t’aider toi.
Cette phrase la frappa de plein fouet. Pourquoi prenait-il tant de risques pour la sauver ? Comme elle ne voulait rien laisser paraître, elle changea rapidement de sujet :
— Comment va-t-il ?
— Il est prêt, dit-il avec un haussement d’épaules, il est allé aux temples ce matin. Il voulait personnellement honorer les Esprits avant la cérémonie. Une manière de leur dire qu’il avait accepté son destin sans doute. Selon lui, il vivra sa dernière semaine en paix avec eux. Il se montre le plus digne et pieux possible pour éviter que nous subissions les répercussions de sa période de doute. Peine perdue si tu veux mon avis.
Que pouvait bien ressentir Keiôs ? Elle ne s’imaginait pas ce que c’était que d’être à sa place. En tant que second fils, il était donc « épargné. » Il ne portait pas le thêta sur le bras et ne devrait jamais donner sa vie pour les dieux. En revanche, il devait voir son frère et sa sœur ainés être sacrifiés tout en sachant que lui, survivrait, pour très vite donner un fils et une fille en sacrifice à leur tour. D’une certaine manière, Theia jugeait sa propre position enviable. Elle n’avait pas à survivre à tous les êtres qu’elle aimait.
Elle observa Keiôs ranger minutieusement ses livres. Il lui proposa de sortir. Elle acquiesça et ils prirent la direction de l’étang derrière l’académie. Là, ils pouvaient échanger sans risquer d’être entendus. Peu bavards, ils se comprenaient la plupart du temps sans avoir à formuler les choses. Ce jour-là, c’était différent. Theia savait qu’elle devait lui parler de « l’après. » Elle le regarda, anxieuse. Elle aurait préféré être sacrifiée à l’instant plutôt que d’avoir cette conversation.
Il sourit :
— Tu ne vas pas me faire le coup des adieux larmoyants j’espère ?
— Ce n’était pas mon intention.
Elle jaugea sa réaction avant de poursuivre :
— Je veux que tu redoubles de prudence. Je ne serai plus là pour te tirer d’affaire. Je comprends que tu veuilles poursuivre les recherches de ta mère mais tu seras plus utile si tu restes en vie. Quelque chose ne tourne pas rond chez les Anciens mais je veux que tu te tiennes à l’écart.
— Suffisamment longtemps pour que tu puisses te jeter dans la gueule du loup et enquêter seule ?
Elle essayait en vain de cacher sa frustration. Bien sûr qu’il avait compris où elle voulait en venir.
Elle reprit :
— Je suis née dans la gueule du loup. Penses-tu qu’ils laisseraient quoi que ce soit arriver à l’une des « Héroïnes de la cité » ? Ils ont besoin de moi. Pendant deux semaines, j’ai le champ libre.
— Theia, souffla-t-il exaspéré, je te suis et ne t’avise plus de me sortir la carte du sacrifice.
Je chipote questions corrections XD pense à ajouter une virgule avant "mais" (et car aussi, je n'ai pas fait attention s'il y en avait ici).
Je rejoins Ella qui parle d'un problème de concordance des temps (je ne sais pas pourquoi je te l'ai laissé comme ça d'ailleurs quand je te l'ai corrigée, je ne devais pas être réveillée).
Pense également à ajouter une virgule lorsque ton personnage appelle l'autre par son prénom. Ex : "— Ma mère … Elle savait Theia !" = une virgule avant Theia ^^
J'ai complètement fortuitement cliqué sur ton histoire, qui m'a amenée à ton profil, et je me suis ensuite lancée dans la lecture.
Au résumé, j'avais un peu peur de quelque chose d'assez 'banal', de rébellion contre la destinée, de découverte de soi et du monde, etc. Évidemment, on peut aussi faire du très bon avec un schéma disons classique, mais j'ai plus de mal à me laisser appâter par ce type de déroulé. Cependant, à la lecture de ce premier chapitre, je présage plutôt quelque chose d'atypique ici.
Le thème du sacrifice humain est abordé avec franchise, et les bases du paradigme sont posées clairement mais sans effet catalogue (bon point) : les premiers fils et filles d'un certain peuple sont marqués pour être sacrifiés plus tard, tandis que les autres restent pour fournir les prochaines générations.
On sent évidemment une influence grecque aussi bien dans les noms des personnages que ceux des lieux. C'est sympa.
La banalité de ces sacrifices humains est choquante sans sortir de la lecture. Theia, bien que son tour approche, n'y est pas habituée, mais le reste de la population oui, y compris d'autres condamnés, apparemment. La fumée qui accompagne ces cérémonies ne choque plus personne. Pire, tout le monde est sur les lieux pour assister au rite. Effrayant, comme contexte sociétal.
Tout n'est cependant pas perdu, car quelques individus remettent en cause le système et y cherchent des justifications au-delà du divin. Keiôs et avant lui sa mère sont de ces gens. De mystérieux livres, a priori dans une langue ancienne, pourraient contenir des informations importantes. Si sa mère a réellement été éliminée pour ce qu'elle savait, il est curieux que les volumes n'aient pas disparu avec elle. Mais tant mieux, car sans ça, il n'y aurait peut-être pas d'histoire !
À ce stade, je ne sais pas trop à quelle chute m'attendre. En tous cas Theia à deux semaines pour profiter de son immunité, voyons voir comment elle va en tirer parti...! Bon début à ton histoire, en tous cas, en ce qui me concerne. ^^
À bientôt ! =)
Merci énormément. Tu ne peux pas savoir comme ce message m'a fait chaud au coeur. C'est la première fois que je fais lire mes histoires et j'avoue être très stressée.
Je suis très contente de ces retours très précis car je peux m'appuyer dessus pour développer mon roman.
Merci encore ! J'espère que la suite te plaira :)
Petites remarques:
-« Quelques semaines plus tard, c’est elle qui sera sur l’autel sacrificiel élevé face aux temples divins », vu que tu racontes l’histoire au passé, je mettrais « c’est elle qui serait ». Y compris pour les quelques phrases qui suivent.
-« — Tu ne vas pas me faire le coup des adieux larmoyants j’espère ? – Ce n’était pas mon intention », petit souci avec le tiret qui devrait aller à la ligne.
Au plaisir
Merci beaucoup pour ce retour précieux :)
voici un premier chapitre bien mystérieux. Un sacrifice, pour qui, pourquoi? Je trouve que c'est une belle entrée en matière. Tu ne nous offres que le minimum, pas de grandes descriptions ou d'explications à rallonge. Et cela donne envie d'en savoir plus.
J'espère que la suite te plaira !