Chapitre 2

Ils voyageaient de nuit, pour éviter la chaleur de la journée et passer inaperçus aux yeux des chasseurs. Ils étaient au milieu de la campagne et rien, mis à part un quartier de lune n'éclairait leur route, Lisaly avait bousculé plusieurs fois Thogan en essayant de le suivre, elle n'avait aucune idée de comment il faisait pour se repérer dans cette obscurité, l’habitude avait-il répondu. Ils marchaient dans des hautes herbes, qui lui arrivait presque à la taille, elle entendait des animaux détaller en les voyants s'approcher. Lisaly avait mille questions à poser à son nouveau compagnon de route, mais elle ne savait pas par où commencer. D'où venait-il exactement ? Comment fonctionnait son pouvoir ? Comment reconnaître les chausseurs ? Elle commença donc par cette dernière.

_ Ils ont un tatouage, qui est différent selon les régions, sinon on ne peut pas les reconnaître, mais eux nous repèrent de loin, répondit Thogan tout en avançant.

_ Mais ils font comment ? Tu n'as pas l'air différent des autres humains, tu les as déjà vus ?

_ Aucune idée et pas personnellement.

_ Pas personnellement ? Répéta Lisaly, donc quelqu'un t'a dit qu'il y a des gens qui chassent les humains comme toi ?

_ C'est ça.

_ Et cette personne, elle les a rencontrés ?

_ Il travaillait avec eux, lorsqu'il avait notre âge.

_ Et tu lui fais confiance ? Elle essayait tant bien que mal d'avancer au même rythme que Thogan. Je veux dire, s’il travaillait avec eux, peut-être qu'il y retournera et qu'il te dénoncera...

Elle l'entendit souffler, ses questions commençaient à l'énerver.

_ Non, dit-il simplement.

Ils marchèrent encore quelques kilomètres sans échanger une seule parole. Lisaly s'arrêta un instant pour observer le soleil qui commençait à se lever à l'horizon, ses rayons réveillaient les champs qui les entouraient. Un vent doux se leva faisant onduler l'herbe des plaines. Des oiseaux volaient au-dessus de leurs têtes entonnant leur chant matinal. Elle n'avait jamais vu une chose pareille depuis qu'elle avait quitté son village. Et les champs autour de son patelin n'offraient pas une vue semblable. Elle remarqua que Thogan s'était arrêté également, il lui tournait le dos, ses cheveux étaient ébouriffés par le vent, il se retourna et lui fit signe de le rejoindre. Une fois arrivée à sa hauteur, Lisaly aperçut au loin, en bas de la colline sur laquelle ils se trouaient, une ville immense, elle n'en avait jamais vu d'aussi grande. La cité s’étendait à perte de vue, elle voyait d'ici les rues principales qui se rejoignaient toutes en un point central, d'autres rues s’entremêlaient autour de battisses plus belle les unes que les autres, des bateaux arrivaient et repartaient d'un port plus grand que son village. Ils reprirent leur chemin, en milieu de matinée, ils arrivèrent enfin en ville. Le soleil n'était pas encore très haut, mais la chaleur était déjà à la limite du supportable. Ils croisèrent des hommes qui les dévisagèrent et lorgnèrent sur leur accoutrement, Lisaly se demanda s'ils allaient devoir trouver des vêtements comme les leurs pour se fondre dans le décor, elle remarqua que certains avez des chapeaux différents des autres. Elle suivait Thogan qui avançait d'un pas résolu dans cette marée de robes et de costumes.

_ Nous devons trouver un certain M.Rahadel, dit-il.

_ Nous ne pourrions pas d'abord nous arrêter un moment à un café par exemple, je commence à avoir vraiment faim, se plaignit Lisaly en courant presque après Thogan.

Il jeta un œil en arrière et ralentit le pas.

_ Bien, ça me permettra de mettre à jour mes découvertes, il montra à Lisaly une rue moins bondée et ils s'y engouffrèrent. Ils avaient remonté toute la rue avant de trouver un café peu fréquenté. Attablés, Lisaly buvait un thé alors que Thogan écrivait dans un petit carnet. L'intérieur du café était rafraîchi par un système de refroidissement au plafond, où se mêlait divers tuyaux de diamètres différents, un petit bruit bourdonnant si échappait. L'attention de Lisaly se reporta sur les autres clients, dans le fond à droite un homme avec un fort embonpoint lisait le journal tout en dégustant une part de tarte que la serveuse venait de lui apporter. Cette dernière repartie dans les cuisines en passant devant un couple qui commençait à se disputer, la femme avait sur ses genoux un jeune enfant qui s'amusait mettre des morceaux de son gâteau dans la tasse de sa mère. Il y avait deux salles dans ce restaurant, l'autre pièce était accessible par une porte à côté de l'entrée des cuisines, Lisaly ne voyait pas les clients de cette partie. Thogan referma son calepin et se servit une nouvelle tasse, tandis qu'un serveur approchait de leur table derrière lui.

_ Je vois que vous n'êtes pas d'ici, leur dit-il en examinant leurs habits.

_ Non effectivement, nous sommes en vacances, répondit Thogan.

_ Je vois, et qu'est-ce qui vous amène dans le coin ?

_ Nous rendons visite à une vieille connaissance M.Rahadel, connaissez-vous ? Demanda Thogan en relevant la tête vers le serveur, qui avait blêmi à la prononciation de ce nom.

_ Oh ! Oui, bien sûr, qui ne le connaît pas ? Il rit légèrement gêné, M.Rahadel à quand même le plus grand manoir et la plus grande richesse de la ville, je suppose d'ailleurs que monsieur doit être invité à la réception de ce soir, d'où votre arrivée ce matin en ville.

_ Effectivement, pouvez-vous m'indiquer un commerçant où je pourrais trouver une tenue convenable pour ce soir ? Interrogera-t-il.

_ Bien-sûr vous semblez aimer les lieux calme alors je vous conseille la boutique de Sanlow, il n'y a jamais beaucoup de clients, mais M. Sanlow exécute un travail remarquable.

De nouveaux clients entrèrent dans le salon, le serveur quitta les deux voyageurs.

_ M.Rahadel, n'invite que des hommes à sa réception ce soir, répondit Thogan à la question muette de Lisaly. Elle fit un mouvement de tête, comprenant qu'il venait de lire les pensées du serveur.

Ils arrivèrent devant le magasin indiqué par le serveur quand Lisaly demanda à Thogan.

_ Pourquoi, lorsque t'as lu dans mes pensées la première fois ça m'a rendue malade, alors qu'il semblerait que cela ne fasse rien aux autres ?

Il marqua une petite pause, puis lui répondit.

_ Sûrement parce que tu étais fatiguée et que tu n'avais rien mangé, il réfléchit un instant, et peut-être aussi parce que j'étais énervé ce jour-là.

Lisaly acquiesça et ils entrèrent dans la boutique. Un homme, qui dépassait Thogan d'une bonne tête et très mince les accueillis, il portait un costume orange pétant et un haut-de-forme qui lui allongeait sa silhouette déjà bien élancer.

_ Bienvenu, s'exclama-t-il, en direction des deux clients qui venaient de pénétrer dans sa boutique, Monsieur, il serra la main de Thogan puis se tourna vers Lisaly, Mademoiselle, dit-il en lui faisant un baise-main. Il revient à Thogan, que puis-je faire pour vous jeune homme ?

_ Je cherche un costume pour la réception de M.Rahadel ce soir.

_ Vous avez frappé à la bonne porte, son regard se tourna vers Lisaly, je suppose que mademoiselle est ici pour donner son avis. Il ne lui laissa pas le temps de répondre, il l'attrapa par le bras et l'installa dans un immense fauteuil. Il dit ensuite à Thogan de le suivre et ils disparurent à l'arrière de la boutique. Le siège était si grand que ses pieds ne touchaient plus le sol. Autour d'elle tout était anormalement gigantesque, il y avait sur la table devant elle des tasses ainsi qu'une théière fumante, elle était si grosse qu'elle aurait dû la porter à deux mains si elle avait voulu se servir du thé, mais elle n'en fit rien. Elle entendait l'homme au chapeau haut de forme parler à Thogan, bien qu'elle n'en comprit pas un mot. Ce dernier sorti de l'arrière-boutique vêtue d'un costume trois-pièces noires très simples comparé à ce que portait le vendeur, celui-ci arriva se mit au côté de Lisaly.

_ Qu'en pensez-vous, mademoiselle ? Je préfère les vêtements plus voyants, mais M.Rahadel est un homme plus... Discret disons. Il fixa Lisaly dans l'attente de sa réponse. Cette dernière regarda Thogan, au vu du regard qu'il lui lançait, il n'attendait pas d'elle qu'elle donne son avis, elle se contenta de dire que c'était très bien. Les deux hommes repartir à l'arrière, laissant à nouveau Lisaly seule. Elle observait les badauds, qui passaient devant la boutique en examinant les différents costumes exposés en vitrine, tout en essayant d'écouter ce que racontait Thogan au marchand.

Thogan avait réussi à convaincre le marchand de lui céder ce costume juste pour la soirée, ils avaient passé le reste de la matinée à chercher une auberge discrète et peu fréquentée. Puis, après y avoir déposé leurs affaires, ils étaient ressortis pour trouver le manoir, d'après Thogan ils n'auraient pas de mal à le trouver, c'était l'un des bâtiments les plus grands de cette ville et tout le monde pensait à la réception du soir même. Ils déambulèrent dans les rues de la cité durant le début de l'après-midi, ils trouvèrent enfin le manoir, des grilles l'encerclait et des jardins somptueux se dressaient devant l'édifice fait de pierres grises, deux grandes tours bordaient une immense porte qui elle-même surplombait un escalier interminable. Après l'avoir trouvé, ils retournèrent à l'auberge pour se reposer et pour se mettre à l’abri du soleil.

Le soir arriva et Thogan partit pour la réception. Lisaly, quant à elle descendit au restaurant de l'auberge pour manger un morceau avant de remonter dans la chambre, ils avaient loué une chambre double, elle avait pris le lit près de la fenêtre, elle regarda dehors et elle vit plusieurs hommes et des calèches partant en direction du manoir, elle espérait que tout se passerait bien pour Thogan. Elle observa la nuit tomber, puis se dit qu'elle allait écrire une lettre à ses grands-parents, elle ne leur avait pas donné de nouvelles depuis son départ, ils devaient être inquiets, surtout sa grand-mère. Elle prit son sac et commença à chercher du papier, elle ouvrit une petite pochette et y trouva une enveloppe, elle n'avait aucun souvenir d'avoir mis ça ici. Elle l'a prit et alla s'asseoir devant l'unique bureau de la chambre. Elle ouvrit l'enveloppe et sortit la lettre qu'elle contenait, son prénom était inscrit sur le bord du papier, elle reconnut immédiatement l'écriture de son grand-père, ce qui lui provoqua un léger pincement au cœur, même si elle avait rêvé de son départ depuis des mois, ses grands-parents commençaient à lui manquer, il avait dû la glisser dans son sac juste avant son départ. Elle se demanda pourquoi il ne lui avait pas donné directement puis elle la déplia.
 

Ma petite Lisaly,
 

Tout d'abord j'espère que tu ne m'en voudras pas de ne pas t'avoir donné cette lettre en main propre et que tu comprendras pourquoi je n'ai pas pu te révéler ce qui va suivre plus tôt.

J'écris ses lignes la veille de ton départ, ce sera une lettre très brève, ta grand-mère et moi savions que ce jour allait arriver, mais honnêtement je ne pensais pas qu'il arriverait si vite. Nous nous sommes occupés de toi comme notre fille, et non comme notre petite-fille, car comme nous te l'avons caché jusqu'à présent, nous n'avons jamais eu d'enfant. Je vais donc te raconter comment tu es réellement entrée dans notre vie.

C'était lors d'une soirée d'hiver, je rentrais du travail, en passant près du bois, j'ai entendu un bruit étrange, un mélange entre un miaulement et couinement, je me suis approché pensant trouver un chaton abandonner, qu'elle ne fut pas surprise en voyant un petit poupon tout rose enveloppé dans un grand tissu blanc, tu ne pleurais pas, tu me regardais avec tes beaux yeux bleus, je me suis accroupie près de toi et j'ai remarqué un mot glisser dans les plis du tissu, j'ai pris le mot et je l'ai mis dans ma poche, puis, je t'ai soulevé tu continuais de me regarder avec tes grands yeux, personnes dans le village où dans les alentours n'avait des yeux pareils. Je t'ai ramené à la maison, tu n'imagines pas la réaction de ta grand-mère lorsqu'elle t'a vue, c'était la femme la plus heureuse du monde, elle t'a fait couler un bain chaud et donner du lait, tu ne pleurais jamais, un vrai petit ange disait-elle. Nous avons passé des annonces, mais personne ne semblait te chercher.

Ce n'est que trois jours après ton arrivée à la maison que je me suis souvenue du mot. Je l'ai déplié et à mon grand étonnement, je ne comprenais rien à ce qui était écrit, c'était langage si ancien qu'il m'a fallu retrouver toutes mes études de langue pour déchiffrer le message. J'ai mis cinq ans à y parvenir, âge auquel tu commençais à poser des questions sur tes parents, nous t'avons raconté qu'ils étaient décédés et que les autorités t'avaient confié à nous, tout cela était faux évidemment, mais tu étais trop jeune pour comprendre la vérité, et je dois t'avouer qu'à ce jour j'ai encore du mal à y croire. Le mot ne contenait pas un grand message, juste ton prénom Lisaly, seul mot écrit dans notre langue, et deux autres lignes, la première disait que tu avais une mission très importante à accomplir et qu'il te faudrait beaucoup de courage pour y arriver. La seconde, demandait à la personne qui réussirait à déchiffrer cette lettre de prendre soin de toi et de t’initier aux mondes féeriques pour que le jour où tu devras accomplir ta mission, tu sois prête. Je n'ai jamais vraiment compris la dernière partie de ce mot, mais j'ai tout de même fait ce qu'il était indiqué, ta grand-mère et moi-même t'avons protégé du monde extérieur jusqu'à maintenant et régulièrement je te racontais des histoires sur les créatures fantastiques.

Peut-être que tu comprendras le sens de ce mot lors de ton voyage. Sache que nous serons toujours là pour toi quoi qu'il arrive.

Ton grand-père qui t'aime

Lisaly replia la lettre et la remit dans l'enveloppe qu'elle rangea dans son sac. Elle était bouleversée par ce qu'elle venait de lire, tout ce qu'elle pensait être vrai jusqu'à présent était donc faux ? Non une chose était sûr, ces grands-parents l'aimaient et ils l'avaient élevé comme leur petite-fille. Elle retourna s'asseoir au bureau et pris un crayon, qui avait probablement été oublié ici par le client précédent. Alors qu'elle posait la mine sur le papier elle fut prise d'un étrange vertige et perdit connaissance.

Il gravit les escaliers qui menaient à la grande porte, comme on lui avait dit, il n'y avait que des hommes à cette réception. Il atteignit la porte, personne n'était là pour vérifier l’identité des invités, il entra, devant lui une immense pièce rassemblait des hommes qui parlaient tout en sirotant des verres de champagne, un serveur vint à lui et lui proposa un verre, Thogan en prit un juste pour la forme. Il évolua à travers cette foule tout en écoutant les conversations et en essayant de capter quelques pensées afin de trouver M. Rahadel. Des serveurs l'arrêtaient pour lui proposer divers petits fours, joliment agencés sur leurs plateaux en argent, il refusa poliment et continua d'avancer. Ces hommes parlaient d'affaires, de marché à exploiter, certains discutaient à propos de leurs familles respectives, mais aucun ne semblait aborder le sujet de l'hôte de ces lieux. Il passa une porte, la pièce qu'il venait de pénétrer était toute enfumée, il comprit rapidement d'où elle venait en voyant les hommes assis sur des sofas, pipe et cigare en main, une fois de plus un serveur s’avança vers lui tenant un plateau recouvert de cigares en tout genre, il déclina d'un signe de la tête. Il continua de déambuler dans le manoir passant de porte en porte, jusqu'à ce que les voix devenues lointaines deviennent inaudibles. Il arriva dans une pièce sombre, les meubles étaient recouverts de draps blancs et ses pas laissèrent des traces dans la poussière qui s'accumulait au sol et sur les tableaux encore accrochés aux murs. Il s'approcha d'une des fenêtres et observa le jardin, il vit certains des invités marcher entre les plates bandes. Un bruit derrière lui le fit sursauter renversant une partie de son verre, dont il n'avait pas bu une goutte. Il se retourna afin de voir d'où venait le bruit, il ne perçut d'abord rien dans la pénombre, puis une forme se dessina sur l'un des fauteuils, une voix sortie de cette silhouette.

_ Je ne voulais pas te faire peur, gamin, je pense que tu me cherches non ? Demanda la voix, c'était celle d'une personne âgée, Thogan s'approcha, une lampe près du fauteuil où été assis le vieil homme s'alluma dévoilant le visage de cet individu. Il s'agissait d'un vieillard, à la peau flétrie par les années et au teint grisâtre, il avait une longue barbe qui descendait jusqu'à ses genoux, ses sourcils étaient eux aussi très longs et on arrivait à peine à distinguer ses yeux perdus derrière, il avait ses deux mains appuyées sur une canne tout aussi tordue que lui.

_ M.Radahel ? Demanda Thogan perplexe.

_ Lui même, n'ai pas peur, assieds-toi, il pointa avec sa canne le fauteuil devant lui. Thogan alla s'y asseoir sans quitter des yeux son hôte.

_ Tu t'attendais à voir un homme plus jeune n'est-ce pas ? Affirma le vieux tout en sortant de sous sa barbe une pipe, elle aussi tordue.

_ Eh, bien... Oui, je suis venu parce que...

_ Je sais, ce que tu es, le coupa Rahadel, il tira sur sa pipe et souffla la fumée, je suis comme toi, tu es venu pour que je réponde à tes interrogations, alors vas-y. L'homme se cala au fond de son fauteuil en attendant les questions du jeune homme.

_ Vous ne vous méfiez pas de moi ?

L'homme souffla à nouveau de la fumée.

_ Mon garçon, je te l'ai dit je suis comme toi, et il tapota son doigt sur son arcade droite, et puis je suis vieux j'ai besoin de transmettre ce que je sais à quelqu'un de confiance avant de partir.

_ Très bien alors, pour commencer, sommes-nous beaucoup à avoir des... Pouvoirs ?

_ Je ne sais pas exactement, mais il semblerait que nous soyons de plus en plus nombreux, la fumée que l'homme n'arrêtait pas de tirer envahissait la pièce, ce qui rendait la vision de Thogan trouble. Il toussota puis reprit :

_ Pourquoi avons-nous ça ?

Le vieillard prit une grande inspiration.

_ C'est une longue histoire, es-tu prêt à l'entendre gamin ?

Thogan croisa ses doigts et posa ses coudes sur ses genoux, il était prêt à écouter tout ce que l'ancien allait lui révéler.

_ Bien, M.Rahadel tira sur sa pipe, puis souffla un épais nuage de fumée, c'était il y a très longtemps, bien avant tout ce que tu connais gamin, à cette époque nous vivions en harmonie avec des êtres fantastiques, certains humains tombaient amoureux et se mariaient avec des êtres comme eux. De ses unions naissaient des hybrides, beaucoup ne survivaient pas, mais pour ceux qui y parvenaient, d'étranges pouvoirs commençaient à apparaître. Les humains qui possédaient ces capacités étaient déjà poursuivis à cette époque par des chasseurs. De nos jours les entités fantastiques ont disparu, mais leurs descendants hybrides ont survécu, les pouvoirs se transmettant de génération en génération, bien que souvent ils en sautent quelques-unes. Le vieux tira sur sa pipe, puis continua, je vois que tu veux protéger les gens comme nous, très bien. Il fit une pause en observant Thogan. La fille qui t'accompagne, elle a un rôle important à jouer dans l'équilibre de notre univers.

_ L'équilibre de notre univers ? Répéta Thogan.

_ Hum... Lorsque ces créatures ont disparu, un déséquilibre a été créé dans notre monde, les chaleurs de plus en plus étouffantes l'été, les hivers de plus en plus longs. Les tremblements de terre et les tempêtes de plus en plus nombreuses en mers, en sont les preuves. Cette jeune fille arrivera à rétablir l'équilibre, mais il lui faudra un peu d'aide. L'homme souffla à nouveau un nuage de fumée, puis toussa si longtemps que Thogan crut qu'il allait mourir devant lui.

_ Je t'ai dit tout ce que je sais gamin, rentre chez toi, maintenant. Il avait à peine fini de parler, que la lumière qui éclairait leur conversation s'éteint et l'homme disparu de la pièce.

Thogan poussa la porte de la chambre, il fut surpris de voir que la lumière était encore allumée, il referma la porte et trouva Lisaly endormie sur la chaise devant le bureau sa tête était posée sur ce dernier, ses cheveux tombaient en cascade devant son visage, sur ses épaules et son dos. Il prit une couverture sur l'un des lits et la déposa sur les épaules de la jeune fille, il remarqua un crayon par terre, il le prit et le déposa sur le meuble, puis éteignit la lumière et alla se coucher.

Elle marchait, il faisait nuit, les rayons de la lune l'éclairaient à peine et elle ne connaissait pas cet endroit. Il y avait de la végétation tout autour d'elle, un hibou hululait au loin et un groupe de chauves-souris lui passa au-dessus de la tête, elle continua d'avancer sans perdre de vue le chemin devant elle, ce dernier été rempli d'herbes et de ronces, elle avait du mal à le distinguer dans la nuit, elle entendit un cours d'eau près d'elle. Lisaly s'y dirigea, elle suivit le cours d'eau un moment avant d'arriver devant une grotte, elle y entra et attendit que ses yeux s'habituent à l'obscurité des lieux. Elle s’enfonça dans la caverne, elle avait l'impression de marcher depuis des heures et de tourner en rond. Elle allait rebrousser chemin quand elle entendit une voix, d'abord ce n'était qu'un chuchotis, elle se concentra pour essayer de comprendre ce que la voix disait. Elle dans la direction de celle-ci, qui se faisait de plus en plus forte. Elle était obligée de courber le dos pour continuer, elle arriva dans une cavité où elle put se redresser, la voix avait cessé, devant Lisaly se dressait un étang à la verticale, elle s'approcha pour toucher l'eau, ses doigts effleurèrent la surface sans rien toucher. La voix s'éleva à nouveau, Lisaly regarda tout autour d'elle pour trouver la personne qui lui parlait, mais elle était seule, elle essaya de répondre mais aucun son ne sortit de sa bouche. Elle se retourna vers l'étang et vit juste en face d'elle une femme, qui aurait pu être sa sœur jumelle, Lisaly s'approcha de la femme qui semblait endormie, elle leva la main pour la toucher et à ce moment la femme ouvrit sur elle des yeux aussi noirs que la grotte, surprise Lisaly frissonna et laissa échapper un cri. Quand elle ouvrit les yeux, elle était toujours dans la chambre de l'auberge devant le bureau, derrière elle Thogan c'était réveillé en sursaut en l'entendant crier.

Lisaly raconta à Thogan son rêve en lui décrivant l'entrée de la grotte pendant qu'il la dessinait sur une feuille de papier. Puis à son tour il lui raconta le déroulement de la soirée, il lui relata sa rencontre avec le vieillard et lui fit un résumé de leur conversation en omettant volontairement le passage qui la concernait. Thogan lui proposa ensuite de chercher cette grotte, peut-être qu'en s'y rendant cela mettrait un terme à son rêve. Ils firent leurs sacs et partirent de l'auberge. C'était un jour de marché, il y avait des étalages dans toutes les grandes rues, la chaleur n'empêchait pas une foule de déambuler à travers les présentoirs en se bousculant de tous les côtés. Les marchands criaient plus fort les uns que les autres pour attirer la clientèle vers les meilleurs produits. Ils en profitèrent pour acheter quelques provisions et pour montrer le dessin de Thogan aux marchands, avec un peu de chance quelqu'un reconnaîtrait l'entrée de la grotte. Le soleil tapait très fort, ils s’arrêtèrent à l'ombre d'une fontaine pour se reposer et se rafraîchir.

Tandis que Lisaly attachait ses cheveux et que Thogan observait son dessin. Une dame chargée de paniers, s'arrêta non loin d'eux, elle s'approcha en regardant la feuille que tenait Thogan, puis demanda.

_ C'est vous qui avez dessiné ça ? Thogan et Lisaly tournèrent leurs têtes vers la dame.

_ Oui, lui répondit-il, vous connaissez ?

_ Évidemment, ce sont les grottes de Malyhar, je vivais là-bas avant de venir m'installer ici, vous y êtes déjà allé ? C'est magnifique n'est-ce pas ?

_ Non, nous... Il s'interrompit pensif, on nous l'a décrit, nous aimerions y aller, mais nous ne savons pas où ça se trouve, c'est dans la région ?

_ Oula, mes pauvres gens non, il faut prendre le bateau qui se rend sur l'île Malyhar, il y en a un qui part ce soir il me semble, peut-être que si vous vous dépêchez, vous pourrez le prendre.

Une cloche retentit au loin.

_ Ah ! Je vais être en retard, elle reprit ses paniers qu'elle avait déposés le temps de discuter, bon voyage jeunes gens, puis repartit en direction des rues bondées.