La lame passa à quelques millimètres du visage du vampire, manquant de peu de le priver de ses yeux et faisant naître un sourire de joie sauvage sur ses lèvres : même acculé, l’humain ne se rendait pas, lui prolongeant le plaisir de la chasse. L’odeur affolante de son sang était partout dans l’air, s’échappant de multiples blessures, déclenchant à l’intérieur du prédateur des pulsions qu’il commençait à avoir du mal à refréner.
Il le voulait…
Enfer qu’il le voulait…
Il sentit ses dents s’allonger au point de lui égratigner le menton, son corps entier se tendre à en faire craquer les restes de son superbe costume réduit en lambeau par le sabre de son adversaire, et quelque chose s’enflammer au creux de ses reins : la vision que l’autre lui offrait était tout simplement divine… couvert de son sang à la saveur si particulière, un bras pendant lamentablement à son côté, l’articulation blanche se voyant au travers de la lacération de son manteau renforcé, une large entaille à son front barbouillant son visage de rouge jusqu’au masque de tissus qui voilait le bas de ses traits, la poitrine soulevée par un souffle saccadé d’effort mais non de panique, l’Aria le défiait du regard, ses yeux d’un bleu profond brillant encore d’une détermination sans faille et son unique main valide fermement agrippée à la poignée de son sabre poisseuse de sang.
Il refusait d’abandonner.
Tout son jeune corps étaient tendu par la volonté de vivre, par la certitude qu’il pouvait toujours triompher de l’affrontement avec un adversaire plus vieux, plus entraîné, plus retors que lui… et à vrai dire, si le dit adversaire n’avait pas pris soin d’amener le combat sur ce terrain précis, dans cette bâtisse qu’il connaissait comme sa poche, ç’aurait pu être le cas tant le chasseur était doué.
Mais pas cette fois…
Non, cette fois, tout était prêt pour que l’humain soit à lui. Entièrement à lui…
- Est-ce que tu te rends ?
L’humain parut surpris, non pas de la question, mais d’entendre le son de la voix du Vampire : depuis que le combat avait commencé, une bonne demi-heure plus tôt, ni l’un ni l’autre n’avaient prononcé le moindre mot. Profitant de cette brève accalmie, comme tout bon combattant, le jeune homme se contenta de sourire derrière son masque et de changer légèrement de position, son regard bleu se levant pour dévisager le vampire perché sur la rambarde courant autour de la salle dans laquelle ils se trouvaient.
- J’allais te poser la même question.
Un rire.
- Tu n’as pas perdu ton assurance on dirait.
- Pourquoi l’aurais-je égarée ? Je tiens tête à un Ancien depuis une demi-heure je te signale.
- Mf. Parce que tu as maintenant un bras à moitié arraché ?
L’autre grimaça et se décala légèrement sur la droite, soulageant probablement une crampe, avant de lever sa lame en direction de son adversaire.
- Déboîté seulement. Je m’en occuperai lorsque je marcherai sur tes cendres.
Le vampire eu de nouveau un éclat de rire.
- Ah Shekil… ce que tu vas me manquer une fois que j’en aurai fini avec toi…
Le chasseur secoua sèchement son sabre pour nettoyer la lame du sang l’empoissant.
- Puisqu’on en est aux confidences Armand… ça n’est pas mon cas.
Un sourire aux dents acérées brilla dans la pénombre de la balustrade.
- Oh j’en doute.
L’instant d’après, il fondait sur sa proie. Il ne doutait pas une seconde que cette dernière s’y attendait, trop expérimenté, malgré son jeune âge, pour s’être laissée aller à la complète détente à cause de ce bref échange. Aussi quelle ne fut pas sa surprise de ne pas voir Shekil se décaler et percuter son corps chaud couvert de protection pour aller l’encastrer dans le mur. L’humain grogna, sonné, sa tête ayant durement percuté la surface de pierre. Dans un ultime réflexe, il tenta de lever son sabre pour se défendre, mais le vampire le balaya d’un revers de main, épinglant cruellement de ses griffes le poignet aux briques fissurées par l’impact.
Peut-être qu’il était plus épuisé par l’affrontement qu’il n’avait laissé le croire finalement…
Un sourire sauvage éclaira le visage du Vampire.
Enfin…
- Oh Shekil… vraiment ? Après cette déclaration enflammée ?
Son avant bras écrasait durement la gorge de l’humain dont les pieds ne touchaient plus le sol et dont les lèvres entrouvertes laissaient échapper un halètement rauque sous le masque, mélange d’épuisement, de douleur et probablement d’angoisse. Du moins il lui était plaisant de l’imaginer. Lentement, il approcha son visage de l’épaule mutilée, emplissant ses poumons de l’odeur grisante du fluide vital qui imprégnait les vêtements du jeune homme avant d’aller promener sa langue le long de sa tempe éclaboussée de rouge, évitant soigneusement le sang répandu pour ne pas céder à son désir trop vite : il savait qu’une fois qu’il l’aurait goûté, il ne pourrait plus s’arrêter.
- Enfer… si tu savais comme j’ai attendu ce moment…
La voix d’Armand s’était faite rauque, presque fébrile, à mesure que son odorat se retrouvait saturé du parfum si particulier du chasseur… Sang, sueur, un soupçon de peur alors même qu’il se débattait sous sa poigne, tentent de s’écarter du mur ou de lui donner des coups de pieds, et d’une ombre, d’une ombre affolante, de désir.
Le vampire pressa un peu plus son corps froid contre celui, brûlant, du chasseur.
- Lâche ce sabre s’il te plaît.
- Va mourir.
- Je suis déjà mort.
Un mouvement, sec, des griffes, un cri de douleur, et le bruit satisfaisant du métal heurtant le sol. Au bout du bras de Shekil, sa main qui pendait, inerte.
- Ne t’en fais pas, ce n’est qu’une déchirure mineure. Rien d’inquiétant… tu ne pourras juste plus jamais manier de sabre.
Le prédateur enfouit son visage au creux du cou de sa proie, inspirant profondément, sentant l’excitation recommencer à brûler dans ses reins : il ne s’était pas trompé… l’odeur, l’ombre d’odeur, était bien là, grandissante à mesure que le temps passait… le jeune homme n’était donc pas immunisé comme ils avaient tous pu le croire… non, seulement bien entraîné. Entraîné à résister aux phéromones des vampires, à ne pas céder face à leur troublante beauté et à l’attrait de l’immortalité.
- … Je le sens tu sais ?… Ce qui est en train de… monter.
Sa jambe s’était glissée entre celles du chasseur, pressant sur son entre-jambe tout en le soutenant un peu pour lui permettre de respirer. Les yeux voilés par le manque d’oxygène retrouvèrent un peu de leur éclat, les lèvres bleuies de leur couleur sous le masque, et le sang, oui le sang, à circuler vers le bas. Vers là où la présence du vampire l’appelait. Il le sentait durcir contre sa cuisse.
Un grondement de plaisir montant au creux de la gorge vampirique.
- Après tout ce temps.
Relâchant un peu son emprise sur la gorge afin qu’elle puisse respirer, il arracha ses griffes du bras de sa proie pour mieux découper les lanières fermant son manteau de combattant, puis le pull noir à col montant qui se trouvait en dessous. La peau, sous ses doigts, aurait pu être soyeuse si elle n’avait pas été bardées de cicatrices plus ou moins anciennes dont la plupart étaient de son fait. Frémissante dans l’air glacé de la nuit, elle se couvrait de chair de poule au fur et a mesure qu’il en remontait le dessin du bout des doigts, arrivant enfin au sujet actuel de sa frustration.
Ce foutu collier de métal.
Soigneusement bouclé par une combinaison à code, finement articulé pour ne pas être une gêne en combat, il cerclait l’intégralité du cou de Shekil, ultime protection dont la complexe manufacture était la signature du clan Aria. Ses dents grincèrent contre l’acier, tandis que la main trempée de sang du jeune homme lui attrapait maladroitement une touffe de cheveux pour essayer de le repousser. Visiblement, il ne l’avait pas entièrement estropié.
Tant mieux.
Il aimait quand on lui résistait.
Et le chasseur avait admirablement rempli ce rôle ces cinq dernières années.
Rien qu’à l’odeur, il pouvait juger des contradictions qui agitaient sa victime. La proximité du vampire échauffait ses sangs, saturant ses sens de l’odeur aphrodisiaque du prédateur, tandis que son entraînement et sa conscience cherchaient à tout prix un moyen de se sortir de cette situation périlleuse.
Les dents raclèrent de nouveau sur le cercle de métal.
Une goutte de sang s’égara sur sa langue.
Au goût si acide… Si recherché… le sang Aria…
- Si… tu le force… ça me tuera…
Le mouvement de la glotte contre ses lèvres, sous l’épaisseur protectrice… bon sang ce qu’il voulait le mordre ! Oh, bien sûr, il pourrait boire le sang aux multiples blessures du jeune homme, finir de lui ruiner l’épaule, mordre dans l’articulation jusqu’à l’arracher et boire directement à l’artère… mais ça n’était pas ce qu’il désirait. Il voulait avoir accès à sa gorge, pouvoir sentir les sanglots et la peur l’agiter à mesure qu’il le boirait, inoculer un peu de son poison d’asservissement dans ses veines, juste assez pour le rendre dépendant, l’empêcher de s’éloigner sans pour autant tuer tout à fait cette flamme dans ses yeux…
- Je sais.
Il recula la tête afin de pouvoir planter ses yeux rouges dans les yeux bleus.
- Tous vos colliers ont ce système de protection. Mourir ou mourir, jamais se transformer…
Sa main libre quitta la peau du torse pour se perdre sur celle de la joue, abaissant légèrement le masque. L’autre soutenait son regard, ignorant superbement les trahisons de son corps, sa main poisseuse au poignet ouvert fouillant vaguement dans les replis de son manteau à la recherche d’arme. Armand eu un simulacre de soupir et referma ses doigts sur le membre blessé, lui tirant de nouveau un cri.
- Mon pauvre garçon… tu crois vraiment que j’aurai attendu tout ce temps si je n’avais pas cherché un moyen de briser cet embêtant obstacle ?
Un éclair de doute, dans les yeux bleus. Une caresse, du bout des doigts, sur les lèvres enfin découvertes, fendues par le combat.
- Je te l’ai dis la dernière fois. Je te veux à moi. (sa cuisse pressa contre l’entre-jambe gonflée, faisant gémir le chasseur) Entièrement à moi… je ne te laisserai pas mourir.
Sans préavis il relâcha la pression de son bras et envoya le jeune homme rouler à terre, l’observant quelques secondes tousser pour reprendre son souffle, sa tête bougeant légèrement de droite à gauche, visiblement à la recherche de quelque chose.
- C’est ça que tu veux ?
Le sabre Aria reposait dans ses mains, sa lame mortelle enduite d’anti-coagulant luisant faiblement dans la lumière voilée de la pièce. D’un mouvement sec, il la planta dans le mollet à sa portée, épinglant Shekil au sol, emplissant un peu plus ses sens de l’odeur de son sang. D’un pied posé entre les omoplates, il l’immobilisa tout à fait et se pencha très lentement pour effleurer le collier du bout de ses griffes, prenant son temps pour composer le code qui le déverrouillerait.
Avec un léger clic, la protection tomba sur le sol dallé.
Et l’odeur de la peur envahit ses narines.
- Aucun secret n’est inviolable…
Sa main se posa parmi les courts cheveux bruns de sa proie, pressant son visage contre la pierre, et d’un mouvement sec, il attrapa le col du manteau comme du pull pour les tirer brusquement en arrière, obtenant un nouveau cri ainsi que la satisfaction de le voir brièvement sombrer dans l’inconscience sous le coup de la douleur.
Le dos du chasseur était barré de quatre profonds sillons, anciens, laissés par le vampire lors de leur troisième rencontre. Cette fois-là, Armand avait été très près d’y passer… si près qu’il avait décidé de que l’Aria, alors à peine sorti de l’adolescence, lui appartiendrait. Ces quatre profondes cicatrices, laissées par ses griffes, avertissaient tous les autres prédateurs que cette proie était la sienne.
Lentement, il s’agenouilla près de l’humain en train de se vider de son sang, profitant de son inconscience pour le dépouiller de ses armes et de sa ceinture, dont il se servit pour lui lier les mains. Un tressaillement de douleur l’avertit que sa victime reprenait ses esprits. Ils allaient pouvoir passer aux choses sérieuses…
- Tu la sens ? La peur… (ses doigts griffus s’enroulèrent autour de la gorge du jeune homme) qui s’insinue jusqu’au plus profond de ton être… qui te glace les entrailles… Et qui pourtant ne parvient pas à éteindre le feu qui brûle au creux de ton ventre…
Ses lèvres effleurèrent le tambour battant de la carotide, sa langue faisant rapidement une incursion sur la zone jusqu’à présent vierge de tout touché. Qu’il était bon, ce goût de métal et de terreur…
- Je pourrais te prendre là… à quatre pattes comme un chien… mais je veux voir ton visage… quand tu abandonneras. Quand ton corps finira de te trahir. Quand tu gémiras de plaisir et de désir de me plaire…
L’odeur. Quelque chose d’autre sous la peur…
- Ah.
Il le retourna sur le dos, plongeant sans ménagement ses doigts dans la bouche de l’humain pour l’empêcher de se couper la langue, récoltant une morsure sans grande importance et un regain de désir. Préférer se suicider plutôt que de subir… ça c’était du Shekil tout craché.
- Oh non non non… pas comme ça.
Attrapant les restes du pull, il confectionna rapidement un bâillon qui empêcherait sa victime d’arriver à ses fins.
Il ne le laisserait pas se défiler.
Le bâillon en place, il s’occupa de soigner sommairement le muscle déchiré par le sabre, étalant un peu de sa salive cicatrisante sur la plaie béante et fit de même avec la déchirure de l’épaule avant de revenir à sa première occupation : déguster sa proie. Avec un sourire acéré, il s’installa entre les jambes du jeune homme, ignorant ses faibles tentatives de le repousser à coups de genou, et pesa de tout son poids sur la poitrine tuméfiée par le combat, une main posée sur le plexus, l’autre appuyant sur la plaie à peine refermée de l’épaule, finissant de se rendre fou.
Les dents du vampire se plantèrent dans la gorge, juste à la racine du cou, faisant craquer l’os de la clavicule et jaillir le sang comme les cris du corps de l’Aria. Ses griffes s’occupèrent de lacérer le tissus renforcé du pantalon, libérant son second sujet de convoitise tandis que sa gorge se remplissait du liquide épais, arrachant un violent frisson de plaisir au plus profond de son corps. Ce goût… oh ce goût…
Le liquide vital irrigua bientôt tout son être, lui donnant la capacité d’accomplir la seconde partie de ses intentions. Le corps de Shekil se cambra sous son intrusion, la gorge obstruée laissant filtrer un gémissement partagé de douleur et de désespoir qui fut rapidement suivit par d’autres alors qu’Armand le prenait à même le sol, ses dents profondément enfoncées dans son cou, rendu ivre par l’afflux de sang sirupeux dans son organisme, et violent par le simple fait d’avoir enfin le chasseur en son pouvoir.
Il s’en fallut de peu qu’il ne le tue.
Ironiquement ce fut la jouissance qui lui sauva la vie.
Alors que le corps de l’humain se contractait sous l’effet mêlé du plaisir, de la douleur et de la drogue vampirique, un brusquement mouvement de tête avait brièvement arraché sa chair aux dents du vampire, rappelant à ce dernier qu’il souhaitait graver à jamais son expression dans sa mémoire. C’est ainsi qu’il vit la peau exsangue, l’absence vitrant les yeux bleus, et la mort, si proche, rodant autour de sa proie.
Il ne voulait pas qu’il en soit ainsi.
Oh que non.
- Tu es à moi…
Sinon j'ai bien aimé les descriptions.
Merci pour ton commentaire !
Ahah oui XD comme je déteste mettre des verbes de parole, ma façon d'écrire les dialogues est assez bizarre @_@ mais je travaille dessus >.> faudra que je mette à jour ce chapitre un de ces 4...
Est-ce que tu peux m'indiquer les passages qui t'on parus flous ? Que je vois comment je peux les améliorer ?
Est-ce que je peux abuser encore un peu de ta gentillesse ?
J'ai corrigé comme ça :
"Non, cette fois, tout était prêt pour que l’humain soit à lui. Entièrement à lui…
- Est-ce que tu te rends ?
L’humain parut surpris, non pas de la question, mais d’entendre le son de la voix du Vampire [...]" est-ce que ça rend la suite plus claire ? Ou est-ce que c'est encore confus ?
Merciii !
Encore merci !!!
Je vais vraiment essayer d'y faire attention >.< et de garder ça en tête quand je ferai la correction complète !