Lyran avançait avec un mélange d’excitation et d’appréhension. Après deux ans d’études à l’Académie des Gardiens, il avait été choisi pour rejoindre les rangs des Gardiens du Sanctuaire de l’Arbre-Mémoire. Rares étaient ceux qui pouvaient rejoindre cet ordre ancestral : seuls deux étudiants étaient choisis tous les dix ans. Il avait l’honneur de devenir le protecteur d’un héritage vieux de plusieurs siècles, un rempart contre l’oubli qui veillait sur les souvenirs de tout le peuple.
Le Sanctuaire de l’Arbre-Mémoire était plus impressionnant qu’il ne l’avait jamais imaginé. Les grands murs de pierre blanches semblaient retenir l’air lui-même et créaient un monde à part, un lieu sacré figé dans le temps. Au centre, l’Arbre-Mémoire s’élevait majestueux, ses branches enchevêtrées s’étirant comme pour caresser le ciel. Des filaments lumineux coulaient le long de ses feuilles délicates.
Lyran sentit une main se poser sur son épaule. C’était Maître Oran, l’un des plus anciens gardiens, dont les rides creusaient son visage en un réseau aussi complexe que les branches de l’Arbre.
— Bienvenue parmi nous Lyran, murmura-t-il d’une voix grave mais douce. Aujourd’hui, tu entres dans un cercle fermé, celui des gardiens de la mémoire. Nous ne portons pas d’armes, mais notre tâche n’en est pas moins vitale.
Lyran inclina la tête, pesant l’importance de chaque mot. Son regard se perdit un instant dans les branches de l’Arbre, où des éclats de lumière semblaient se déplacer lentement, comme des souvenirs en mouvement. Il se rappela alors les histoires racontées à l’Académie : chaque feuille de l’Arbre abritait un fragment de la vie de quelqu’un, un moment partagé, un souvenir précieux, que les citoyens avaient confié au Sanctuaire.
— Suis-moi, reprit Oran, je t’emmène dans tes appartements.
En marchant à travers le sanctuaire, Lyran se laissa imprégner par l’aura solennelle du lieu. L’endroit était silencieux et seul le bruit de leurs pas venait briser cette quiétude. Oran mena Lyran jusqu’à une porte.
— Voici ta chambre, repose-toi. Demain nous te montrerons comment veiller sur l’Arbre et sur les souvenirs qu’il porte.
Lyran pénétra dans la pièce. La chambre était petite mais chaleureuse. Une douce lumière pénétrait par l’unique fenêtre de la pièce. Il s’assit sur le lit et prit le temps de repenser aux dernières heures qui venaient de s’écouler. Il venait de réaliser son rêve, il était enfin un gardien. Un sentiment de fierté lui fit monter les larmes aux yeux. Il défit son sac, attrapa une plume et du papier et sa hâta d’écrire une lettre à ses parents pour leur faire part de ses premières impressions.
Le jour se levait à peine, et le sanctuaire était plongé dans une brume argentée. Lyran avançait doucement, ses pas résonnant à peine sur le sentier pavé de pierres anciennes. L’ombre de l’Arbre-Mémoire couvrait la clairière, imposante et protectrice.
C’était son premier jour en tant que gardien assistant, et le poids de cette responsabilité l’écrasait plus que jamais. Lyran serra la main contre le tissu de sa tunique, tentant de calmer le léger tremblement qui lui parcourait les doigts. Il avait entendu les légendes depuis son enfance mais jamais il n’avait imaginé que cela semblait si… vivant. Comme si l’Arbre lui-même respirait et murmurait en silence.
— … et c’est ainsi que nous collectons et consignons les souvenirs. Tu as des questions mon garçon ? demanda Maître Oran.
Lyran sortit brusquement de sa rêverie. Il n’avait pas écouté un seul mot de l’explication d’Oran tant il était émerveillé par l’Arbre. Il se redressa, tâchant de dissimuler son manque d’attention.
— Euh… non, Maître Oran. Je suis prêt à apprendre.
Le vieil homme esquissa un sourire indulgent avant de poursuivre.
— Bien. Alors écoute attentivement. Être un gardien, ce n’est pas qu’un privilège. C’est une charge immense. Chaque souvenir confié à l’Arbre est une part de vie, une émotion, un fragment d’humanité. Nous devons les préserver, quoiqu’il advienne.
Oran se tourna vers l’arbre et désigna ses branches scintillantes.
— Vois-tu ces lumières Lyran ? Chaque éclat est un souvenir. Nous utilisons ces cristaux pour transmettre les mémoires à l’Arbre, et lui, en retour, les garde pour l’éternité. Mais si un souvenir est abîmé ou oublié, il s’éteint, comme une étoile mourante. C’est notre devoir de veiller à ce que cela n’arrive jamais.
Lyran hocha la tête, bien que son esprit soit ailleurs. Il ne pouvait détacher son regard des feuilles luminescentes qui ondulaient doucement, comme si elles répondaient à une brise imperceptible. Tout cela semblait si mystique, si irréel.
— Je vais te montrer comment collecter un souvenir, reprit Oran. Suis-moi.
Ils pénétrèrent dans une grande salle circulaire adjacente au Sanctuaire. Des murs couverts de runes anciennes entouraient une table de pierre sur laquelle reposait un cristal brillant. Une femme était là, debout, les mains jointes devant elle. Lyran devina qu’il s’agissait d’une citoyenne venue confier un souvenir à l’Arbre. Oran expliqua d’une voix douce :
— Madame, voici Lyran, un jeune gardien qui commence aujourd’hui. Il assistera à la cérémonie, si vous le permettez.
La femme acquiesça timidement et Oran plaça le cristal dans ses mains.
— Fermez les yeux et concentrez-vous sur le souvenir que vous souhaitez confier. Laissez-le émerger de votre esprit.
Une lumière douce s’échappa du cristal, vibrant au rythme de la respiration de la femme. Lyran retint son souffle, fasciné. Lentement, une image se forma dans la lumière : un enfant courant dans les champs de fleurs et riant aux éclats.
Oran récupéra le cristal et tendit la main vers Lyran.
— C’est à toi maintenant. Pose le cristal sur l’Arbre et laisse-le absorber le souvenir.
Lyran s’avança et tâcha de contenir le léger tremblement de ses mains. Le cristal semblait presque vivant, vibrant d’une énergie subtile. Il le plaça doucement contre l’écorce de l’Arbre-Mémoire. Les filaments lumineux s’étirèrent pour envelopper le cristal, et l’image disparut, absorbée par les profondeurs de l’Arbre. Un silence solennel suivit, brisé par Oran :
— Très bien Lyran. Mais ce n’est qu’un début. Garde à l’esprit que chaque souvenir que nous protégeons est un trésor inestimable.
Lyran sentit une fierté inattendue gonfler dans sa poitrine. Mais alors qu’il retirait les mains de l’Arbre, il eut une étrange sensation, presque imperceptible, comme un frisson glacé courant le long de sa peau. Il fronça les sourcils mais n’osa rien dire. Oran le sortit de ses pensées :
— Repose-toi cet après-midi. Tu as fait beaucoup pour un premier jour.
Lyran acquiesça mais l’inquiétude restait tapie au fond de son esprit. L’Arbre semblait si puissant, si intemporel et pourtant… quelque chose n’allait pas.
J'ai beaucoup entendu parler de ce livre mais je ne l'ai encore jamais lu ! Pour le coup l'inspiration est venue d'un concours de nouvelles sur la thématique de la mémoire, j'ai trouvé ce sujet assez passionnant.
La suite de la nouvelle est déjà écrite, je vais la publier au fur et à mesure. N'hésite pas à commenter pour me dire si la suite est à la hauteur de tes espérances :)
N'hésite pas à me dire quels sont les détails que tu trouves un peu inutiles, cela m'aidera pour ma rédaction.
Je l’ai sans doute mal formulé donc je le reformule j’adore ton texte. 👍