Chapitre 1

Elle sortit de sa chambre et rejoignit ses grands-parents dans la cuisine. Le parquet craquait sous ses pieds, c'était une ancienne maison, plus vieille que ses habitants. Elle arriva dans la cuisine, le soleil était déjà levé, ses rayons jaunes entraient par la fenêtre et se reflétaient dans la vaisselle qui séchait près de l’évier. Le grand-père était à côté il faisait du café, elle alla s’asseoir à la table, la grand-mère lui donna un morceau de brioche, c'était la boulangère du village elle avait toujours du pain ou de la brioche de prêt.

_ Tu as mauvaise mine ce matin, tu as encore fait ce rêve je suppose ? Lui demanda son grandpère tout en lui versant une tasse de café.

_ Tu es sûr de vouloir partir aujourd'hui ? Tu devrais te reposer, tes rêves t'épuisent, ce n'est pas forcément une bonne idée de partir lorsqu'on est fatigué, je pense que tu dev...

_ Mamie, fatiguée ou non, j'ai décidé, je pars aujourd'hui, interrompit-elle. Si je ne pars pas maintenant je ne partirais jamais, dit-elle plus bas pour elle-même.

_ Elle a pris sa décision, Annela et nous en avons déjà discuté, dit le grand-père en les rejoignant à table.

Contrariée, la grand-mère se leva de table et sortie sur la terrasse, elle était comme ça sa grandmère, elle avait toujours besoin d'être seule quand tout n'allait pas comme elle le voulait.

_ Ne t'inquiète pas pour elle Lisaly, elle s'en remettra, elle en a vu d'autres, essaya de la rassurer son grand-père. C'était un vieil homme ses cheveux étaient plus blancs que noirs comme ils l'avaient été dans sa jeunesse et ses yeux noisette étaient encerclées de rides, il n'était pas très grand et commençait à prendre de l'embonpoint, depuis qu'il ne travaillait plus comme pêcheur. Il avait beau dire que ça ne lui manquait pas, Lisaly le voyait tous les jours observer les bateaux quittant le port avec à leurs bords des jeunes pêcheurs. Il râlait aussi parfois contre eux, comme quoi ils ne faisaient pas du bon travail ou qu'ils étaient trop lents. En même temps, il leur donnait des conseils et leur apportait des sandwichs que la grand-mère avait préparés. Lorsque Lisaly avait annoncé à ses grands-parents qu'elle voulait partir du village, pour enfin comprendre d'où lui venaient ses rêves, son grand-père avait été le premier à l'encourager et à l'aider en lui procurant des cartes, une boussole et le nécessaire de voyage. Sa grand-mère n'avait, quant à elle, accepté son départ, que très récemment à la suite d'innombrable discours du grand-père. Lisaly était très reconnaissante envers lui pour tout ce qu'il avait fait et elle ne savait pas comment le remercier.

_ Je sais, répondit-elle en émiettant sa brioche, mais je ne veux pas partir de la maison, alors que mamie m'en veut, soupira-t-elle.

_ Elle ne t'en veut pas, elle sait très bien que tu as besoin de partir, mais elle t'a vue grandir, c'est dur pour elle de voir son oisillon quitter le nid ajouta-t-il.

Puis il se leva, laissa sa tasse dans l'évier et quitta la cuisine. Lisaly regarda son reflet dans la tasse, depuis longtemps elle voulait comprendre les rêves qui la hantaient presque toutes les nuits du plus loin qu'elle ne se souvienne. Aujourd'hui, jour de son départ, elle n'était plus très certaine de vouloir partir loin de ce village où elle avait grandi. Voyager seule alors qu'elle n'était jamais partie d'ici, était-ce une bonne idée ? Et puis même si son grand-père lui avait appris à se repérer sur une carte et utiliser une boussole, elle n'était pas sûre de savoir le faire une fois seule en terrain inconnu. Elle se ressaisit, elle ne devait pas se laisser envahir par le stress du départ, elle se leva pris sa tasse et se dirigea vers l'évier, elle fit la vaisselle restante, débarrassa la table puis rejoignit sa grand-mère dehors. Elle avait prévu de partir dans la matinée pour arriver au prochain village dans la soirée, si tout se passait bien. Elle retrouva sa grand-mère assise dans sa chaise à bascule, elle regardait le jardin, sûrement entrain de se demander quelles prochaines fleurs allait-elle faire pousser, Annela adorait les fleurs, elle en plantait toutes les semaines de nouvelles et s'en occupait tous les jours, le jardin était verdoyant et inondé des rayons du soleil. Un chemin de pierre blanche sinuait à travers la végétation, il passait à côté des rosiers, des camélias, des lys, contournait le vieux puits, ce dernier était attaqué par le lierre qui lui grimait dessus comme pour le fondre dans le paysage. Lisaly sentit une odeur de fumée, elle regarda à nouveau sa grand-mère, elle avait sorti sa pipe. Elle était plus âgée que le grand-père, ses cheveux étaient totalement blancs, elle avait la peau mate comme les gens d'ici, et les yeux bruns. Elle était petite, elle et Lisaly faisaient la même taille. Elle s'approcha de sa grand-mère et s'assit sur le fauteuil à côté d'elle.

_ Je sais que tu as besoin de trouver tes réponses ma petite libellule, mais tout de même partir toute seule si loin et pour combien de temps ? Sa grand-mère lui lança un regard tendu, elle paraissait vraiment inquiète.

_ Mamie, ne t'en fais pas, je sais me débrouiller toute seule, elle marqua une petite pause et puis toi aussi quand tu étais jeune tu as voyagé et c'est comme ça que tu as rencontré papy, non ? Lisaly tripotait le tissu du coussin sur lequel elle était assise tout en interrogeant du regard sa grand-mère. Cette dernière tourna la tête et souffla la fumée qu'elle venait de tirer de sa pipe puis se tourna à nouveau vers sa petite fille.

_ Oui, oui, mais ce n'était pas pareil à l'époque et puis je savais me servir d'une carte et d'une boussole, je n'avais pas ton sens de l'orientation. Lisaly soupira, cela faisait des semaines qu'elle essayait de convaincre sa grand-mère que tout aller bien se passer, peut-être qu'au fond qu'elle essayait de s'en convaincre elle-même.

Un buisson s'agita près de l'acacia, elle regarda ce qui pouvait le faire bouger puisqu'il n'y avait pas de vent, un chat bondit hors de ce dernier et s'ébroua, il avait récolté sur son long pelage un amas de pollen et de plumes. 

_ Encore entrain de traîner avec les poules du voisin celui-là, la grand-mère observait le chat, ils l'avaient adopté il y a de cela dix ans, Lisaly était revenue avec une petite boule de poils toute noire lors d'une de ses promenades dans le village, en plein hiver. Il n'était alors qu'un tout petit chaton, Yldonne, son grand-père, lui avait dit qu'il faudrait qu'elle le nourrisse elle-même si elle voulait qu'il survive. Elle s'en était donc occupée jour et nuit, et maintenant c'était sa grand-mère qui ne voulait plus s'en séparer.

_ Bien il est temps d'arroser mes plantes, ça ne va pas se faire tout seul, la grand-mère pris appui sur les accoudoirs pour se lever et se dirigea vers son arrosoir. Lisaly rentra dans la maison et retourna dans sa chambre pour finir ses baguages. Elle n'avait pas prévu de prendre beaucoup de choses, mais elle vérifia tout de même plusieurs fois que les cartes et la boussole du grand-père étaient là. Elle retira ses habits de nuit et enfila une chemise crème à manches longues qu'elle replia pour laisser apparaître ses avant-bras, elle passa un pantalon marron, il ne faisait pas froid dehors mais c'était le milieu de l'été, et ses grands-parents lui avaient conseillé de porter des vêtements longs pour éviter les morsures et piqûres des différentes bestioles qu'elle pourrait croiser. Elle se regarda dans le miroir une dernière fois, et se dit qu'elle était prête à partir, puis elle prit son sac et quitta la chambre. Elle passa la tête dans le salon, son grand-père n'y était plus, il avait dû rejoindre la grand-mère dehors, elle déposa son sac près de la porte et sorti dans le jardin. Elle avança vers son grand-père qui taquinait le chat avec une longue brindille.

_ Et dire que tu n'en voulais pas de ce chat, lui dit-elle, ce qui surprit Yldonne et fuir le chat.

_ Non, mais ça va pas de me faire peur comme ça, plaisanta son grand-père. Eh oui, j'ai fini par m'y attacher à cette petite bête, par contre j'ai l'impression qu'il ne t'aime pas trop, lui dit-il avec une petite tape dans le dos. Lisaly soupira.

_ Non, effectivement j'ai même l'impression qu'il me fuit, elle regarda avec nostalgie là où le chat avait disparu. Je suis venue vous dire au revoir ajouta-t-elle en élevant la voix pour que sa grand-mère, qui était plus loin, l'entende.

_ Tu pars maintenant alors ? Lui demanda son grand-père qui époussetait son pantalon recouvert de poils et d'herbes.

_ Oui, si je pars tout de suite j'arriverais au prochain village ce soir, elle marqua une pause, si tout se passe bien.

_ Oui, si tout se passe bien, répéta sa grand-mère, elle donna une petite tape au grand-père, allons tu n'as pas oublié quand même.

_ Non, non, bien sûr que non, le grand-père rentra dans la maison en premier. Lisaly aida sa grand-mère à ranger son matériel de jardinage puis la suivit à l'intérieur.

Elles rejoignirent le grand-père qui tenait le sac de Lisaly ainsi qu'un autre petit sac.

_ Ça, c'est pour que tu ne meurs pas de faim dès le premier jour, se moqua son grand-père. Il lui tendit le petit sac, il était rempli de petits pains et il y avait aussi une gourde. Elle prit le second sac pour y ranger le premier puis elle le passa sur une épaule.

_ Bien, bien tu nous écris dès que tu peux, et tu n'oublies pas de bien t'hydrater, avec les chaleurs qu'il fait il ne faudrait pas que tu attrapes un coup de chaud au milieu de nulle part et n'oublies pas de...

_ Mamie ! L'arrêta Lisaly, tu m'as déjà dit ça plusieurs fois, boire, manger, dormir, vous écrire, c'est bon je sais. La grand-mère regarda une dernière fois sa petite fille, elle avait bien grandi depuis son arrivée dans cette maison. Lisaly prit ses grands-parents dans ses bras une dernière fois, puis elle se dégagea de cette étreinte et passa la porte de la maison.

Elle voyageait depuis plus de trois semaines maintenant, après avoir eu quelques mésaventures avec la carte, elle ne l'avait pas utilisé dans le bon sens pendant un bon moment ce qui l'avait fait arriver dans un village qui n'était pas prévu. De là, un habitant lui avait fait remarquer que sa carte était à l'envers, suite à ça elle avait indiqué dessus le haut et le bas pour ne plus se tromper. Elle avait quitté son village dans l’espoir de comprendre ses rêves, elle en faisait deux de façon assez récurrente, dans l'un elle vivait dans un monde où les fées, les elfes, les centaures ainsi que les dragons et bien d'autres créatures existaient, bien que ce rêve aurait pu être sa mémoire qui rejouait les histoires que son grand-père lui lisait quand elle était jeune, elle était persuadée que ce n'était pas juste un rêve, était-ce à cause des détails qu'elle voyait en rêve et qui n'était pas présents dans les histoires ? Ou était-ce à cause de cette sensation qu'elle avait à chaque fois qu'elle se réveillait d'un de ces rêves ? Elle avait toujours l'impression de ne pas rêver, mais juste se remémorer un lointain souvenir. Mais ce n'était pas ce rêve qui la préoccupait le plus, de temps en temps, elle rêvait qu'elle était sous l'eau, sans aucun moyen de refaire surface. Dans ce rêve, elle ne voyait rien, mis à part de petites lueurs de temps à autre, qui étaient toujours loin d'elle, elle avait beau nager le plus loin possible elle ne trouvait jamais de sortie à cette eau. Et lorsqu'elle se réveillait, elle avait, comme pour le premier rêve, la sensation d'un vieux souvenir. En quittant ses grands-parents, elle ne savait pas si elle allait trouver des réponses à ses questions ni où chercher de potentielles réponses, mais elle n'en pouvait plus de rester sans rien faire.

Ce jour-là, elle venait d'arriver dans une petite ville, c'était la première fois qu'elle visitait une ville. Les routes étaient faites de pierres, les gens se déplaçaient en diligence tirée par des chevaux, qui étaient bien plus fins que les chevaux de trait dont elle avait l'habitude. Les habitants de cette ville étaient hauts en couleur, les femmes portaient de grandes robes aux couleurs chatoyantes, telles que du rouge, du jaune, du vert, elles avaient également de grands chapeaux ou des ombrelles qui les protégeaient des rayons du soleil. Les hommes avaient pour la plupart des chapeaux haut-de-forme dont la couleur concordait avec leurs nœuds papillon, leurs chaussures ou même leurs cannes. Lisaly déambula un petit moment dans les rues, les maisons ici étaient toutes collées les unes aux autres et elles se mêlaient à droite et à gauche à des magasins ou des cafés et des restaurants, certaines devantures étaient si discrètes qu'elles auraient pu passer inaperçue, d'autres au contraire étaient excessivement voyante avec leurs volets aux couleurs vives comme du bleu, du rose, du orange. Lisaly, cherchait une petite librairie qu'une dame dans le village précédent lui avait conseillée. La dame avait écrit sur un papier l'adresse et elle lui avait même dessiné un plan, mais la pluie que Lisaly avait traversée ce matin avait effacé la moitié des informations. Heureusement il lui restait encore le nom. Elle arrêta une jeune femme pour lui demander son chemin.

_ La librairie ? Oui, bien sûr vous remontez la rue, tournez à droite, puis une fois à gauche, la vous devriez voir la boutique du coiffeur Polo, il fait un excellent travail en passant, donc vous passez devant sa boutique vous continuez tout droit, puis vous tournez à droite et vous... Lisaly avait beaucoup de mal à suivre les explications de la jeune femme, elle parlait très vite et son accent rendait son discours difficile à suivre. Elle remercia tout de même la femme et se dirigea vers la première direction indiquée. Elle marcha un moment avant de déboucher sur une rue moins large que la précédente, la rue montait et sinuait, il y avait des commerces à perte de vue. Lisaly passa devant une immense pâtisserie, l'odeur qui s'y dégagea, lorsqu'elle longea la vitrine, réveilla son estomac, elle se dit qu'après avoir trouvé la librairie il faudrait qu'elle s'arrête quelque part pour manger. Elle remonta la rue, le soleil tapait fort depuis que la pluie avait cessé, Lisaly avançait en s'abritant sous l'ombre des parasols des cafés. Une marrée de dames affublées de gigantesques robes arrivaient droit sur elle, elle tourna dans la première 5 petite rue qu'elle vit pour ne pas se faire engloutir par tous ces froufrous, elle se retourna et regarda passer ses drôles de dames, elles portaient de grands chapeaux, avaient des ombrelles et s'aéraient avec de petits éventails, elles parlaient fort et ne semblaient pas remarquer qu'elles gênaient les clients des cafés voisins. Lisaly souffla un bon coup puis reprit sa route, elle avait atterri dans une ruelle, elle continua tout droit il n'y avait aucun commerce ici, elle croisait quelques fois des personnes âgées qui sortaient ou rentraient des habitations. Elle tourna à gauche dans une ruelle encore plus petite, puis à droite, encore à droite puis encore une fois à gauche, elle en était sûre, elle était perdue, elle n'avait jamais était douée pour trouver son chemin, elle arrivait même à se perdre dans son petit village, un jour alors qu'elle avait à peine sept ans, son grand-père l'avait retrouvé sur la grand-place du village en larme, car elle avait oublié le chemin pour rentrer à la maison après l'école. La matinée était bien avancée et l'heure du midi pointait son nez, alors qu'elle allait arrêter un homme pour lui redemander son chemin, elle vit au loin un panneau avec un grand L, elle s'avança dans cette direction et lu sur la devanture " Librairie Luna " Lisaly vit la pancarte qui indiquait que la librairie était ouverte, elle tendit la main pour ouvrir la porte, cette dernière s'ouvrit avant qu'elle ne pût la toucher, un jeune homme sortit de la boutique en la bousculant et disparut rapidement en tournant au coin d'une rue. Lisaly, après avoir vérifié que son cœur battait toujours, elle avait eu si peur lorsque la porte c'était ouverte devant elle, se dit que le manteau que portait le jeune homme, un long manteau bleu marine avec des boutons dorés, lui disait quelque chose, elle réfléchit un instant devant la porte de la librairie, il lui semblait qu'elle l'avait déjà vue quelque part, mais elle ne se rappelait pas où exactement. Elle finit par mettre cette pensée de côté et entra dans la boutique.

Il faisait sombre à l'intérieur, le lieu n'était éclairé que par de petites lanternes accrochées au plafond, Lisaly regarda autour d'elle, elle s'était mise en tête qu'une librairie dans une ville serait beaucoup plus grande que celle qu'elle avait déjà visitée durant son voyage, mais visiblement ce n'était pas le cas. Elle repéra dans un coin, assise dans un fauteuil au tissu imprimé fleuri, une vieille dame qui lisait à la lumière d'une petite lampe juste au-dessus d'elle. Il ne semblait n'y avoir personne d'autre. Lisaly se demanda si cette dame était une cliente ou si elle travaillait ici. La vieille releva son immense tête vers Lisaly, elle portait des lunettes si grande qu'elles agissaient comme des loupes sur ses yeux, elle portait une robe noire à manches longues et ses cheveux gris étaient relevé en chignon mal coiffé. Elle se leva, et se dirigea vers Lisaly.

_ Eh bien, jeune fille, qu'est-ce que tu veux ? La questionna la vieille dame, en la regardant de bas en haut les sourcils froncés.

_ Vous travaillez ici ? demanda Lisaly le plus gentiment possible.

_ J'ai l'air de faire autre chose peut-être répliqua la vendeuse.

_ Je cherche un livre...

_ Le contraire m'aurait étonné, quel livre ? La pressa-t-elle.

_ Sur des créatures fantastiques ou sur des choses mystiques, répondit Lisaly avec une petite voix et une moue incertaine.

Les yeux de la vieille dame l'angoissaient et le ton qu'elle employait pour lui répondre ne la rassurait pas non plus.

_ Parle plus fort petite, j’entends rien si tu marmonnes dans ton coin.

Lisaly répéta sa demande deux fois avant que la bibliothécaire ne la comprenne.

_ Encore ? Mais vous ne cherchez que ça aujourd'hui, étagère du fond et tâche de ne rien abîmer surtout !

Lisaly passa des heures à éplucher les livres que lui avait indiqués la vieille dame, elle s'était installée dans l'un des fauteuils du fond et avait posé sur la table devant elle une pile de livres qui lui semblaient intéressants. Les mots commençaient à danser devant ses yeux, la faim et la fatigue provoquée par la chaleur eurent raison d'elle et elle s'endormit sans s'en rendre compte. Une fois encore, elle était dans l'eau, tout était sombre aucune luciole ne scintillait nulle part, elle avait froid. Elle nageait sans trouver de sortie, elle se demandait si jour quelqu'un allait venir la sortir de là, mais personne ne venait jamais. Elle essayait de se rappeler comment elle était arrivée ici, était-elle tombée ? Avait-elle choisi de venir dans cette eau ? Et surtout comment y était-elle rentrée ? Si elle arrivait à se souvenir de ça, peut-être qu'elle arriverait a trouver une sortie. Ou peut-être était-elle morte noyée. Elle se retrouva devant la paroi, elle pouvait à peine entre voir ce qu'il y avait derrière, elle devinait des plantes rampantes, vers le haut elle voyait des stalactites aussi noires que les parois de sa prison. Quelque chose s'agita dans un coin, elle tourna vivement la tête vers le mouvement qu'elle venait de percevoir, une chauve-souris avec d’étranges dessins phosphorescents sur les ailes voletait là-haut, elle se dit qu'elle, au moins, était dehors. Un gros bruit la réveilla en sursaut le livre qu'elle tenait dans ses mains avait glissé et venait tomber sur le sol. Elle se précipita pour le ramasser avant que la vieille dame n'arrive, mas trop tard la bibliothécaire l'avait vu ramasser le livre.

_ C'est comme ça que tu prends soin des affaires ! s’écria-t-elle.

_ Excusez-moi, je me suis assoupie, je ne recommencerais pas.

_ J'espère bien, sinon tu sors de ma boutique, la vieille s'éloigna en marmonnant des paroles incompréhensibles.

Lisaly reprit sa lecture, elle lut encore un moment, puis son estomac commença à émettre des sons de plus en plus forts, elle se dit qu'elle ferait mieux de reposer les livres, d'aller manger et de revenir plus tard avant que les grondements de son estomac ne dérangent la vieille dame. Elle rangea tous les livres un à un en veillant bien à ne pas se tromper de place et à ne pas les abîmer elle récupéra son sac puis se dirigea vers la sortie. Quand elle revint dans la première salle, elle remarqua que la vieille dame c'était endormie, elle se demanda si elle devait la réveiller pour lui dire qu'elle partait, mais elle se ravisa, elle s'imaginait déjà la vendeuse lui crier dessus pour l'avoir réveillé. Elle sortit donc de la librairie, la nuit était tombée, elle n'avait pas remarqué qu'elle avait lu si longtemps, l'air était plus frais. Elle déplia ses manches afin de couvrir ses bras nus, puis commença à descendre la ruelle. De jour elle n'avait aucun sens de l'orientation, mais ce n'était rien comparé à la nuit. Il ne lui fallut pas longtemps pour s'apercevoir qu'elle était complètement perdue et encore moins pour remarquer que quelqu'un la suivait, elle accéléra le pas en priant pour croiser quelqu'un ou un commerce ouvert, jusqu'ici tous ceux qu'elle avait vus été fermé. Elle tourna plusieurs fois dans des rues puis elle se retourna, il n'y avait plus personne derrière elle. Elle avait marché si vite qu'elle était essoufflée, elle reprit son souffle un moment, elle allait reprendre sa route quand elle vit à ses pieds une ombre qui ne lui appartenait pas, avant qu'elle ne pût effectuer le moindre mouvement l'ombre bougea et elle fut plaquée contre le mur, ses bras étaient repliés dans son dos et elle n'arrivait plus à bouger. Une voix grave et sourde éleva dans son dos.

_ Je peux savoir pourquoi tu me suis? Tu veux les prévenir c'est ça ?

Lisaly ne comprenait pas de quoi la voix lui parlait, elle essayait de se dégager ou au moins de voir qui était derrière elle, mais la prise était trop forte et elle n'arrivait qu'à se faire mal, elle allait appeler au secours au moment où il la retourna. Elle reconnut tout de suite le long manteau aux boutons dorés, le jeune homme la bloquait toujours, il lui releva la tête et plongea ses yeux dans les siens. Lisaly eut l'impression d'être lu de l'intérieur, toute sa vie défilait devant ses yeux, elle se revoyait petite sur les genoux de sa grand-mère, au coin du feu avec son grand-père, elle revit ses mains couvertes de griffures après avoir joué avec le chat, les enfants qui se moquaient d'elle à cause de ses cheveux, tout défilait à grande vitesse, sa tête commença à tourner. L'homme la relâcha l'expérience avait été si intense qu'elle s'écroula sur ses genoux et rendit le peu de choses qu'il lui restait dans l'estomac. L'homme s'agenouilla devant elle.

_ Navré, comme nous nous sommes croisés plusieurs fois dans d'autres villages, je pensais que tu étais avec eux. Il avait les yeux d'un gris métallique ses cheveux ébouriffés par le vent étaient aussi noirs que la nuit qui les entourait.

_ Mais c'est qui « eux » à la fin ? Avait demandé Lisaly en essuyant les coins de ses lèvres avec ses manches.

L'homme fronça les sourcils.

_ Tu ne les connais pas ? Demanda-t-il surprit.

Lisaly allait lui répondre, mais le sol se rapprocha étrangement rapidement d'elle et elle perdit connaissance.

Elle entendait des pas près d'elle, une odeur de pain grillé et de café réveilla ses papilles, elle ouvrit les yeux, elle était allongée dans un lit, le soleil était levé dehors, elle se redressa doucement sur ses coudes, son estomac lui faisait mal, elle avait du mal à se souvenir de la veille, elle se remémora son parcours, elle avait quitté la librairie, avait marché un moment et puis... Et puis... Elle réfléchit tout en s'asseyant complètement dans le lit, c'est lorsque qu'elle releva la tête vers l'homme assis à la table, occupé à lire un journal, que ses souvenirs lui revinrent, elle cria et bondit hors du lit.

_ Où je suis ? Vous m'avais emmené où ? Paniqua-t-elle, avant que sa tête ne recommence à tourner, elle se rattrapa aux bordures du lit pour ne pas tomber.

L'homme releva les yeux vers elle.

_ Tu devrais manger avant de reperdre connaissance. Lisaly, ne voulait pas forcément obéir à cet homme, mais il est vrai qu'elle avait très faim. Elle s'installa à l'opposé de son interlocuteur et se versa une tasse de café, elle en but une partie avant de reposer ses questions.

_ Donc où suis-je ? Et qui...

_ Manges ! Lui ordonna l'homme.

Comme pour donner raison à cet individu, l'estomac de Lisaly gronda, elle prit une tranche de pain et la tartina de confiture avant de la tremper dans son café, elle mangeait sa tartine pendant que l'homme, qu'elle surveillait du coin de l’œil, buvait un café en feuilletant un journal. Il chiffonna ce dernier et le jeta à la poubelle sans se lever.

_Tu es dans un hôtel de la ville, je t'ai emmené ici, car tu t'es évanouie en pleine rue hier soir.

_Et qu'est-ce que vous m'avez fait ?

L'homme parut surpris.

_Rien, je t'ai couché dans le lit et j'ai dormi là, il pointa du doigt le fauteuil.

_Non, hier soir, c'était quoi ces questions sur « eux » et qu'est-ce que vous m'avez fait avec vos yeux ?

_J'ai lu dans ton esprit, dit-il naturellement. Lisaly, faillit avaler de travers, elle toussa plusieurs fois avant de reprendre.

_Pardon ?

_J'ai lu dans ton esprit, répéta-t-il calmement.

_J'avais entendu, merci, répondit-elle froidement, mais comment c'est possible ? Tu me fais une blague ?

_Non, je suis sérieux et pour ce qui est de mes questions sur « eux » je pensais que tu travaillais avec « eux »

_Mais c'est qui ? Demanda-t-elle de façon pressante.

L'homme se tourna complètement vers elle, il croisa ses doigts et posa ses mains sur la table. Lisaly remarqua qu'il ne portait plus son manteau, il avait une chemise blanche à manche longue. Il fronçait ses épais sourcils noirs qui approfondissaient le gris de ses yeux.

_Tu ne les connais vraiment pas... Dit-il pour lui-même. Ce sont des chasseurs qui traquent les gens comme toi et moi.

_Moi ? J'ai rien fait moi, pourquoi ils me traqueraient ? Elle réfléchit un instant, attends si t'as fait un truc bizarre j'ai rien à voir là-dedans !

_Rassure-toi je n'ai rien fait non plus, ils nous chassent pour ce que nous savons faire...

_Comment ça, ce que nous savons faire, je ne sais rien faire de spéciale et toi tu...

_Je lis les esprits des gens, il releva les mains pour appuyer ses coudes sur la table et il posa sa tête sur ses doigts, il n'avait pas détendu ses sourcils, Lisaly se dit que s'il continuait à les froncer ainsi ils allaient fusionner. Il la scruta un moment puis reprit :

_Mais je vois que toi...

_Que moi quoi ? Elle commençait à perdre patiente.

_ Tu ne sembles pas au courant.

_ Au courant de quoi ?

_ Si tu arrêtais de me couper la parole, je pourrais peut-être te le dire. Sa voix était devenue plus grave, commençait-il à s'énerver ? Il prit une grande inspiration, toi aussi, tu as des capacités spéciales.

Lisaly le regardait avec des yeux ébahis.

_ Je vois que tu ne le savais pas, alors j'avais vu juste, cette capacité ou ce pouvoir, appelles ça comme tu veux, que tu as, est bloqué en toi, je l'ai vue quand j'ai lu en toi hier soir. Lisaly, n'en croyait pas ses oreilles, il était entrain de se payer sa tête, elle se mit à rire, quand elle s’aperçut qu'il ne riait pas du tout et qu'il avait l'air très sérieux. Elle s'éclaircit la gorge et lui demanda :

_ Donc il y a des chasseurs, comme tu les appelles, qui traquent les gens qui ont des... Pouvoirs ? Il y en a beaucoup ?

_ Des chasseurs ou des gens comme nous ?

Elle réfléchit un instant :

_ Les deux.

_ Aucune idée, pour le moment tu es la première que je croise qui en a un, je commençais à penser que j'étais le seul, il fit une pause pour finir son café. Je ne me suis pas présenté, je m'appelle Thogan, je voyage pour trouver d'où me vient ce pouvoir et pour trouver d'autres personnes comme moi.

_ Enchanté, moi, c'est...

_ Lisaly, je sais, je l'ai vu, il tapota son doigt sur son sourcil droit, et tu voyages pour comprendre tes rêves, qui sont très étranges si je peux me permettre. Lisaly le regarda un long moment, en un regard elle avait l'impression qu'il la connaissait mieux qu'elle-même.

_ Je dois retourner à la librairie, je n'ai pas fini mes recherches, elle commença à se lever.

_ Tu trouveras rien là-bas, rien qui puisse expliquer tes rêves en tout cas, mais j'ai trouvé des informations sur une ville plus loin où quelqu'un pourrait peut-être répondre à nos questions.

_ T'es entrain de me proposer de voyager avec toi, lui demanda Lisaly en le toisant du regard.

_ Eh bien, Thogan se leva et mit son manteau, j'ai l'impression de nos recherches sont liées et puis il ne vaut mieux pas être seule quand ton pouvoir se réveillera crois-moi, je sais de quoi je parle. Je pars ce soir, si tu veux venir avec moi, je t'attendrais aux portes de la ville à six heures. Et il sortit de la chambre laissant Lisaly seule.

Elle avait passé la journée à réfléchir, elle était retournée à la librairie, mais elle était fermée aujourd'hui. Si ce Thogan disait vrai et qu'elle avait une espèce de pouvoir en elle, elle n'avait pas envie de se retrouver seule au moment où ça se réveillerait, elle n'avait pas non plus envie de se retrouver devant les chasseurs, elle n'avait pas très bien compris qui ils étaient, mais pour poursuivre des êtres humains, ils ne devaient pas être très sympathiques. Elle avait donc décidé de suivre cet homme, il l’intriguait. Elle était déjà au point de rendez-vous lorsqu'il arriva.