Chapitre 1

Je flâne dans les rues pavées de Draxana, ma cité de naissance. Au loin, j'aperçois la haute colonne de pierre qui surplombe la ville. Rien ne vient orner son sommet, pourtant quelque chose y aurait sa place. Je ne saurai dire ce que j'y verrai, mais il est évident que la structure n'a pas toujours été vierge de toutes décorations.

Sous mes yeux s'étalent le marché, et c'est une explosion de senteurs et de couleurs. Mes sens sont saturés par les milles parfums des arbres jalonnant le passage, l'odeur caractéristique des produits vendus, les vives couleurs des toiles tendues au-dessus des stands, et le bruit constant des multiples conversations qui se tiennent près de moi. L'aurore vient dissiper la nuit, et donne un éclairage particulier à cette scène.

J'observe la ville fourmiller ; les marchands organisent et mettent en place leur marchandise étalée sur des éventaires qui rivalisent de splendeur pour attirer les passants plus tard dans la journée, les touristes matinaux s'émerveillent, les quelques rares animaux passent furtivement. J'aime cette activité quasi-constante de la ville.

Il est difficile de s'imaginer qu'il y a une petite centaine d'années, elle a été complètement ravagée. Détruite par une armée cruelle, sans-nom, composée de rebelles, qui semait désolation et chaos dans son sillage.

Les professeurs n'en parlent jamais, car ils classent cet événement au même rang que les contes et autres balivernes. Pourtant, cette partie de notre histoire a rellement existé. Je trouve donc dommage d'ignorer volontairement cet incident, et je pense que nous devrions l'étudier. Mais je ne décide pas des programmes.

J'inspire puis expire profondément, comme pour m'imprégner de cet environnement qui m'est si familier.

En effet, j'adore venir ici, et observer le ballet routinier des habitants aux premières lueurs de l'aube. Je finis toujours ma promenade à la confluence de la Drax et de la Perryat. C'est un peu naturel, pas encore pollué par la présence des Draxaniens. Je suis simplement accompagnée du doux son de l'eau et de l'odeur caractéristique de milieux aquatiques. Je me sens sereine, en paix.

Enfin, après quelques minutes passées à m'aérer les pensées, pour y remettre un peu d'ordre, je me rends jusqu'à mon établissement scolaire. C'est reparti pour un jour, qui sera sûrement aussi monotone que le précédent !

~⚔~


Ma journée se passe sans désagréments, hormis une migraine fulgurante en mathématiques, qui a assombri ma vision et pendant laquelle j'ai entendu des noms qui me sont inconnus, comme à chaque mal de tête.

J'attribue tout de même une mention spéciale à la dernière heure de cours : la technologie.

Je suis en binôme avec Mattias. Nous nous sommes rencontrés en début d'année, alors que lui était juste derrière moi au premier plan de classe. Nous nous sommes bien entendus, et nous avons de nombreux points communs, ce qui nous a rapprochés.

Comme à chaque fois que je suis en sa compagnie, je ris une bonne partie du cours. De toute façon, cette matière ne m'a jamais intéressée. Le temps file comme une étoile filante dans le ciel car la sonnerie retentit trop vite à mon goût.

J'accompagne mon ami à l'infirmerie, afin qu'il puisse récupérer son aide technologique portable. Cette dernière est essentielle pour lui, car il est dislexique.

Je cherche Amélia du regard, mais je sais qu'elle est déjà loin. Le jeudi soir, elle prétexte à peu près tout et n'importe quoi pour me laisser remonter l'allée du Collège avec Mattias. Je souris comme une idiote en pensant à ma meilleure amie.

Une étrange atmosphère s'installe rapidement, une fois que je me retrouve seule dans la cour déserte, qui fourmille habituellement d'étudiants. Je me sens observée, mal à l'aise, et perds mon sourire. Mon coeur se serre par à-coups irréguliers, et je n'ai qu'une hâte : que Mattias revienne. Mes bras et mes jambes sont parcourus par de violents picotements, comme si des centaines de fourmis marchaient à fleur de peau. J'ai la chaire de poule, alors que l'air est encore brûlant de la chaleur des rayons du soleil de la journée. Un poids oppresse ma gorge tandis que mes yeux fouillent les alentours. Mon regard alarmé finit par se poser sur un Jai. Je ricane nerveusement.

Ce n'est qu'un simple oiseau ! Qui plus est, un animal dont tu portes le nom, pensé-je, m'en voulant de me fier encore à mes ressentis, que je sais pourtant mauvais. En effet, mon imagination est détraquée par mes nuits peuplées de sombres visions cauchemardesques et mes journées ponctuées de migraines. Je ne peux plus avoir confiance en moi.

Mon attention et mes pensées se tournent de nouveau sur l'oiseau lorsqu'il bat vivement des ailes sans sembler vouloir s'envoler. Ses pupilles uniformément noires me fixent, presque sans vie. Mes réflexions me font frissonner. Au paroxysme de mon mal-être, je récupère un petit caillou au sol et le jette sur l'oiseau de malheur. Cela ne me ressemble pourtant pas, de vouloir blesser ou même effrayer un quelconque animal. Celui-ci évite le projectile mais reste en place.

Quel genre d'oiseaux agit comme ça ?

Dans le silence qui règne dans cette grande cour quelques minutes après la fin des cours, j'entends distinctement la porte de l'infirmerie grincer, et cela me sort de mes pensées. Un intense soulagement parcourt mon corps : je ne suis plus seule. Un dernier regard au corbeau m'informe qu'il a quitté sa place. Mon camarade sourit en m'apercevant, manifestation de joie évidente qui lui creuse une unique fossette dans la joue gauche.

— Oh ! Tu m'as attendu.

— Ça ne devrait plus t'étonner, je t'attends souvent !

— Un point pour toi ! Mais cela me surprend tout de même autant à chaque fois, réplique-t-il, tout sourire.

Je le lui retourne et secoue la tête avant de lever les yeux au ciel et de sortir du Collège, tout souvenir funeste envolé. Nous parlons de tout et de rien sur le chemin, jusqu'à ce que nous croisions ses amis. Ils nous rejoignent, et je m'efface pour les laisser ensemble, pensant être de trop. Cependant, Mattias aperçoit ma manoeuvre, et me fait un signe de tête pour que je les suive. Ce que je fais.

Soudainement, le groupe annonce qu'ils ont remarqué un autre de leurs acolytes loin devant. Ils s'élancent, tentant de le rattraper.

— Viens, Mattias !

Je ne dis rien, mais je préfèrerais qu'il reste. Bien sûr, c'est normal qu'il veuille les rejoindre, et s'il le fait, je ne montrerai rien de ma déception. Pourtant, ce qu'il répond me surprend.

— Non, allez-y. J'ai... pas envie de courir, je vous rejoins après.

Je lui décoche un sourire, et j'aimerai le remercier. Mais je me tais.

 

Je quitte Mattias quelques mètres plus loin pour rejoindre ma mère, et enfourche mon fidèle destrier, Harmonie. Ce nom lui vient de la couleur de sa robe et de ses crins ; un parfait équilibre entre le blanc de sa crinière et de sa queue et le noir de son pelage.

 

Je rentre chez moi au petit trot et m'occupe de ma jument. Enfin, je fais mes devoirs, et après un dîner rapide, je me couche. Bien que le sommeil ne soit pas long à trouver, il est très agité. En effet, les cauchemars auxquels je suis abonnée toutes les nuits reviennent.


Je suis dans les cieux et ma respiration est stable. Un sentiment de plénitude m'étreint le coeur. Un groupe de dragons survole des eaux scintillantes, qui leur renvoie une image éclatante de leur couleur pourpre. Je comprends que je suis également en train de chevaucher une de ces mythiques créatures. Un jeune homme à dos de dragon passe à côté de moi et ses lèvres bougent, tandis qu'il me fixe de ses yeux aigue-marine, mais je n'entends rien, car le vent emporte ses paroles. Il rit. Je crois bien que moi aussi.

La scène change pour laisser place à une atmosphère plus stressante.

Il n'y a aucun bruit, il fait noir, il me semble avancer dans un couloir. Ou peut être est-ce une grotte ? Mes yeux cherchent une source de lumière, mais l'obscurité est partout. Elle envahie l'espace, ma vision et mes poumons. Je suffoque, tombe à genoux. Le monde autour de moi devient trouble. Puis le paysage tombe, comme un rideau, et je suis dans une plaine paisible.

De grands arbres poussent à différents endroits, un ruisseau coule un peu plus en amont. Il me semble que c'est là que nous nous dirigeons. Les hautes herbes rendent plus difficile notre progression, bien que les chevaux ne montrent aucun signe de difficulté. Je suis heureuse. Du moins il me semble.

Toutes ces scènes, je les ai déjà vécues les nuits précédentes. Celle qui suit est pourtant inédite.

Je cours comme si ma vie en dépendait. Ma respiration est saccadée, mes poumons sont en feu et mon pouls n'a rien de régulier. Les hautes herbes me fouettent les tibia, le vent gifle mon visage rougi par le froid. Je n'entends que le rythme effréné de mes pas. Je trébuche soudainement sur une racine et je m'étale de tout mon long dans la gadoue. Une ronce m'entaille la paume, j'étouffe un cri et contemple la perle de sang se poser sur le sol.

Je me réveille et n'entends que ma respiration bruyante. Mon haut de pyjama est collé à mon dos, j'ai chaud. Mon coeur bat furieusement dans ma poitrine.

J'aurai pu mettre tous ces cauchemars sur le compte de mon imagination un poil détraquée, tout comme le corbeau.

Cependant, lorsque je sens un liquide poisseux couler le long du poignet, que j'allume la lumière et que je me rends compte qu'une profonde entaille dans ma paume saigne lentement, aucun doute n'est possible, il faut se rendre à l'évidence : tout ceci est bien réel.

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Lu'
Posté le 12/09/2019
Hello :)

J'aime bien ton chapitre, il nous permet de découvrir un peu plus ton univers, ainsi que tes personnages! J'aurais aimé m'attarder un peu plus sur les cours, ce qu'on y apprends (genre "l'arythmétique qu'est-ce que je déteste ça), et sur cette meilleure amie qui fuit dans l'espoir qu'une romance naisse ^^

Voici quelques suggestions d'amélioration :)
- Deuxième phrase du deuxième paragraphe un peu long. Je te propose de la commencer par " Mes sens sont saturés par..." plutôt que de la finir par la saturation des sens
- "simplement accompagné du doux son ..." (c'est écris somplement)
- "C'est reparti pour une jour..." plutôt "un" :)
Lea782004
Posté le 12/09/2019
Hey !

Merci pour tes corrections et remarques. Je vais modifier tout ça. De simples fautes de frappe ^^

Je vois, ton retour me sera utile lors de la prochaine réécriture ! Merci
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