Chapitre 1

Par Ophelij

Il était une fois, un vaste royaume dans lequel tout le monde vivait librement et en harmonie. Le roi et la reine gouvernaient avec bon sens et générosité, ils n’imposaient qu’une chose à leur peuple : l’entreprise.

    Entreprendre cela voulait dire se coordonner pour accomplir l’une des trois actions de base qui assuraient la cohésion du pays : construire, consommer, trier. Les entreprises de construction fonctionnaient suivant une logique de production; les entreprises de tri appliquaient une logique d’assimilation ou d’intégration. Enfin, trieurs et constructeurs exerçaient bénévolement leur rôle de consommateurs. Ainsi chacun pouvait agir à sa mesure dans un système dont il faisait partie, on était à la fois acteur et utilisateur de l’entreprise générale. Cela marchait très bien.


    Ce royaume devenait chaque année un peu plus compliqué que l'année précédente, mais tout le monde y semblait heureux. Chacun exerçait son travail avec la passion et le zèle du spécialiste certifié. Le roi et la reine montraient l’exemple en exerçant chacun un petit métier : le roi était cireur de chaussures, et la reine retournait des vestes.
    Ils n’avaient qu’une fille, lorsqu’ils moururent l’un et l’autre, celle-ci venait d’atteindre sa majorité. L’un de ses conseillers lui présenta la liste de tous les métiers qui existaient déjà, une liste si longue qu’il fallait plusieurs heures pour la dérouler complètement.
    La jeune fille soupira et dit qu’elle préférait s’en aller. À la surprise de tous, elle quitta le pays le jour même avec un tout petit bagage.


    Elle marcha longtemps. Alors que le soir tombait elle vit une chaumière à la lisière de son royaume. Elle demanda qui vivait  là et si elle pouvait y passer la nuit. Une vieille femme lui ouvrit et dit :

« - J’ai très faim et je ne sais pas cuisiner, si tu me prépares à manger je te laisserai dormir chez moi. »

La jeune fille accepta et la vieille femme lui donna six gros œufs.

« Attention ma fille à ne rien manger pendant que tu cuisines ! »

La princesse se mit aux fourneaux, elle brisa le premier œuf. Comme elle avait très faim elle mangea le jaune, et elle étala le blanc. Elle se dit que c’était comme la mer. Elle brisa le deuxième œuf, il était dur, elle mangea le blanc et pris la poudre jaune, elle se dit que c’était comme la terre et elle en mit un peu partout. Elle mangea tout le troisième œuf, et n’utilisa que la coquille pour en faire des maisons.
La vieille apparut alors et lui dit :

« - Pauvre fille ! Tu as fait la mer, mais en mangeant le jaune tu as oublié d’y mettre les poissons, tu as fait la terre, mais en mangeant le blanc tu as aspiré toute la sève, aucune plante ne poussera jamais dans ce monde, ensuite tu as construit des maisons, mais tu as mangé tous ceux qui vivaient  dedans »

La princesse écouta attentivement les conseils de la vieille dame, mais ne s’inquiéta pas. Il restait trois œufs et elle se sentait prête à fabriquer les poissons, les plantes et les gens.
Elle fabriqua les squelettes sans perdre un seul bout des coquilles, elle étala les blancs, les battit, les fit lever, récupéra  l’écume. Elle fit tiédir certains morceaux au bain marie, elle en fit durcir d’autres au four. Cette fois-ci elle ne mangea rien pendant son ouvrage. A la fin elle se rendit compte qu'elle n'avait fabriqué qu’un seul homme, mais cela lui suffisait.

A ce moment, la sorcière apparut. Quand elle vit le jeune homme allongé sur la table, elle s’énerva :

« - Ton roi ne t’aimera jamais ma fille ! Regarde, étourdie, tu as oublié d’utiliser le sixième œuf !»

C’était vrai, cette fois la jeune femme ne savait plus quoi faire. Il lui restait un œuf, elle le mit dans son ventre et attendit.
La vieille réapparut aussitôt, elle fulminait :

« - Que fais-tu là pauvre idiote ! N’as-tu donc pas peur d’accoucher d’un poulet ! Si tu ne sais plus quoi faire va donc courir le monde, il te viendra des idées ! »

La jeune femme retira l’œuf de son ventre, reprit ses bagages et partit.

 

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