Viviane émergea de son sommeil, les yeux gonflés. Mais de quoi ai-je pu rêver ? se dit-elle. Pourquoi suis-je si triste ?
Elle s’étira, arrêta le réveil, repoussa la couette et glissa ses pieds dans ses mules de velours noir. Un coup d’œil en passant vers la glace de l’armoire, juste le temps d’admirer sa longiligne et mince silhouette qu’elle entretenait à grand renfort de cours de gym et de régime végan. Ses longs cheveux blonds étaient en bataille. Son immense regard vert portait encore les stigmates de la nuit, mais bon, un peu de maquillage et cela sera à peu près parfait. Satisfaite de son image, elle se dirigea vers la cuisine pour se faire un café et préparer le petit déjeuner de son fils Nicolas qui dormait toujours.
Son rayon de soleil ! Depuis le divorce, il vivait avec elle en permanence sauf pendant les vacances scolaires bien que son ex-mari Barry lui ait demandé souvent de le garder même pendant cette période à cause de son métier de journaliste. Ils avaient décidé cet arrangement d’un commun accord il y a quatre ans et cela avait l’air de fonctionner. Nicolas ne semblait pas vraiment perturbé. Il était parfois déçu quand son père annulait un rendez-vous. Bien sûr, il espérait que ses parents se remettent de nouveau ensemble. Huit ans, c’est l’âge où l’on veut encore croire au père Noël, mais il s’accommodait de la situation. Son père et sa mère s’entendaient et c’était pour lui le plus important. Pourtant, le divorce ne s’était pas vraiment bien passé. Barry, son ex, n’en voulait pas. Il avait supplié pour que Viviane accorde une seconde chance à leur couple, mais celle-ci étouffait dans ce mariage trop bancal dans lequel elle avait l’impression de tout donner sans rien recevoir. Elle espérait autre chose, mais quoi ?
Elle monta vers la chambre de son fils, son café à la main. Elle ouvrit doucement la porte et le contempla un moment. Il dormait à poings fermés. Ses cheveux d’or entouraient son visage pâle encore enfantin. Son enfant, sa lumière !
Elle sourit machinalement et se dirigea vers le lit, s’assit et le secoua gentiment.
- Nicolas, Nicolas, c’est l’heure, réveille-toi.
Un grognement répondit. Un regard bleu se posa sur elle.
- Encore un peu, maman.
- Non, mon cœur, nous allons être en retard à l’école ; allez, hop, debout, lui dit-elle en se penchant pour déposer un baiser sur ses cheveux ébouriffés. Qu’est-ce que tu vas faire aujourd’hui à l’école ?
- Des maths, de l’histoire… et puis jouer avec Léon, rajouta-t-il malicieusement.
- Allez, on y va et on ne traine pas.
Elle le quitta pour aller dans la cuisine finir de préparer le petit déjeuner. Elle savait qu’il saurait se préparer tout seul. Il faisait preuve de tellement de maturité malgré son âge. Un vrai petit homme !
Il reparut bientôt, habillé, coiffé, et se hissa sur l’un des tabourets de la cuisine. Elle s’assit à son tour et ils entamèrent une conversation sur les copains, les jeux à l’école, la maitresse et Léon, un personnage fictif qu’il avait inventé après le divorce, sorte de frère virtuel et qui semblait ne jamais le quitter. Viviane s’était inquiétée au début de ce fantasme puis elle s’était dit que cela passerait avec l’âge.
Viviane regarda la pendule du coin de l’œil. Elle aurait aimé que ce moment dure encore. Le soleil entrait par les grandes fenêtres de la cuisine, inondant de lumière cette pièce déjà claire et moderne. Elle était restée dans la maison qu’ils avaient achetée avec Barry ; le loyer qu’elle aurait dû lui verser compensait la pension qu’il devait lui donner. Un bon arrangement pour tous !
Encore un coup d’œil à l’horloge. Elle se leva.
- Allez Nicolas ! le bus va bientôt passer. Tiens ! Je t’ai préparé ton repas.
Il le glissa dans son sac et mit son blouson. Il courut vers l’arrêt de bus en face de la maison, juste le temps d’un Salut maman, à ce soir et d’un claquement de porte et il rejoignait déjà ses amis, son monde.
Elle le regarda jusqu’à ce que le bus scolaire apparaisse, que son fils y grimpe, puis s’éloigne. Il n’y a pas si longtemps, elle l’accompagnait à l’école en voiture, mais l’année dernière il lui avait dit qu’il n’était plus un bébé et qu’il préférait prendre le bus seul. Elle avait compris et ne l’avait plus accompagné non sans tristesse.
Elle souriait encore en montant l’escalier qui conduisait à sa chambre. Il faudrait aussi que je me presse, se dit-elle soudain en réalisant que l’heure était déjà avancée. Elle fila sous la douche, enfila une tenue élégante et confortable, se maquilla légèrement et redescendit, se sentant légère. Une fois prête, elle prit son cartable rempli de copies corrigées et se dirigea vers le garage. Elle monta dans sa voiture, une Lexus noire, encore un héritage de son époque maritale, actionna l’ouverture automatique du garage et sortit du garage en route vers l’université. Elle habitait dans un quartier résidentiel à environ un quart d’heure de son lieu de travail.
Hier soir, elle avait préparé son cours sur les poètes français du XIXe siècle. Elle aimait partager avec ses étudiants sa passion pour cette langue et cette époque qu’elle trouvait si romantique. Ceux qui suivaient son cours de littérature étaient peu nombreux, car il était pour eux optionnel pour l’obtention de leur diplôme en mathématiques.
Elle appréciait ses élèves, son métier. Une journée sans histoire, comme je les aime, m’attend, pensa-t-elle. Et elle avait décidé d’en profiter pour aller faire du shopping avec son amie de toujours et sa collègue Annie. Une journée calme en perspective, tout comme sa vie, monotone, sans surprise, semblant être oubliée du destin. À 35 ans, elle avait tout ce qu’elle souhaitait : un fils merveilleux, un métier qu’elle aimait, et un ex-mari sur lequel elle pouvait compter en cas de problèmes, des amis peu nombreux, mais avec lesquels elle se sentait bien.
Le problème était sa vie affective. Elle était inexistante et Viviane ne croyait plus en l’amour avec un grand A. Elle le considérait comme une nécessité pour avoir des enfants, sans plus. Elle n’avait plus envie ni de passion ni d’engagement amoureux dans sa vie bien huilée, sous contrôle. Elle aimait son fils, ses parents, ses élèves. Cela lui suffisait.
Ses amis et ses parents la questionnaient parfois sur son refus de tout engagement affectif.
- Tu es jeune, jolie. Pourquoi restes-tu toute seule ? lui répétaient-ils souvent.
- J’ai besoin de solitude et de silence, répondait-elle en riant.
En fait, elle avait peur de faire confiance et d’être trahie. C’est cela mon véritable problème, pensait-elle. C’est probablement la raison de l’échec de son mariage avec Barry. Elle était devenue trop soupçonneuse ; elle doutait de plus en plus de lui et de ses capacités, polluant ainsi sa vie et celle de son conjoint.
Elle arriva sur le campus de l’université, se gara et se dirigea vers le bureau des professeurs. Annie qui était quant à elle professeur de littérature anglaise était là, sirotant un café, sa tête rousse penchée sur des copies à corriger.
votre premier chapitre est, à mon sens, bien bâti, sans être trop long. Je n'ai pas vu de faute d'orthographe ce qui est vraiment agréable. Le contexte est posé, cela donne envie d'en savoir plus.
J'ai hâte de lire la suite !