Chapitre 1

Par Taranee
Notes de l’auteur : Bonjour,
Je poste cette histoire après deux ans d'inactivité complète dans le domaine de l'écriture. C'est comme un échauffement pour pouvoir me remettre dans le bain, alors je ne sais pas si elle sera très longue, ni très bien écrite.. ^^'

J'ai construit cette histoire sur la base d'un projet de bande dessinée, donc il y aura peut-être pas mal de dialogues.

En espérant que vous apprécierez, bonne lecture.

1

 

Il restait probablement moins d’une heure de trajet. Le train filait à vive allure dans la campagne, et au loin, les champs se découpaient sur l’horizon. Accoudé à la fenêtre, il observait le paysage qui défilait, et ses yeux faisaient des allers-retours rapides pour regarder les arbres jusqu’à ce qu’ils disparaissent de son champ de vision. Dans sa main, la lettre qu’il avait reçue il y a quelques jours et qu’il avait déjà relue plusieurs fois depuis le début du trajet. C’est un ami qui la lui avait écrite ; un très vieil ami, qu’il n’avait pas revu depuis longtemps. Si longtemps qu’il peinait à se rappeler son visage. La lettre restait évasive, rien n’était dit clairement, mais lui pouvait comprendre. C’est ce qu’il aurait pensé, son ami.

Cher ami,

Si longtemps qu’on ne s’est pas vus et j’ai fait l’erreur de ne jamais t’écrire. Alors me voilà aujourd’hui pour te demander de tes nouvelles et t’en donner des miennes. Longtemps je t’ai cherché après notre séparation, et voilà que je trouve ton adresse à la capitale, dans une rue sans prétention. J’espères que tu t’y portes bien.

J’ai beaucoup voyagé durant toutes ces années, pour retrouver la trace de notre connaissance commune, notamment. J’ai cru comprendre que tu te passionnais désormais pour une nouvelle activité ?

Si les monstres t’intéressent, je crois bien que ce petit village du sud, en rase campagne, pourrait t’être utile dans tes recherches : Khotaô. Je ne te gâcherai pas le plaisir de découvrir par toi-même le mystère de ce village.

Si tu te mets en route dès maintenant, tu y rencontreras certainement des personnes fort intéressantes, qui pourront t’éclairer dans tes différentes recherches, y compris au sujet de notre connaissance commune.

En te donnant mes plus sincères encouragements,

Ton ami,

J.

 

Il eut un sourire en repensant au contenu de la lettre. J, cette vieille connaissance, avait réussi à le retrouver, si longtemps après qu’ils avaient été séparés. C’était une joie de le savoir en vie. Bientôt peut-être, ils pourraient se revoir. Cette pensée réjouissait le jeune homme.

Bientôt, le train ralentit. Ils arrivaient à la gare. De là, il faudrait encore parcourir un peu de route avant d’arriver au village. Plusieurs passagers se levèrent avant l’arrêt complet de la rame et se pressèrent pour descendre les premiers. Lui préféra attendre un peu que la foule soit sortie. Il se passa quelques minutes, puis lentement, étirant son corps fourbu après cette longue immobilité, il se leva et attrapa ses bagages. Une fois dans le couloir qui séparait les deux rangées de sièges, il se tourna pour interpeller sa jeune voisine.

« Tu viens, Clée ? »

L’intéressée se leva d’un bond, et peut-être cet autre voyageur remarqua-t-il le teint si clair de la fillette qu’il n’en paraissait pas humain, car il fixa les deux jeunes gens en fronçant les sourcils. Néanmoins, ces deux-là sortir sans plus lui accorder qu’un maigre sourire.

            Le quai commençait déjà à dégorger des voyageurs sortis du train. Tenant sa jeune camarade par la main, il se dirigea vers la sortie. La gare se trouvait dans une ville de taille moyenne, et la plupart de ceux qui étaient sortis du train avaient certainement prévu de rester en ville, mais il n’y avait tout de même plus de fiacres, ni même un seul autre transport, qui fut disponible pour se rendre au village. Et malgré une attente assez longue, aucun ne revint vers la gare. Posant son bagage et lâchant la main de Clée, le jeune homme s’assit sur les marches en poussant un soupir.

« Ce n’est peut-être pas aujourd’hui qu’on rejoindra Khotaô… dit-il, en s’adressant plus à lui-même qu’à sa comparse. »

Encore quelques minutes, et il se releva. Le train était arrivé aux alentours de 18h, et le soleil commençait sérieusement à décliner. Il allait falloir trouver où manger, et où dormir. En centre-ville, tout devait être un peu plus cher, mais il avait un peu d’argent. Il n’avait pas vraiment prévu de devoir rester ici, mais le train avait eu du retard, et même en admettant qu’ils puissent partir à pied, le soleil serait couché depuis longtemps lorsqu’ils arriveraient. À une heure pareille, trouveraient-ils une auberge, un hôtel ouvert ? Non, en l’absence de transport pour rejoindre le village, ils devraient dormir ici. Tendant sa main, il aida Clée à se relever et s’épousseta avant de reprendre l’unique bagage qu’ils avaient emporté.

            C’est lorsqu’ils firent le premier pas pour quitter les alentours de la gare qu’on les interpela :

« Ohé ! Vous deux-là ! Oui, vous, le garçon avec la petite fille, on vous voit attendre devant la gare depuis tout à l’heure ! »

Les concernés se retournèrent. C’était au pied des marches, à quelques mètres, qu’ils les virent. Deux caravanes, joliment décorées, d’où dépassaient neuf têtes curieuses. Elles étaient pour l’instant à l’arrêt, les chevaux attendant calmement le départ, et le cocher d’une des caravanes leur faisait signe. Ils s’approchèrent tous deux, jusqu’à se trouver au pied du premier véhicule. Assis sur un siège, deux hommes les toisaient. Un jeune à l’air sympathique, cheveux longs, châtains, quelques taches de rousseur, un autre, plus vieux, moins sympathique, avec un visage de gredin. Le premier reprit parole :

« Vous attendez une voiture ? Ça m’étonnait qu’il en ait d’autres ici ce soir… C’est au centre-ville qu’on trouve les meilleurs clients maintenant.

Il ne répondit pas. Se contentant d’observer son interlocuteur, essayant de juger s’il fallait lui faire confiance ou non.

̶ Vous allez où ? Loin d’ici ?

Il se racla la gorge :

̶ Un peu : Khotaô.

̶ Vrai ? Quelle coïncidence ! C’est là que nous allons ! »

Le jeune homme à l’air sympathique consulta son voisin du regard. Ce dernier, après les avoir jaugés du regard, émit un grognement. Un sourire s’épanouit sur le visage de son camarade, qui sembla faire rayonner son être tout entier. Il se tourna vers les deux voyageurs.

« Montez dans la deuxième caravane, dit-il, on vous emmène ! »

Après avoir remercié le garçon, ils se dirigèrent vers la deuxième caravane, où un autre jeune homme tenait le rôle de cocher. Deux filles, l’air adolescentes, aidèrent Clée à monter à l’arrière, tandis que lui s’installait à côté du conducteur. Celui-ci se tourna, un petit sourire au coin des lèvres, et lui tendit une main qui se voulait certainement amicale.

« Je m’appelle Michaël.

̶ Noah, répondit le jeune homme.

̶ Hé bien Noah, nous allons avoir un peu de temps pour discuter sur la route. »

Et sur ces mots, il fit claquer les rennes, et le véhicule se mit en branle.

 

***

 

« Une troupe de théâtre ?

̶ Oui, c’est ça, on voyage à travers le pays avec notre matériel pour faire nos représentations. On est des itinérants… »

C’était une jeune femme qui lui parlait. Anne, lui avait-elle dit s’appeler. Dans cette caravane se trouvaient encore une autre fille, ainsi qu’un garçon en plus de Michaël, qui tenait les rênes. Ils étaient de joyeux compagnons, qui n’avaient aucune peine à entretenir la conversation. Lorsque le soleil n’avait plus été qu’une tâche orange sur l’horizon, ils avaient allumé plusieurs lampes et sorti à manger. Ils avaient donné de bon cœur un peu de pain et du fromage à Noah, qui était affamé, et s’ils avaient eu l’air étonné lorsqu’ils avaient appris que Clée n’avait pas besoin de manger, ils n’en avaient rien dit.

« Et toi Noah, l’interpela Michaël, que fais-tu par ici avec ta jeune amie ?

̶ Oh, je m’intéresse aux folklores régionaux… On m’a dit que je pourrais trouver des histoires intéressantes à Khotaô… Clée m’accompagne dans mon voyage.

̶ Mmh… »

Michaël lui lança un regard en coin, accompagné d’un sourire mystérieux, mais il n’ajouta rien. Il se passa d’ailleurs un moment sans que personne ne dit rien. Les voitures avançaient l’une derrière l’autre, sur la route cahoteuse. Il y avait plusieurs nids-de-poule, alors on ne pouvait pas aller trop vite. Néanmoins, peut-être atteindraient-ils le village à une heure assez décente pour prendre une chambre à l’auberge.

            Il y eut tout de même encore un peu de trajet, durant lequel  Noah put en apprendre plus sur cette compagnie avec laquelle il voyageait. On les appelait « la troupe du bras cassé », un nom bien étrange, sur lequel, néanmoins, Noah ne s’attarda pas. Il était compliqué d’obtenir les autorisations nécessaires pour se représenter dans les grandes villes. La troupe se contentait donc pour l’instant des villages de campagnes et de quelques villes moyennes. La troupe comptait neuf membres, et Fernand, l’homme à la mine peu sympathique en était en quelque sorte le chef. Avec leurs dernières représentations, ils avaient réussi à économiser un peu d’argent alors ils prévoyaient de rester quelques temps à Khotaô, histoire de prévoir la suite du voyage. Peu à peu, Clée s’endormit. Les membres de la troupe qui étaient à l’arrière de la caravane décidèrent de se reposer un peu, eux aussi. Ce fut ainsi comme si Michaël et Noah se trouvaient désormais en tête à tête. Mais comme le jeune membre de la troupe n’avait pas l’air de vouloir discuter, ils restèrent ainsi, l’un à côté de l’autre, dans le silence de la nuit. Noah observait son voisin à la dérobée.

            Dans la nuit qui tombait, il ne pouvait pas vraiment l’observer dans les détails, mais Michaël paraissait assez grand, sans être immense. Ses cheveux étaient plus longs que ceux de Noah. Plus sombres, aussi. L’obscurité faisait ressortir l’éclat de ses yeux ; impossible cependant de dire clairement de quelle couleur ils étaient. Depuis tout à l’heure, Michaël arborait toujours ce petit sourire, et Noah se demandait ce qui pouvait le rendre joyeux. Même après avoir discuté un peu avec lui, il avait du mal à le cerner. Le comédien semblait garder ses distances par rapport à Noah, ce qui n’avait rien d’anormal, mais aussi par rapport au reste de la troupe, ce qui était déjà un peu plus étrange. Les autres lui faisaient confiance en tout cas. Ils le respectaient.

« Ton amie, Clée, est plutôt intrigante… »

Noah, qui s’était absorbé dans la contemplation du paysage, se tourna à demi vers lui.

« Ce n’était pas facile à repérer, avec la nuit qui tombait… Mais ça m’a aidé, quand tu as dit qu’elle n’avait pas besoin de manger. Comment une poupée de porcelaine peut-elle être vivante ? »

Ce n’était pas vraiment un secret, mais Noah déglutit tout de même. Ce jeune homme qui lui parlait d’un ton sympathique… Sa question relevait-elle de la simple curiosité ? N’était-ce pas une menace qu’il croyait déceler sous ce ton poli ?

« C’est une ombre ? continua le jeune homme : Mais les ombres peuvent-elles prendre possession d’un corps inanimé ? Serait-ce une forme de magie ? Un sort ? Intéressant… Oui, très intéressant.

̶ Clée est bien vivante. Enfin je le pense. marmonna Noah.

̶ « Je le pense » ? Si tu ne sais pas vraiment ce qu’elle est, alors tu ne la connais pas depuis très longtemps ? Sait-elle elle-même ce qu’elle est ? Ou alors es-tu venu à Khotaö pour enquêter sur ses origines ?

̶  Je crois qu’on va s’arrêter là pour les questions.

̶ Oh, je t’ai mis mal à l’aise ? Je suis désolé, ce n’était pas mon intention… »

La gêne se faisait ressentir. Ce jeune homme, presque encore enfant… Avait-il une intuition hors du commun ? Avait-il avancé des hypothèses au hasard ? Avait-il posé ces questions dans un but précis ? Non. Il fallait garder son calme. C’était idiot de s’emballer pour quelques questions lancées au hasard. Oui, ce n’était sûrement qu’un hasard. Noah se racla la gorge, mais aucun mot ne sortit de sa bouche. Et après avoir observé son voisin pendant encore quelques secondes, il se détourna pour observer le paysage. Néanmoins, il avait l’impression de sentir le regard de Michaël se poser sur lui régulièrement. Peut-être n’était-ce encore là qu’une hallucination…

            Ils arrivèrent au village aux alentours de 21h. Noah fut déposé à l’entrée de Khotaô, et après avoir remercié les membres de la troupe, il regarda les caravanes partir s’installer un peu plus loin. Sans-doute possédaient-ils des tentes sous lesquelles dormir… Clée était encore endormie dans ses bras. Il la réveilla, et tous deux se mirent en marche. Il faisait nuit, il n’y avait que très peu d’éclairage, seulement les lumières des foyers qui venaient éclairer la rue à travers les fenêtres, mais le village était petit, et ils n’eurent pas trop de difficultés à trouver l’auberge.

            C’était un bâtiment large, mais plutôt bas, avec un seul étage. Les murs de pierre  commençaient à se recouvrir de mousse, la peinture des volets était écaillée. Puisqu’il n’y avait aucune autre auberge pour lui faire concurrence, le propriétaire avait dû penser que l’apparence de son commerce importait peu. Noah ne faisait de toute façon pas le difficile lorsqu’il s’agissait de trouver un endroit où dormir. Il ouvrit la porte et laissa Clée entrer la première avant de la suivre. L’extérieur ne payait pas de mine, mais l’intérieur se faisait déjà plus accueillant, éclairé à la bougie, avec un tapis recouvrant le sol pour étouffer les pas des voyageurs qui arrivaient tard. Au comptoir, il y avait un homme. La petite cinquantaine, l’air de s’ennuyer ferme. Son visage s’éclaira un instant lorsqu’il entendit les deux voyageurs entrer, mais devint méfiant à la vue le Clée.

            En trente-cinq ans de carrière, il avait pu voir d’étranges choses, mais une poupée qui marche, ça, jamais. Il dévisagea ses nouveaux clients : un jeune homme à la mise plutôt élégante, même si ses vêtements ne semblaient plus tous neufs, accompagné de cette fille étrange. Le jeune homme lui lançait un regard poli. Il portait un cache-œil. Son autre œil, bleu clair, semblait très expressif. Il tenait la poupée vivante par la main, comme s’il était son grand-frère.

« Dîtes voir jeune homme, c’t une marionnette vivante que vous avez là ? Je n’veux pas de magie dans mon établissement, j’vous préviens.

̶ Ce n’est pas de la magie, répondit lentement de garçon, c’est… de la mécanique. Il s’agit d’un automate, rien de plus.

̶ Mmm… Si vous voulez… Bon… Vous n’êtes pas là pour me taper la discute, je présume ? »

Noah acquiesça, soulagé. Son mensonge était passé. Il aurait dû s’en douter, les gens avaient peur, ces derniers temps, et ils étaient hostiles à tout ce qui sortait de la normale. Alors une poupée vivante…

« Une chambre je suppose ? Vous avez d’la chance, je vais pouvoir vous donner la meilleure : elles sont toutes libres ce soir.

̶ Merci monsieur.

̶ Vous restez plusieurs jours ?

̶ Certainement, oui.

̶ Vous me réglez la première nuit maintenant, le reste, on verra à la fin de votre séjour.

̶ Entendu. »

Noah régla donc la première nuit. Pour une auberge de village, ce n’était pas donné, mais le prix restait tout de même raisonnable. La chambre qu’on lui avait attribué, d’ailleurs, était chaude, confortable. Il n’y avait qu’un seul lit, certainement parce qu’un automate, du point de vue de l’aubergiste, n’avait pas besoin de dormir dans lit, ni même de dormir tout court, mais il y avait tout de même un petit canapé, sur lequel Noah pourrait dormir pour laisser le lit à sa jeune amie. Pour le reste, la chambre restait simple : une petite armoire où ranger ses effets, une cuvette en étain et une serviette pour la toilette, et une petite écritoire. Pas vraiment de décoration, mais peu importait : cela suffisait largement pour dormir confortablement.

            Posant son bagage sur le parquet, Noah se laissa tomber sur le canapé, sans même enlever son manteau. Il observa Clée qui faisait de même sur le lit. Jetant un regard par la fenêtre, il remarqua que la nuit était vraiment sombre. Dans les grandes villes, l’électricité commençait à se développer, mais la campagne s’en tenait au gaz, voire à la chandelle. Il n’y avait que très peu d’éclairage public. S’allongeant à moitié sur le divan, Noah sortit la lettre de J de sa poche. Il se contenta de la fixer, sans la lire. Demain. Demain, donc, il commencerait son enquête. En attendant, il pouvait bien se reposer un peu.

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Aoren
Posté le 30/10/2024
Bonjour !
Alors, pour deux ans complets sans écriture, je trouve que c'est très bien, fluide, agréable à lire.
On sent que l'univers est assez réfléchi, et on se pose des questions sur Clée : pourquoi Noah lui laisse-t-il le canapé si elle n'a pas besoin de dormir (à moins qu'elle n'ait besoin de dormir mais pas de manger), pourquoi est-ce une poupée vivante... C'est assez intriguant, et on a envie de connaitre la suite.
Merci pour ce chapitre !
Taranee
Posté le 31/10/2024
Coucou !

Merci pour ton commentaire !
J'ai mis longtemps à construire l'univers, qui est encore assez brouillon dans ma tête, j'espère que l'histoire te plaira !

En fait, Clée a bel et bien besoin de dormir, sans avoir besoin de manger. Son corps de poupée la dispense de manger (d'autant que sa bouche ne s'ouvre pas : elle ne peut donc ni manger ni parler.) mais son esprit reste tout de même bien vivant, lui, et si son corps n'a pas besoin de repos, son esprit oui. Voilà pourquoi elle a besoin d'un endroit où dormir.

Bonne lecture !

Tara
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