Chapitre 1

Par Errylle

Le souffle court, la jeune fille trébucha sur un sol étrange et mouvant, bien loin de la solidité des cavernes qui avaient été son refuge toute sa vie. Chaque pas semblait s’enfoncer un peu plus dans cette terre inconnue, aussi tendre et instable que du sable. Elle se redressa, jetant un regard paniqué derrière elle. À travers les arbres aux formes tordues et inconnues, l’ombre massive de la bête se découpa, se déplaçant à une vitesse inquiétante. Un grondement sourd, presque terrifiant, fit vibrer l’air, perturbant le silence oppressant des bois.

Elle ne comprenait rien à ce monde. Le sol semblait vivre sous ses pieds, envahi par des racines épaisses et noueuses qui surgissaient du sol comme des serpents. Des bruits étranges, inconnus, résonnaient tout autour, se perdant dans la brise qui soufflait à travers les feuillages. La lumière, crue et perçante, filtrait difficilement entre les arbres, la frappant de plein fouet, bien trop vive après l’obscurité des tunnels souterrains. Cette lumière la déstabilisait, comme un poison pour ses sens. Chaque ombre, chaque mouvement l'effrayait, car tout était nouveau, hostile.

Ses forces s’amenuisaient, son cœur battait la chamade. Mais elle se promit de ne pas céder. Elle devait survivre. Pas seulement pour elle, mais pour son peuple. Elle redoubla d’efforts, avançant toujours plus loin à travers cette forêt dense et oppressante. Ses jambes, tremblantes de fatigue, lui faisaient mal à chaque pas. Mais la bête était toujours là, un danger proche, invisible mais réel, qui la poussait à aller encore plus vite.

Puis, ses yeux s’éclairèrent brièvement en apercevant un arbre immense, plus grand que tout ce qu’elle n'avait jamais vu. Peut-être pourrait-elle s’y réfugier, trouver une échappatoire dans ses branches imposantes. Mais avant qu’elle ne puisse se diriger vers l’arbre, ses pieds s’accrochèrent à des racines invisibles, dissimulées sous un tapis de feuilles mortes, et elle perdit l’équilibre. La terre, meuble et étrange, sembla l’engloutir un instant. La bête en profita pour la frapper. Un coup brutal de patte fendit son pantalon et lui entailla la cuisse. Un cri de douleur s’échappa de ses lèvres. La bête n’avait pas cessé de la traquer.

Elle réussit à se redresser tant bien que mal et, dans un ultime réflexe de survie, attrapa une branche tombée au sol. Elle l’utilisa comme un bâton, frappant violemment l’œil de la créature. La bête recula, désorientée par l’impact. Ce fut sa chance. La jeune fille se lança à toute vitesse vers l’arbre, espérant y trouver un refuge. Là, elle aperçut une ouverture, étroite mais suffisante pour la laisser s’y glisser et se cacher.

Elle s’engouffra dans le tronc, ses yeux s’ajustant rapidement à l’obscurité. Ce n’était pas une obscurité étrangère : dans le noir, elle se sentait chez elle, bien plus qu’à la lumière aveuglante de l’extérieur. Elle appuya ses mains contre les parois froides et rugueuses du tronc et se laissa glisser au sol, épuisée, les jambes tremblantes de douleur. La blessure à sa cuisse la faisait souffrir, mais elle n’eut pas la force de l’examiner. Elle savait que ce n’était pas joli, qu’elle devrait la traiter plus tard.

Sa tête tourna. Elle posa son crâne contre la surface froide du tronc, cherchant un semblant de réconfort dans la fraîcheur. Le contact avec le bois rugueux lui rappela les parois froides de sa maison, les tunnels familiers, et dans un dernier soupir de soulagement, elle s’évanouit.

***

 

Depuis son initiation au rang de guerrier, Zorak avait été constamment mis à l’épreuve par ses pairs. Aujourd'hui encore, il devait affronter une épreuve : les autres avaient décidé de lui retirer son bracelet du serment — le symbole de son ascension, remis par le chef de leur village, son propre père, lors de son rite de passage. Les membres de la tribu l’avaient envoyé aussi loin que possible de leur position, comme si cela suffisait à tester sa bravoure.

Zorak n’avait pas hésité une seconde, bien que cela l'avait agacé. Son regard averti avait déjà repéré la direction prise par la flèche : elle s'était plantée dans l'Aeterna un arbre colossal, plus grand et ancien que tout ce qu’il avait vu, se dressant comme un protecteur au-dessus des bois.

Son arc en main, il avait quitté son poste, confiant, même s'il savait que cela lui serait reproché plus tard, et s’enfonça dans la forêt qu’il connaissait par cœur. Il en avait parcouru chaque recoin, chaque sentier secret, chaque clairière, depuis sa plus tendre enfance.

Au fur et à mesure qu’il avançait, son regard perça l’obscurité entre les troncs, repérant les signes laissés par une bête. Quelques branches brisées sous des pas lourds, des touffes de poils vert foncé éparpillées sur le sol, des traces sur l’écorce. Plus il se rapprochait de l’arbre, plus les indices devenaient évidents : des empreintes de griffes profondes, des poils emmêlés dans les racines, des marques de griffures qui défiguraient les troncs. Il reconnut immédiatement un Virundra, une panthère géante au pelage vert foncé et aux griffes venimeuses. Il n’était pas du genre à avoir peur, mais il devait récupérer son bracelet, cependant n’avait aucune envie de croiser une créature aussi sauvage et puissante, il resserra la main sur son arc. Le jeune guerrier accéléra le pas, se concentrant sur les traces, les suivant avec précaution.

Arrivé devant l'Aeterna, il aperçut des éclats de sang sombre sur le sol, une tache qui attirait l’attention, le jeune homme supposa qu'il venait probablement de l’animal que poursuivait la bête. Cependant, en s'approchant de l'arbre pour récupérer la flèche fichée dans le tronc ainsi que son bracelet, il trouva un morceau de tissu déchiré et le prit entre ses doigts. La texture était étrange, légère et douce, cela ne ressemblait pas à ce que fabriquait son village, et le tissu était imbibé de sang. Il suivit les traces sur le sol et aperçut une ouverture dans le tronc. D’abord, il s’en approcha avec prudence, jetant un regard rapide à l’intérieur. L'obscurité y régnait, presque opaque, et il ne distingua rien. Zorak ne s’arrêta pas pour autant. Avec l’habitude des forêts sombres, il savait que ses yeux s’adapteraient rapidement. Il se glissa à l’intérieur, attendant quelques secondes que la pénombre ne devienne plus accueillante pour ses yeux.

Le silence était total. Aucun bruit. Cela le rassura un peu : le Virundra ne semblait pas avoir pénétré dans l’arbre. Le guerrier avança lentement, ses pas furtifs sur le sol terreux. Petit à petit, des formes commencèrent à se dessiner dans l’ombre : des racines tordues, des feuilles sèches, et puis une silhouette humaine. Il s’approcha avec précaution, son esprit se mettant en alerte. Il la contempla un instant avant de comprendre. C’était une jeune fille, inconsciente.

Zorak s’accroupit près d’elle, posant une main prudente sur son épaule. Il tenta de la réveiller, mais elle ne réagit pas. Son visage se crispa. C’est alors qu’il voulut la soulever, mais sa main se posa sur quelque chose de chaud et d’humide. Il sentit une odeur métallique et pénétrante, celle du sang. Instinctivement, il se redressa, alarmé. Elle saignait abondamment, voyant la gravité de la blessure, il déchira le bas du pantalon de la jeune fille et se hâta de lui bander la cuisse, serrant soigneusement pour limiter l’hémorragie. Il plaqua la bande contre la plaie, essayant de stopper le flux de sang. Il la souleva précautionneusement. Sa blessure était grave.

Le doute ne le frappa qu’un instant, car il savait. Il avait vu les traces, reconnu l’animal. C’était bien le Virundra qui l’avait attaquée. Il prit la jeune fille dans ses bras, sa respiration plus lourde, sa détermination plus forte que jamais. Il n’y avait pas de temps à perdre. Il se dirigea rapidement vers son village. La jeune fille devait avoir été empoisonnée par la griffure. La situation était bien plus grave qu’il n’avait imaginé.

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