Chapitre 2

Ce soir-là, ils se rendirent devant la Boulê, le siège du Conseil des Anciens, où ceux-ci se trouvaient à cet instant précis. Ils avaient donc le champ libre. Ils commencèrent leurs recherches par l’étude l’Anax, le souverain du village, car c’est là où ils avaient le plus de chance de trouver quelque chose. Toute en marbre, la pièce était rectangulaire et parfaitement symétrique. Theia fut impressionnée par le sentiment d’ordre qui y régnait. Keiôs se dirigea vers le bureau enterré sous les papiers et les registres alors que Theia alla inspecter les cabinets de rangements. Ils étaient emplis d’objets divers dont elle ne connaissait pas l’utilité. Elle inspectait un instrument de verre lorsque son regard fut attiré par une vieille boîte en bois. Elle s’en saisit pour l’observer de plus près. En l’époussetant, elle vit une inscription gravée dessus : HHΔΔ. Elle se dirigea vers Keiôs pour lui partager sa découverte mais celui-ci était préoccupé par autre chose. En s’approchant, il lui tendit un registre, inquiet. Deux noms étaient inscrits sur une page en majuscules : OLÉTHROS et ALÉTHEIA. Pourquoi l’Anax s’intéressait-il à son frère et à elle ? Elle interrogea Keiôs du regard, qui se contenta de secouer la tête.

À ce moment, ils entendirent la rumeur d’une conversation. Elle cacha le registre sous sa tunique et empoigna la boîte avant de se précipiter vers la fenêtre. Il était trop tard. L’Anax, flanqué de deux Anciens, venait d’entrer. Ils étaient pris au piège. Impossible de fuir. Theia réfléchit à la manière de retourner la situation à son avantage. Descendante de Deucalion et de Pyrrha, seuls survivants de l’Inondation, et étant la première fille née de sa famille, elle était essentielle à l’équilibre du monde. Elle était en position de force. Elle obtiendrait ses réponses et la libération de Keiôs.  

Elle se tourna vers le président du conseil et s’aperçut qu’il la regardait avec un air moqueur. Il prit alors la parole :

— Alétheia, je ne pensais pas vous voir si tôt ! C’est si délicat de votre part de me rendre visite par cette belle soirée ! Je crois voir que vous avez entre les mains une chose qui m’appartient. Vous ne pensiez tout de même pas l’emprunter sans autorisation ?

­— Essayez donc de m’en empêcher. 

L’Anax se mit à rire :

— Je ne pourrais pas vous en empêcher hein ? Laissez-moi deviner : vous vous sentez indispensable. Je suis désolé de vous l’apprendre mais vous ne l’êtes pas.

Theia fit un effort considérable pour ne pas montrer son trouble. L’Anax ne pouvait pas la faire mourir, qu’adviendrait-il de son sacrifice ? Il ne pourrait justifier sa mort auprès des habitants. Sans se départir de son sourire, il reprit :

­— S’il devait vous arriver un fâcheux accident avant votre sacrifice, nous avons comme qui dirait des … solutions de remplacement. Les Esprits Élémentaires ne seront pas contrariés par votre absence. Décidemment, vous ne tirerez jamais les enseignements du passé. N’est-ce pas l’arrogance des Premiers Hommes qui a provoqué la colère des dieux ? Cette même arrogance pourrait vous coûter très cher. Et entre nous, si l’un de vous deux était en position pour négocier, ce serait davantage votre ami ici présent. Contrairement à vous, lui est indispensable à la survie du clan thuseien.

Theia sentit la colère l’envahir. Il avait dit vrai et elle le savait. Elle était impuissante et ne pouvait rien pour son ami. Cependant, elle ne pouvait admettre ce qu’elle venait d’entendre. L’Anax avait confirmé sans la moindre réserve toutes leurs suspicions. Ils n’étaient bien que des pions qui ne représentaient pas la moindre menace. Elle sentait cependant que quelque chose sonnait faux dans son discours. Il n’avait pas du tout été surpris de la trouver là. Clairement, il l’attendait. En revanche, il ne semblait pas aussi confiant qu’il voulait bien le laisser paraître. La frustration remplaçait progressivement la colère. Un détail lui échappait. Mais quoi ? Elle regarda la boite qu’elle tenait encore entre ses mains. Elle sentait que les réponses à ses questions s’y trouvaient mais elle ne savait pas comment les obtenir, ni comment elle allait sortir Keiôs de là. Elle le sentit bouger près d’elle. Il essayait d’attirer son attention sans être vu. Il changea légèrement de position de manière à lui indiquer la porte. Elle leva la tête et aperçut une tête connue. Arété était caché dans l’ombre, derrière les trois Anciens.