Depuis l’arrivée d’Alex en ville, la vie de Cannelle était devenue beaucoup plus épicée, d’autant plus que le site internet qu’elle avait lancé avec ses deux compères prenait une ampleur inattendue. Désormais, les habitants de Droche venaient y exposer spontanément leurs histoires étranges et elle adorait ça. C’est aussi pour cela que les articles qu’on lui confiait au journal local lui paraissaient bien fades. Aujourd’hui, en cette belle fin d’après midi de juillet, elle s’était rendue, un peu en trainant les pieds, à l’inauguration de la petite chapelle du Fol. L’édifice était situé au bord de la rivière de Glas, au cœur de la forêt du même nom, où, quelques temps plus tôt, elle s’était faite attaquée par des chauves-souris.
Avec le temps, le monument avait été oublié et les anciennes voies d’accès colonisées par la végétation alentour.
Les travaux afin de redonner jeunesse à la chapelle, vieille d’au moins cinq siècles, avaient durés deux ans. Cette longue période était en grande partie due à la volonté de respecter la nature environnante, ce qui excluait que les véhicules de travaux se garent trop près du site. Les ouvriers devaient s’arrêter à plusieurs mètres de là, sur un parking en terre et décharger leurs marchandises là bas.
Arrivée un peu en avance, elle remarqua tout de suite les deux jeunes garçons qui tournaient autour de la chapelle en prenant des notes avec leur Smartphone. Ils paraissaient surexcités.
— Vous travaillez pour Le Droliquinfo, il me semble, mademoiselle ? demanda une femme derrière elle.
En se retournant vers la voix, Cannelle se retrouva devant une trentenaire à l’allure dynamique et autoritaire.
— Je suis la responsable du chantier, continua t-elle, je vous ai déjà vu lors de précédents évènements.
Cannelle acquiesça tout en lui serrant la main mais peinait à cacher son embarra. Pour bien faire son métier, elle se devait d’être physionomiste et ne pas se souvenir d’elle lui paraissait être une faute professionnelle grave.
Pendant deux bonnes heures la responsable de chantier, entourée des différents élus de la ville, expliqua au parterre d’invités les étapes des travaux pour ensuite effectuer une visite du lieu. Cannelle pu ainsi recueillir les informations nécessaire pour son article avant de profiter, comme tous les invités, du buffet dressé au bord de la rivière. La jeune fille espérait surtout qu’après quelques verres, elle obtiendrait quelques indiscrétions mais malheureusement au bout de seulement trente minutes, la quasi-totalité des convives était partie. Elle allait faire de même lorsque l’un des deux jeunes garçons qui l’avaient intrigué plus tôt, vint à sa rencontre.
— Le doc psy cotte, c’est vous ? murmura t-il.
— Ca dépend, qui le demande ?
— Quelqu’un qui a des informations très intéressantes sur ce lieu, répondit-il toujours en murmurant.
— Mais pourquoi vous chuchotez, il n’y a plus que nous ! hurla Cannelle en tournant sur elle-même pour appuyer ses dires.
— Chut ! lui lança le second garçon en pointant les deux vieilles dames qui rangeaient le buffet.
— Ils nous écoutent, précisa son ami d’un air grave.
— Les dames de la paroisse ? demanda Cannelle, amusée par tant de mystère.
Les jeunes garçons se regardèrent et éclatèrent de rire. Un rire puéril et inquiétant à la fois.
— Non. Eux, répondit l’un en pointant son index vers le haut.
— Qui ? Les militaires, le gouvernement, les Etats-Unis ? ironisa la journaliste.
— Plus haut, précisa l’autre garçon, plus haut…dans le ciel.
— Alors, le doc psy cotte, c’est bien vous ? redemanda son ami.
Son détecteur à personnes trop bizarres et peu crédibles venait de se déclencher d’un coup. Aussi, Cannelle ne prit même pas le temps de répondre et s’éloigna d’eux pour rejoindre sa moto, garée à plusieurs mètres de là. Alors qu’elle marchait à vive allure pour partir le plus vite possible, une question lui vint en tête : comment savaient-ils ?
Elle les aurait volontiers questionné si elle n’avait eu cet article à terminer, seulement voilà, depuis le début des anomalies de Droche, ses croyances en l’étrange l’avait placé sur la sellette auprès de son patron. Il fallait absolument qu’elle rendre cet article au plus vite pour qu’il paraisse le lendemain matin.
Elle rentra donc dans son petit appartement du centre ville et commença à rédiger son papier sans grande conviction. Une fois fini, elle l’envoya par mail à sa direction pour publication et en profita pour consulter les messages sur le site du doc. Elle en était la responsable, c’était donc à elle de sélectionner les articles ou témoignages qu’elle voulait mettre en avant et de vérifier que le fil de messages instantanés restait correcte. Ce soir là, l’intitulé d’un article qu’on lui avait envoyé l’interpela : « Madame psy-cotteuse, ne vous en déplaise, ils sont parmi nous ! »
Je t’en foutrais du Madame, petit con ! pensa Cannelle en cliquant sur ce titre.
Comme elle s’en doutait, il s’agissait d’un message des deux jeunes gens, qu’elle avait rencontré à l’inauguration, lui annonçant que des phénomènes fluorescents étranges avait été aperçu depuis quelques temps autour de la chapelle du Fol et pour eux, il ne pouvait s’agir que de manifestations extraterrestres. Thibault et Dylan, de leurs prénoms, incitaient ensuite la jeune femme à suivre un lien la menant au site de LAVED ou LA Vérité Est à Droche, une toute jeune association de passionnés d’ufologie.
Photos de taches fluorescentes floues autour de la chapelle à l’appui, cette association était persuadée que le black out de la ville avait été causé par des extraterrestres venus rencontrer les militaires de la base de Droche. Pour eux les petits objets tournoyant autour, et parfois même dans l’édifice, étaient de minis caméras missionnées afin d’étudier les mœurs religieuses des habitants. Toujours d’après eux, il était possible, dès la tombé de la nuit, de les observer mais ils n’avaient pas encore réussis à en approcher de près.
Ni une, ni deux, Cannelle était sur sa moto en direction de la Forêt de Glas.
À son arrivée sur le parking en terre, elle fut surprit par le nombre de véhicules déjà présent et du nombre de lampes torches bougeant dans les bois alors que la nuit n’était pas encore tout à fait présente.
— Hey mais c’est la psy-cotteuse ! put- elle entendre en s’approchant du lieu.
Thibault et Dylan étaient là accompagnés de deux hommes dont un lui était familier puisqu’il s’agissait de Laurent, le propriétaire du magasin d’optique cambriolé par monsieur Lancient.
Elle comprenait mieux maintenant comment ils l’avaient démasquée.
— Vous ici, je ne m’y attendais pas du tout ! s’exclama-t-elle.
Pour toute réponse elle eu le déploiement de la banderole que Laurent avait en main portant l’inscription : « Soyez les bienvenues, peuple des étoiles ! ». Le deuxième homme les accompagnants portait quant à lui des oreilles pointues façon Spock et la salua en écartant ses doigts. Son air et ses agissements laissaient penser que cette personne était sous l’emprise de substances illicites, tout au moins, c’est ce que Cannelle espérait.
— C’est le salut Vulcain. Vous savez, Star trek, précisa Thibault en voyant le visage effaré de la jeune femme.
Jamais plus je ne me plaindrais d’FDJ. Celui là, il faudra que je le présente à Alex, se dit-elle, moqueuse.
Les présentations furent coupées par deux vieilles femmes à genoux près de l’entrée de la chapelle.
— Chut, laissez nous communier en paix bande de Hooligans ! leur vociféra l’une d’entre elles.
Cannelle s’approcha alors, l’instinct de journalistes venait de se réveiller.
— Que faites vous exactement mesdames ?
— Nous prions pour remercier les cieux de ce magnifique miracle, rétorqua l’une d’elles.
— Vous voulez dire que vous avez vu aussi ces lumières ?
— Bien sur, ils viennent de là bas et entourent ce lieu depuis des semaines, répondit l’autre en montrant la rivière.
— Ils ? insista la jeune femme.
— Les anges bien sur ! Pour nous remercier d’avoir refait la chapelle. Laissez nous maintenant.
Cannelle, incrédule, se mit alors à l’écart. Des anges ou des extraterrestres n’étaient pas une explication suffisante pour elle.
Alors que les membres de LAVED étendaient d’autres pancartes, plusieurs lumières apparurent. Ces lumières faisaient environ vingt centimètres de diamètres et voltigeaient sans un bruit au dessus du toit de la chapelle. Les deux dévotes se mirent à chanter alors qu’une dizaine de nouvelles lumières apparurent autour d’eux.
— Prenez moi ! Prenez moi ! hurla l’apprenti Spock en courant vers elles.
La scène était surréaliste mais pas suffisamment pour faire oublier à Cannelle de tout filmer. Malheureusement, les gestes brusques de l’illuminé firent disparaitre toutes les lumières en quelques instants, au grand dam des autres personnes présentes. Le spectacle était fini pour cette nuit.
Je vais jeter un oeil aux autres aventures qui se déroulent à Droche pour voir.
Et aussi, les écrire m'amuse beaucoup, ce qui n'est pas négligeable!
Merci encore