Chapitre 1

Leurrée par le pêcheur, la proie finit par se perdre aux frontières des Enfers.

Assise confortablement dans son siège, Laurie regardait par le hublot les nuages tandis que l'avion en direction de Toulouse survolait l'Europe de l'est. Elle repensait à sa vie, à tous les changements qu'elle avait connu, ainsi qu'aux épreuves qu'elle avait dû affronter.

Elle avait grandi et vécu en Australie depuis sa naissance. Ses parents biologiques, dont elle ne connaissait pas le nom, l'avaient déposée dans un orphelinat situé aux abords de la ville de Sydney. À sa majorité, elle effectua des recherches et découvrit le nom de l'hôpital où elle fut mise au monde, mais rien sur l'identité de ses géniteurs. Tout ce que l'administration de l'hôpital avait bien voulu lui révéler était la nationalité de sa mère. Française. La femme qui l'avait portée pendant neuf mois et qui lui avait permis de voir le jour l'avait laissée à l'autre bout de la planète.

À cette époque, elle estima que chercher d'avantage une mère ou un père qui l'avaient abandonnée ne la mènerait nulle part. Elle voulait se construire, quitte à être son seul point d'ancrage. Elle se suffirait à elle-même pour se forger la vie dont elle rêvait. Le passé était le passé, seul l'avenir comptait.

À dix-huit ans, elle entama des études de commerce. Livrée à elle-même, elle trouva un travail dans un hôtel avoisinant. Elle gravit vite les échelons au sein de l'établissement. Sa rigueur, son enthousiasme et sa capacité à s'accommoder des caprices de certains clients étaient appréciés de ses employeurs. Elle mit autant d'ardeur et d'ouvrage, pour obtenir un stage en alternance dans une grande agence de publicité. Ne pouvant combattre sur deux fronts, elle n'était qu'humaine après tout, elle quitta son travail à l'hôtel.

Suite à son travail acharné durant sa période de stage, la société l'engagea en tant qu'agent publicitaire après l'obtention de son MBA. C'est suite à ses débuts dans l'entreprise, lors d'une soirée de bienfaisance, qu'elle rencontra l'homme destiné à devenir son époux, Robert Mickaëls, que tout le monde surnommait Bobby.

Au premier abord, Bobby et elle n'avaient absolument rien en commun. Lui, professeur de littérature dans un lycée voisin et elle, star montante des médias. Rien n'aurait dû les réunir, mais le destin en avait décidé autrement. Elle se souvenait de cette soirée comme si elle avait eut lieu la veille. Dans son magnifique costume trois pièces gris anthracite et ses lunettes lui donnant un air intello, il accompagnait une de leurs amies communes à la réception. Le courant passa très vite entre eux, puis deux années plus tard ils se marièrent et elle devint Madame Robert Mickaels.

Pour leur voyage de noces, Laurie insista pour le passer en France. Dès son arrivée, elle en tomba littéralement amoureuse. C'était probablement ses origines qui parlaient. Bobby et elles vécurent heureux ensembles, jusqu'au début de l'année. Suite à un hiver particulièrement glacial, les routes étaient très glissantes. Un chauffard sorti d'une soirée bien arrosé renversa Bobby alors qu'il revenait d'une supérette. Elle avait insisté pour qu'il aille faire des courses de dernières minutes pour le réveillon.

Une fois à l'hôpital, il ne survit que quelques instants avant de la quitter. Quelques instants pendant lesquels il lutta dans l'attente de lui dire adieu. Du moins c'est ce qu'elle voulait croire.

Les mois qui suivirent son décès lui furent insupportables, la peine et la culpabilité la rongeant de toute part. Une fois le printemps arrivé, elle décida de déménager, ne se voyant plus vivre là où ils avaient partagé tant de choses. Elle décida même de s'expatrier en France et de commencer une nouvelle vie, loin de tout ce qui lui rappelait Bobby et leur vie à deux. Elle démissionna puis appela Thomas, un agent immobilier mais aussi un vieil ami de faculté qui suivait avec elle les cours de littérature française. Thomas l'aida dans sa recherche de maison dans le sud de la France. Elle rêvait de posséder un hôtel ou un bed and breafeast depuis qu'elle était étudiante. Son rêve allait se réaliser. Le moment était venu de tourner la page.