— C’est qui ? demanda le père, une main sur l’épaule de la fillette.
L’enfant regardait le miroir en tournant légèrement la tête pour observer le reflet qui imitait ses mouvements.
— C’est moi.
— Oh, c’est un joli prénom, Cémoaw.
— Mais non, papa, C’est moi !
— Oui, j’ai bien compris, Cémoaw, répèta-t-il avec douceur alors qu’il finissait de tresser les cheveux de sa fille.
Un sourire ourlait ses lèvres lorsqu’il observa le résultat de sa coiffure avec fierté.
— Et voilà, Cémoaw et Luce sont prêtes !
— Mais papa ! C’est moi !
Elle, elle, ne rigolait plus du tout. Ses yeux étaient rouges et sa moue boudeuse. Elle observa avec un doute cette fille qui lui ressemblait, à la recherche du moindre détail qui pourrait les différencier. Son père gloussait toujours quand il passa l’écharpe autour de sa nuque.
— Allez, c’est l’heure d’aller à l’école.
Lorsqu’il quitta la salle de bain, Luce resta à fixer le miroir, sa bouche était pincée et ses sourcils froncés. Parfaitement immobile face à son reflet renfrogné. Le souffle de la fillette se coupa, lorsque l’image lui adressa un clin d’œil. Les yeux écarquillés, Luce fit un pas vers l’arrière. Ses mains s’étaient levées sur son visage, pour vérifier lequel de ses muscles l’avait trahi. Son double ne bougea pas, les bras le long du corps, la tête penchée sur le côté avec un air interrogateur ancré sur ses traits.
— On va être en retard !
L’appel brisa la concentration de Luce qui sursauta. Inspirant pour la première fois depuis plusieurs secondes, elle détacha son regard du miroir et se précipita pour attraper son bonnet. Au pas de course, elle se précipita dans le couloir, éteint la lumière et tira la porte pour la fermer. Elle marqua un temps d’arrêt et fixa le miroir en face à la recherche d’une nouvelle différence. Cette fois-ci, il n’y avait qu’elle. Sa silhouette se dessinait dans l’encadrement de la porte.
Tout ça, elle l’avait imaginé, non ?
Luce rejoint son père au pas de course dans le couloir.
***
Ca fait combien de temps que je déambule ici ?
Le paysage prit forme pour la première fois sur sa rétine. Dans la nuit, les immeubles ouvragés dévoilaient à la cime de leur toiture de zinc, un ciel empreint de tristesse. Les nuages pleuraient lamentablement, éveillant l’odeur si particulière de la pollution humide.
Paris.
Ce nom lui vint en tête en observant les alentours.
Un boulevard s’étendait devant elle, bordé de ses rangées d’arbres soignés, éclairés tous les dix mètres d’un lampadaire maigre. C’était leur lueur orangé omniprésente qui éclairait jusqu’au ciel. Sur les routes parallèles, les quelques rares voitures filaient en faisant vibrer les pavés. Leurs roues projetaient des cascades d’eau sur les trottoirs.
Comme son pantalon et sa chemise s’étaient mis à lui coller à la peau, chargés d’eau et de sueur, jusqu’à entraver ses mouvements, la jeune femme ralentit réalisant qu’elle n’avait jamais cessé de courir.
Depuis combien de temps ?
Le sol détrempé reflétait la lueur rouge d’un feu quand elle se laissa aller contre l’un de petits poteaux au passage piétons. Les questions s’agglutinaient dans sa tête sans trouver réponse. Elle laissa sa main se perdre sur son visage, avec l’espoir illusoire de faire taire la douleur qui lui vrillait les tempes. Son index se suspendit à l’angle de son sourcil lorsqu’il rencontra une éraflure visqueuse.
Aïe.
Écartant sa main de son visage, elle examina dans la lueur lugubre des lampadaires le liquide vermeil qui teintait ses doigts. Un second passage de sa paume sur sa joue lui apprit qu’elle en était couverte.
Qu’est-ce qu’il s’est passé ?
Le feu devint d’un vert si vif qu’il la força à plisser les yeux. Pour ne pas majorer la pulsation douloureuse, elle tourna en douceur la tête en direction de l’angle de la rue qui traversait son chemin.
« Rue des Martyrs ». « Boulevard des Batignolles ».
Super ! Mais ça ne m’aide pas du tout ! Qu’est-ce que je fous ici ?
Est-ce qu’elle connaissait Paris ? Elle vivait ici ?
Son cœur s’accéléra dans sa poitrine et elle plaqua une paume sur ses lèvres lorsque la nausée la submergea. Les fourmillements de la panique s’étaient propagés dans ses mains glacées et les larmes engloutirent son champ de vision.
Aller. Il faut que tu restes calme. Tu peux rester calme. Tu en es capable.
La brûlure désagréable des sanglots lui mordait le nez.
Tu ?
Ses genoux cédèrent.
Mais qui es-tu ?
Je découvre le premier chapitre de ton histoire aujourd'hui ! Jolie plume.
Il s'en dégage une certaine ambiance, sombre, mélancolique... C'est intrigant. La première partie me donne l'impression d'un souvenir, avec cet élément fixe du miroir autour duquel tourne toute la scène.
La suite est plus floue. On perd tout repère. Est-elle encore une enfant ? Que fait-elle là où elle est ? Est-ce la même personne que celle du début de l'histoire ? Pourquoi ne se souvient-elle pas de qui elle est ?
Bref en tout cas c'est un chapitre qui soulève pas mal de questions ^^
Quelques remarques sur la forme :
- "et se précipita pour attraper son bonnet. Au pas de course, elle se précipita dans le couloir" -> répétition du verbe précipiter.
- "elle se laissa aller contre l’un de petits poteaux" -> l'un des* petits poteaux ?
- "Son cœur s’accéléra dans sa poitrine" -> le rythme ? Les battements ? Je ne crois pas qu'on puisse dire du cœur directement qu'il s'accélère.
À bientôt ! :)
J'ai beaucoup aimé ce premier chapitre, très prenant et intrigant sur plein de points, qui me donnent envie de poursuivre ma lecture.
L'aspect fantastique avec le miroir, le père qui se moque d'elle gentiment, permet vraiment de poser les bases de l'univers.
J'ai repéré quelques fautes :
"Aller. Il faut que tu restes calme." > Allez.
"au passage piétons" > piéton.
Je trouve un petit peu étrange qu'elle parle de "liquide vermeil" pour le sang. Je trouve que dire le mot est important (sauf si ce n'est pas du sang ?) pour renforcer l'horreur et la confusion.
Cela reste vraiment un très bon début !
Bonne continuation.
Pour moi, ce premier chapitre très prenant de ton histoire signe un début prometteur pour le reste de sa narration.
Il y a beaucoup d'éléments que j'apprécie dedans, comme le fait qu'il s'annonce à notre lecture avec le début d'un dialogue — ouverture certes classique mais efficace -, et se ferme, les deux parties confondues, avec une question, la traîne d'humour qui en suit, avec le père feignant de confondre le prénom de sa fille avec " Cémoaw", son reflet qui soudain s'anime et communique avec elle, les sentiments de l'enfant, ses actes et son étonnement entrecoupés des paroles de son père, qui donne au texte un petit côté cinématographique, je trouve, avant d'assister à un bond spatio-temporel et de nous retrouver brusquement à Paris, un jour de pluie…
Mais dans un souci de concision et pour ne pas t'apporter des remarques ou simples avis plus ou moins inutiles, je me passerais de tous les énoncer.
Ton style est de qualité, vif et dynamique, et sait bien, je pense, manier la technique des questions-réponses, des monologues ultra-rapides (" Depuis combien de temps est-ce que je déambule ici ? " […], " Paris " [ … ], " Aie ", etc.), et surtout de l'action et son savant découpage.
Quand Luce est à Paris, on ressent tout de suite une ambiance pesante, avec les nuages qui larmoient lamentablement, et qui éveillent de leurs gouttes les senteurs du bitume humide. Puis viennent les phrases courtes et saccadées, les descriptions glaçantes de la tension qui monte inexorablement en elle, et qui atteint son paroxysme quand elle — ou la petite voix dans sa tête qui se matérialise sous forme de texte en italique — revient à questionner son identité profonde. Je relève aussi évidemment beaucoup de mystère : mais pourquoi donc est-elle couverte de sang ? Est-elle amnésique au point d'avoir perdu son sens de l'orientation ? Qu'est-ce qu'elle vient faire rue des Martyrs ? Et y a-t-il une symbolique derrière ce nom de rue ?
Au niveau des fautes, je me permets de te signaler quelques cafouillages au niveau de la syntaxe, ou encore d'oublis potentiels de mots :
- " Elle, elle, [ ... ] " Penses-tu que les deux virgules sont nécessaires ? Personnellement, je trouve que cela alourdit plus ta phrase qu'autre chose...
- " [ ... ] lorsqu’il adressa un clin d’œil. [ ... ] " Ne serait-ce pas plutôt : " lorsqu'il lui adressa un clin d'œil " ?
- De part et d'autres de ton texte, il y a parfois des espaces en trop... Pour un souci de typographie, je te conseille de les enlever !
- " Le ton brisa la concentration de Luce qui sursauta. [ ... ] " Je pense que l'ajout d'une virgule entre " Luce " et " qui" serait utile, pour le rythme de la lecture.
- " En clignant des paupières que le paysage prit forme pour la première fois sur sa rétine. [ ... ] " Il y a un problème ici, non ? » Je pense plutôt que tu voulais dire : " C'est en clignant des paupières que le paysage [ ... ] ".
- " [ ... ] Les immeubles ouvragés dévoilaient à la cime de leur toiture de zinc, un ciel empreint de tristesse [ ... ] " C'est une phrase vraiment sublime, mais moi, j'aurai retiré la virgule.
Je n'ai rien remarqué au niveau des fautes d'orthographe !
Je te souhaite une bonne journée, en espérant que mon avis et mes petites remarques aient pu te servir à quelque chose...
Cordialement,
Je te remercie, mais honnêtement, ce n'est pas grand-chose, je trouve... Cela me fait toujours plaisir de commenter des textes qui me plaisent ! En tout cas je suis ravie qu'ils aient pu te servir à quelque chose.
J'ai hâte de pouvoir lire le second chapitre !
Cordialement,
Eclat