« Show me your love
I wanna see your eyes
Tell me you love me
'Cause the stars are gold »
Golden Star - Auguste Plantevin
Le soleil commence à se décliner à l’horizon quand les deux derniers clients sortent du café en me remerciant pour mon service. Cinq dollars de pourboire posé sur le comptoir que je verse dans ma poche une fois qu’ils ont passé la porte. Je sors de derrière ma caisse pour aller laver leur table. Arrivé à celle-ci, je jette un coup d’œil par la fenêtre. Le garçon semble nerveux, sa main tremble et de la sueur coule le long de son front. Il hésite à plusieurs reprises à prendre la main de cette fille qui l’accompagne. Mais aussi nerveusement que lui, elle entremêle ses doigts aux siens. J’esquisse un sourire en les regardant, ce garçon vient deux fois par semaine et me parle tout le temps de cette fille qui le fait vibrer et rêver chaque nuit. En fin de compte il aura eu sa réponse aujourd’hui, car leurs sentiments ont l’air réciproques. Un sourire béat sur le visage j’emporte la vaisselle à la plonge et me résigne finalement à la faire plus tard. Je marche vers l’entrée, inspecte la rue pour voir s’il n’y a aucun habitué qui va pointer son nez, mais personne à l’horizon, alors d’une main délicate je décide de fermer, pour une fois, à l’heure officielle en tournant l’écriteau vers « Fermé ».
Je lance une musique plus entraînante sur la chaîne Hi-Fi, je repasse derrière le bar et j’opte pour le comptage de la caisse avant la plonge. Deux mille euros, encore une bonne journée, me gratifié-je. C’est Victoria qui va être contente demain matin quand elle lira les comptes. Vic c’est la gérante de ce café que l’on nomme le Wood Of Secrets. On doit ce nom à sa maman, Mélanie Colvinski, car elle disait que c’était ici qu’on entendait les gens se raconter tous leurs secrets inavouables. Malheureusement mél nous a quitté il y a maintenant deux ans, et à léguer ce lieu emblématique de la ville à sa fille qui le gère maintenant d’une main de maître. Vic et moi étions voisins depuis notre naissance, on a par conséquent grandi ensemble, mél était comme une seconde mère pour moi et Vic est sans aucun doute ma sœur. Du plus loin que je m’en souvienne, j’ai toujours aidé dans ce café, et quand Vic m’avait proposé de le reprendre avec elle je n’ai eu aucune hésitation à accepter. À être dans mes rêveries j’en oublie le temps, je ferme la caisse et sors devant le café. J’ai bien droit à une pause amplement méritée. Je m’assois sur les deux petites marches pour m’allumer une cigarette. La vue que j’ai n’est pas ce qu’il y a des plus extraordinaire, notre mini terrasse avec seulement deux tables, à ma droite trois marches qui donnent sur le trottoir.
Le Wood Of Secrets est assez bien situé au carrefour qui donne sur l’avenue principale vers le centre-ville, un chemin en terre qui ramène à côté de l’école primaire, et d’une côte qui mène directement à la gare. Les personnes qui rentraient chez eux passaient toujours devant nos vitres. C’était un peu le point névralgique de la ville. Tout le monde nous connaissait, ou au moins de noms, on avait des habitués comme des inconnus. La cigarette se consume plus rapidement que prévu, car elle atteint bientôt le filtre alors que cette fille en robe pastel passe devant moi. Je la suis du regard, sa tenue épouse ses formes, ses cheveux en stressent tombent de part et d’autre de ses épaules. Elle passe chaque soir à la même heure. Elle a de la chance de ne pas avoir de problème de train, me fais-je rire tout seul. Elle quitte mon champ de vision, pendant que je cherche en vain son nom dans ma mémoire. Tant pis, je jette mon mégot dans l’égout tel un joueur de basket qui atteint sa cible.
De retour dans le café, je vais directement à la plonge pour laver la vaisselle. Après une demi-heure j’éteins les lumière, verrouille l’entrée, baisse le rideau et emboîte le pas dans l’artère principale qui conduit au centre-ville. Dans mon dos se trouve un porche qui donne sur une autre ville, ou la nationale qui mène à Phoenix. Carldown est une petite ville en pleins essors, son immobilier est en constante évolution. Certains commerces ouvrent, comme souvent beaucoup pensent qu’ils ne fonctionneront pas, mais finalement ils se surprennent eux-mêmes à y aller. Chaque semaine à un nouveau thème avec des spectacles, des concerts ou même des avant-premières de film internationaux.
Mon appartement est à une rue du café, au premier rond-point sur la gauche, juste à côté du restaurant indien. Le patron de ce restaurant possède aussi celui de la place principale et quelque bien immobilier dans la ville. Parfois, quand il est d’humeur, j’ai droit à quelques plats offerts pour manger le soir. J’ai la chance d’avoir un grand appartement au dernier étage d’un vieil immeuble. Quand on entre, je suis directement dans mon salon avec cuisine ouverte, face à moi la porte de ma chambre, et à droite de celle-ci celle de mon bureau. Ma chambre est couplée à la salle de bain, un peu dans un style américain que j’affectionne particulièrement.
Mon premier reflex en arrivant chez moi est d’enclencher ma bouilloire et de sortir un sachet de mon thé favori menthe réglisse. Je pose mon sac dans mon bureau avant d’aller chercher ma tasse. De retour dans ma pièce je m’assois face à ma machine à écrire. La feuille qui est dessus est en place depuis déjà trois mois. Je n’arrive plus à écrire c’est un fait, m’avoué-je. Car oui, en parallèle du café je suis écrivain, mon premier livre avait fait carton plein, des centaines de milliers de ventes, mes fans attendaient avec impatience une nouvelle histoire, mais mon cerveau n’en faisait qu’à sa tête. Je feuillette mes différents essais, mais soit l’histoire ne tient pas la route, soit il y a trop d’incohérences pour reprendre l’écriture.
Après plus d’heures à chercher quoi écrire je me suis fait happer par un roman que je relis depuis une semaine. Je le connais par cœur, mais le lire m’apaise et me permet de me libérer de ce poids qu’est la page blanche. Il raconte l’histoire d’une belle relation d’amour, dont la fin se passe presque merveilleusement bien. Pas comme ta vie Neil, m’insurge mon cerveau. Les heures défilent et mon estomac commence à me réclamer de la nourriture. Je me lève à contrecœur et sors de ma bulle.
En entrant dans la cuisine, je lance une playlist entraînante. J’ai comme une phobie du silence, dès qu’il prend le dessus dans la pièce une voix dans ma tête commence à remettre en question toute ma vie. Je jette un coup d’œil à mes messages, Victoria me remercie de l’avoir remplacée aujourd’hui, je lui réponds avec un simple émoji pousse en l’air, mais ignore sa potentielle réponse en me dirigeant vers mon frigidaire. Je prends une salade, des tomates, du fromage et du jambon, de quoi me prépare une généreuse salade composée au rythme des paroles de Freddie Mercury, parfois je me surprends à chanter à tue-tête avec lui.
Une fois terminé je m’installe sur mon canapé et lance une série. Comme pour les livres, je regarde toujours les mêmes en boucle. Certes je connais déjà la fin, mais je passe toujours un bon moment, je rigole et pleure toujours sur les mêmes scènes, alors pourquoi changer ? Le jour où elles me feront plus d’effets alors peut être que là j’en changerai. Il est à peu près vingt et une heures quand j’entends du bruit dans les parties communes, quelqu’un monte les escaliers vers mon appartement. Chose qui arrive très rarement, car personne n’habite les autres logements. J’attends un instant avant d’être sûr de ce que j’ai entendu. Au moment où je suis persuadé avoir rêvé ce bruit, quelqu’un frappe à la porte. Je m’essuie la bouche en allant ouvrir.
Je reçois comme un électrochoc, j’ai l’impression de rêver, la fille que j’avais vu quelques heures plus tôt passer devant le café se tient face à moi. Ses cheveux blond vénitien sont maintenant détachés révélant sa chevelure parfaite. Ça la rend encore plus jolie, pensé-je. Son rouge à lèvres est éclatant, mon regard reste un moment dans ses yeux émeraude avec une pointe de gris qui me font monter le rouge aux joues. Son eye-liner est parfait sans bavure, elle a du bleu sur ses paupières. Je suis persuadé de la connaître, mais son prénom ne me revient toujours pas. Peut-être dans un rêve ou dans une vie antérieure qui sait ? Une chose est certaine elle reste beaucoup plus jolie que dans mes rêves. Elle rompt le silence en première
-Salut je suis Ashley, se présente-t-elle avec un petit geste de la main, je suis ta voisine qui habite juste en dessous. J’ai emménagé aujourd’hui, et je voulais savoir si tu pouvais me dépanner de ton code Wi-Fi le temps que la connexion avec mon opérateur se fasse, me demande-t-elle avec un sourire d’ange.
-Enchanté, moi c’est Neil, dis-je en essayant de contrôler ma voix pour ne pas trahir ma surprise. Oui bien évidemment je peux te l’envoyer en message si tu veux ? Je me surprends moi-même à dire ces mots.
-Avec plaisir ! me sourit-elle en révélant ses dents étincelantes.
Nous nous échangeons nos numéros et elle repart. Une fois la porte refermée j’expire un bon coup avant d’avoir un sourire indélébile aux lèvres. Cette fille qui se balade dans mes rêves est ma voisine. Mon cerveau ne manquait plus de rien, car il n’arrête pas de me supplier d’aller dans mon bureau. J’abandonne ma salade et ma série pour exécuter ses ordres. Je m’enferme dans ma pièce, lance ma playlist d’écriture à fond dans mes écouteurs. La nuit passe aux rythmes frénétiques des touches de la machine à écrire. Était-ce le début de quelque chose de grandiose ? m’interroge mon esprit. Je ne sais pas, mais pour mon cœur une chose est incontestable. Cette fille vient de raviver une flamme que je pensais éteinte à jamais.
Ps : il y a quelques erreurs d'inattention mais, je pense qu'elles peuvent être corrigées lors d'une relecture :))