Chapitre 1

Depuis que Monsieur Berge et son aide avaient été interpellé pour meurtre*.et qu'une carpe géante l'avait écrasée** Alexandre était devenu aux yeux des habitants un médecin héroïque. Ceci était loin de lui déplaire, d’autant qu’à présent son cabinet ne désemplissait pas. Il était désormais courant que le jeune homme quitte le centre médical à vingt heures passées, comme c’était le cas ce soir là.

Alors qu’il fermait son cabinet, le docteur super star entendit une porte s’ouvrir et des voix en provenance du bureau de Jacques Daniel, le psychiatre.

— Ne vous en faites pas Mademoiselle Perret, vos problèmes d’anxiété seront bientôt derrière vous grâce à moi, annonça l’homme.

Alexandre vit alors jaillir dans le couloir le psychiatre en compagnie d’une jeune femme brune au physique plus qu’agréable.

— Notre session m’a fait un bien fou Docteur Daniel, enchérie cette dernière en lui serrant la main.

Elle avait pleuré et tenait dans sa main un mouchoir en papier qui lui servait à essuyer ses grands yeux bleus au contour maintenant rouge et bouffi. C’est à cet instant que le docteur Daniel remarqua le regard insistant d’Alex sur sa patiente.

— Vous faites des heures supplémentaires docteur Cotelet ? Bonne soirée, rentrez bien, insista t-il.

Le message était clair, la présence du jeune homme n’était pas désirée, aussi celui-ci répondit uniquement d’un hochement de tête et se dirigea vers le hall, un brin agacé.

Cela faisait longtemps que je n’avais pas vu une femme aussi charmante….Ben, depuis que je suis arrivé ici en fait. Allez…Crevard ou pas crevard?

Le jeune médecin esquissa un sourire presque machiavélique tout passant les portes de sortie. Sa voiture était garée sur le parking en face du centre, à quelques mètres de là. Pourtant, il prit tout son temps pour la rejoindre, si bien que la belle patiente se retrouva au même moment sur le parking.

— Je trouve cela dommage de voir une aussi jolie femme que vous les yeux pleins de larmes, tenta t-il alors qu’elle passait près de lui.

— Vraiment ?

— Vraiment, lui confirma t-il.

— Non, je veux dire, vraiment, ce genre de phrase fonctionne d’habitude ? Le gros lourd, lança t-elle excédée.

— Euh…Non, je crois que vous ne m’avez pas reconnu, je suis le médecin qui était dans le couloir quand….

— Si si, je vous ai bien reconnu, d’ailleurs je pense que votre attitude n’est pas très déontologique…Docteur, asséna t-elle avant de s’engouffrer dans sa voiture et de partir.

Alex n’avait rien pu répondre, jamais aucune de ses proies n’avait osée lui parler de la sorte.

- Ahhh, belle Inès…Je crois que je l’aime de plus en plus, fit une voix derrière lui.

C’était le psychiatre qui avait assisté de loin à la scène. Au vue de son sourire, celle-ci lui avait beaucoup plu.

— Bonne soirée…Docteur, enchaîna t-il en jubilant.

— Bonne soirée, Monsieur Daniel, rétorqua Alexandre avant d’entrer dans sa voiture, embarrassé par la situation.

De toute façon je n’aurais pas eu de temps pour elle ce soir, je suis attendu, se rassura t-il.

Ainsi, il avait rendez au Paravent avec Cannelle et Fdj. Il redoutait cependant ce qu’ils avaient à lui dire car ils s’étaient fortement investis sur leur page, baptisé le-doc-psy-cotte.com en référence à leur récente aventure. Tout ceci n’annonçait rien de bon.

Déjà blasé, il frappa à la porte du cabaret, salua poliment Géranium et prit place près de Cannelle, assise au comptoir.

— Il n’est pas là Fdj ? demanda t-il sans la saluer.

— Euh ouais…Il est absent, tout comme ta politesse ce soir, balança la jeune femme, vexée.

Alexandre allait répondre mais il fut coupé par un nuage de fumée en provenance du zinc. Au milieu de ce nuage, apparu Fdj dans un costume de Dracula, les bras croisés sur le torse.

— Mais pourquoi, pourquoi tu fais des choses pareilles ? demanda Alex, désespéré par cette entrée.

— En tant que vétérinaire de la ville, il anime la nuit de la chauve-souris ce soir, expliqua la jeune journaliste.

— Alors tu comprends, c’était Dracula ou …Batman, rajouta Fdj.

— Ah d’accord, donc en fait, vu ta carrure, tu as fais le bon choix, se moqua Alex.

— Dans une heure je dois rejoindre un groupe dans la forêt pour observer une cache de chauve-souris, ça vous dis de venir ? demanda le vétérinaire sans relever la pique d’Alex.

— Je dois répondre honnêtement ?

— Nous viendrons avec plaisir, corrigea Cannelle en fusillant du regard le jeune homme, qui acquiesça aussitôt. Au fait, il vient ce soir ton pote Cédric ? Il m’a fait bonne impression la dernière fois, rajouta t-elle.

— Mon pote ? Je venais de le rencontrer. D’ailleurs, sans lui, nous n’aurions probablement jamais découvert les plans de Berge. C’est vrai que c’est dommage, si je le revois un jour, je lui demanderai son numéro.

Une heure plus tard, à leur arrivée sur le lieu de la nuit de la chauve-souris, le costume du vétérinaire eu un grand succès. Armés de lampe torche et aidés par la lueur de la pleine lune, le groupe d’une dizaine de personnes s’enfonça dans la forêt de Glas-Moug jusqu’à un ancien bunker. C’est à l’intérieur, loin des regards indiscrets, qu’une colonie de chauve-souris avait élue domicile. Fdj, en professionnel, demanda de faire silence et d’éteindre les torches pendant qu’il se rendait à l’intérieur en repérage. Lorsqu’il fut prêt, il fit signe aux premières personnes de s’approcher, un couple et leur fils de douze ans. Presque religieusement, ils s’arrêtèrent à l’entrée du bunker.

— Bon, nous n’irons pas à l’intérieur, pour ne pas perturber les chauves-souris mais avec nos lampes nous allons pouvoir observer celles qui se trouvent dans les arbres, annonça Fdj en pointant des petites formes qui voltigeaient autour d’eux.

Le jeune garçon trainait les pieds et son père dû le prendre par le bras pour l’inciter à avancer vers l’animateur d’un soir. Visiblement impressionné, le préadolescent ouvrit la bouche comme pour pousser un cri mais sa gorge, serrée par la peur, ne laissa sortir aucun son et il s’agrippa à la taille de son père. Le bruit d’un battement d’aile rapide résonna alors, puis un deuxième, un troisième et bientôt l’écho d’une nuée de chauve souris plongeant sur eux se fit entendre.

— Baissez vous vite! hurla Fdj qui s’empêtrait dans sa cape de vampire.

A la place, la petite famille se mit à courir, affolant ainsi le reste des participants qui se mit aussi à courir dans les bois, par instinct. Bientôt les faisceaux des lampes torches bougeant dans tous les sens à travers les arbres laissèrent entrevoir des ailes virevoltantes au dessus de leurs têtes.

Cannelle, Alex et Fdj ainsi que le reste du groupe, parvinrent à rejoindre la route et à s’abriter dans leurs véhicules.

— Je ne comprends pas, les chauves-souris n’agissent pas de la sorte habituellement, s’étonna le vétérinaire, assit sur la banquette arrière.

— Et ben il faut croire que c’est ton costume qui les a rendues folles ! rétorqua Alex en démarrant sa voiture.

— Le point positif c’est que les participants de cette année ne sont pas prêts d’oublier cette nuit, ils sont déjà tous partis ! indiqua la journaliste, son calepin à la main.

— Ca doit être le petit garçon qui les a effrayées avec ses gestes brusques ! insista Fdj, très contrarié par la tournure des évènements.

Un bruit sourd sur la carrosserie et un écart de la voiture coupa court à la conversation. Alexandre stoppa net son véhicule au beau milieu de la petite route déserte. Il n’avait pourtant rien vu traverser, mais il avait été distrait par le discourt du vétérinaire. Il ouvrit sa portière, fébrile en imaginant ce qu’il allait trouver dans le fossé. A l’aide d’une lampe, Cannelle éclaira le point d’impact sur la voiture et constata la présence de sang, pendant qu’Alex inspectait les fourrés :

— Putain ! Appelez une ambulance ! hurla t-il soudain, et prenez ma sacoche dans le coffre, ajouta t-il avant de se jeter dans le fossé.

Pendant que Cannelle appelait les pompiers, Fdj apporta la sacoche près du jeune homme et l’aida à allonger sur la route le vieil homme que de toute évidence ils venaient de renverser.

 

*Cf Un tracteur nommé Christine

** Cf Horreur chez les pêcheurs

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